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05/02/2020 | FRANCE | N°19PA04124

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 février 2020, 19PA04124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 octobre 2019 par lequel le ministre de l'intérieur a renouvelé, pour une durée de trois mois, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance prises à son encontre pour une durée de trois mois par un arrêté du 9 août 2019, lui faisant interdiction de se déplacer en dehors du territoire des départements de Paris (75), des Hauts-de-Seine (92), de Seine-Saint-Denis (93) et du

Val-de-Marne (94), subordonnant tout déplacement hors de ce périmètre à l'ob...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 octobre 2019 par lequel le ministre de l'intérieur a renouvelé, pour une durée de trois mois, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance prises à son encontre pour une durée de trois mois par un arrêté du 9 août 2019, lui faisant interdiction de se déplacer en dehors du territoire des départements de Paris (75), des Hauts-de-Seine (92), de Seine-Saint-Denis (93) et du Val-de-Marne (94), subordonnant tout déplacement hors de ce périmètre à l'obtention d'un sauf-conduit, et l'obligeant à se présenter une fois par jour, à 10h, au commissariat de police du 14ème arrondissement de Paris, tous les jours de la semaine, y compris les dimanches et les jours fériés ou chômés, et à déclarer son lieu d'habitation et tout changement de domicile.

Par un jugement n°1923559/3-3 du 27 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de M. A... :

- en annulant l'article 2 de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 30 octobre 2019 lui imposant de se présenter une fois par jour, à 10h, au commissariat de police du 14ème arrondissement de Paris, tous les jours de la semaine, y compris les dimanches et les jours fériés ou chômés, à compter de la date d'entrée effective de M. A... en formation (article 1er du jugement);

- en faisant injonction au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de M. A... avant la date de son entrée en formation afin de déterminer les modalités adaptées à son contrôle administratif (article 2 du jugement).

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 20 décembre 2019, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a méconnu son office en se fondant sur le document intitulé " convocation à l'entrée en formation ", daté du 7 novembre 2019, soit une date postérieure à la décision en litige, produit par M. A... le 18 novembre suivant ;

- il a, à tort, regardé l'arrêté en litige comme portant une atteinte manifestement disproportionnée au droit de travailler de M. A..., alors que M. A... qui n'avait pas contesté sa première mesure de surveillance, n'a pas demandé un aménagement de son obligation de se présenter tous les jours de la semaine au commissariat de police à 10h, et alors que cette même obligation ne portait pas une telle atteinte à son droit de travailler.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2020, M. A... conclut au rejet du recours.

Il soutient que :

- le recours du ministre de l'intérieur est irrecevable ;

- les dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure portent une atteinte excessive à sa liberté de circulation garantie par l'article 2 du protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la même convention, à sa liberté de pensée, de conscience et de religion garantie par l'article 9 de cette convention, et à son droit à un recours effectif garanti par l'article 13 de cette convention ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- il repose sur des faits inexacts ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n° 4 ;

- la décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018 du Conseil constitutionnel ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... a fait l'objet, par un arrêté du ministre de l'intérieur du 9 août 2019, de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance. En application des dispositions des articles L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure, il lui a, pour une durée de trois mois, été fait interdiction de se déplacer en dehors du territoire des départements de Paris (75), des Hauts-de-Seine (92), de Seine-Saint-Denis (93) et du Val-de-Marne (94), sans avoir obtenu au préalable un sauf-conduit, et fait obligation de se présenter une fois par jour, à 10h, au commissariat de police du 14ème arrondissement de Paris, tous les jours de la semaine, y compris les dimanches et les jours fériés ou chômés, et de déclarer son lieu d'habitation et tout changement de domicile. Ces mesures ont été renouvelées pour une durée de trois mois par un nouvel arrêté du ministre de l'intérieur du 30 octobre 2019, que M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler. Par un jugement du 27 novembre 2019, le tribunal administratif a partiellement fait droit à cette demande en annulant à compter de la date d'entrée effective de M. A... en formation, l'article 2 de l'arrêté du 30 octobre 2019 imposant à M. A... de se présenter une fois par jour, à 10h, au commissariat de police du 14ème arrondissement de Paris, et en faisant injonction au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de M. A... avant la date de son entrée en formation. Le ministre de l'intérieur fait appel de ce jugement.

Sur la recevabilité du recours :

2. Si M. A... a entendu soutenir que le recours du ministre de l'intérieur serait irrecevable, il n'a fait valoir aucune fin de non recevoir précise à l'appui de cette allégation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Le bienfondé des réponses que le jugement a apportées aux moyens que M. A... avait fait valoir devant le tribunal administratif, est sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 228-2 de ce code : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République de Paris et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites (...) ".

5. Il ressort des motifs du jugement attaqué que pour faire partiellement droit à la demande de M. A..., le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que M. A... était convoqué pour l'entrée en formation préparatoire aux formations du secteur de maintenance et production industrielles se déroulant dans les locaux de l'agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) à Meudon-la-Forêt (92) à partir du 2 décembre 2019, à 8h15, et qu'il avait été convoqué pour une réunion d'information le mercredi 20 novembre 2019 à laquelle il s'était rendu. Il en a déduit que la fixation par l'article de 2 de l'arrêté, de l'horaire de présentation au commissariat de police, à 10h, portait, dans les circonstances de l'espèce, une atteinte disproportionnée au droit de travailler de M. A....

6. Pour contester ce jugement, le ministre de l'intérieur fait valoir à bon droit que la légalité d'une décision devant s'apprécier à la date à laquelle elle est prise, M. A... ne peut se prévaloir du document intitulé " convocation à l'entrée en formation " le 2 décembre 2019 à 8h15, daté du 7 novembre 2019, soit une date postérieure à la décision en litige, pour établir la réalité de son inscription à la formation mentionnée ci-dessus. Ni le document intitulé " attestation de réservation ", ni celui intitulé " Convocation Pré-Accueil STARTER DAY ", ni aucune autre pièce produite par M. A... ne permet davantage d'établir la réalité de son inscription et de sa convocation à la date de la décision litigieuse. Le ministre est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs rappelés ci-dessus.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif et en appel, à l'encontre de l'article 2 de l'arrêté en litige, lui imposant de se présenter une fois par jour, à 10h, au commissariat de police du 14ème arrondissement de Paris, tous les jours de la semaine.

8. En premier lieu, faute de justifier de son inscription et de sa convocation à la formation mentionnée ci-dessus à la date de la décision en litige, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la mesure litigieuse porterait atteinte à sa liberté d'entreprendre.

9. En deuxième lieu, si M. A... invoque le principe du respect de la dignité de la personne humaine, son droit au respect de sa vie privée et familiale et sa liberté de circulation garantis respectivement par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 2 du protocole additionnel n° 4 à cette même convention, sa liberté de pensée, de conscience et de religion garantie par l'article 9 de cette convention, et son droit à un recours effectif garanti par l'article 13 de la même convention, il n'assortit l'invocation de ce principe et de ces stipulations d'aucune argumentation particulière.

10. En troisième lieu, à supposer que M. A... ait entendu faire valoir d'autres moyens, ceux-ci sont sans incidence sur la légalité de l'article 2 de l'arrêté en litige lui imposant de se présenter une fois par jour, à 10h, au commissariat de police du 14ème arrondissement de Paris tous les jours de la semaine.

11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation rappelée au point 1.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n°1923559/3-3 du Tribunal administratif de Paris du 27 novembre 2019 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 30 octobre 2019, présentées devant le Tribunal administratif de Paris sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 5 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2020.

Le rapporteur,

J-C. B...

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 19PA04124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04124
Date de la décision : 05/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-05;19pa04124 ?
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