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05/02/2020 | FRANCE | N°17PA02981

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 février 2020, 17PA02981


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Boctar a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 27 257,14 euros, au titre du règlement du solde du lot n° 1 du marché de restructuration du service de réanimation pédiatrique de l'hôpital universitaire Robert Debré, à assortir des intérêts moratoires au taux légal calculés à compter du jugement à intervenir, la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts, les intérêts moratoires calc

ulés à compter du 17 janvier 2015 sur la somme de 17 855,27 euros, correspondant à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Boctar a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 27 257,14 euros, au titre du règlement du solde du lot n° 1 du marché de restructuration du service de réanimation pédiatrique de l'hôpital universitaire Robert Debré, à assortir des intérêts moratoires au taux légal calculés à compter du jugement à intervenir, la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts, les intérêts moratoires calculés à compter du 17 janvier 2015 sur la somme de 17 855,27 euros, correspondant à la retenue de garantie selon elle indument pratiquée, ainsi que la somme de 437,42 euros au titre des intérêts compensatoires dus pour le retard dans la notification du décompte général et définitif. La société Boctar a également demandé au tribunal d'ordonner que les intérêts moratoires et compensatoires dus pour au moins une année entière portent eux-mêmes intérêts et que soit mise à la charge de l'AP-HP la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1602990/4-2 du 7 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à la société Boctar la somme de 18 854,38 euros, décidé qu'à concurrence de 17 855,27 euros, cette somme porterait intérêt au taux légal augmenté de deux points à compter du 24 mai 2015, les intérêts échus le 25 mai 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts, jugé qu'à concurrence de 999,11 euros, la somme en cause porterait intérêt au taux légal à compter de la notification du jugement et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er septembre 2017 et le 21 septembre 2018, la société Boctar, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du 7 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser, en principal, la somme de 27 257,14 euros correspondant au solde du lot n° 1 du marché de restructuration du service de réanimation pédiatrique de l'hôpital universitaire Robert Debré, portant intérêt au taux légal à compter de la date du jugement attaqué, assortie de la capitalisation des intérêts au taux légal ;

3°) de condamner l'AP-HP au paiement des intérêts moratoires calculés sur la base du taux d'intérêt légal appliqué par la Banque centrale européenne majoré de huit points, générés jusqu'au remboursement de la retenue de garantie de 17 855,27 euros à compter du 17 janvier 2015, assortie de la capitalisation des intérêts ;

4°) de condamner l'AP-HP au versement des intérêts moratoires dus pour les retards de paiement de l'ensemble des situations et décomptes, majorés des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la date du jugement attaqué, jusqu'au jour du paiement effectif ;

5°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a statué au-delà des conclusions qui lui étaient soumises pour la pénalité de retard relative aux travaux correspondant à l'extension nord, qu'il n'a pas justifié de son refus d'appliquer le taux d'intérêt légal de la Banque centrale européenne majoré de huit points sur la somme correspondant à la retenue de garantie de

17 855,27 euros, et, enfin, qu'il a accueilli la fin de non-recevoir opposée par l'AP-HP s'agissant de l'octroi d'intérêts moratoires sur les acomptes payés au-delà de la somme de 531,98 euros ;

- pour lui infliger des pénalités de retard, l'AP-HP ne pouvait lui opposer la modification du calendrier d'exécution du chantier prévoyant une reprise des travaux le 30 septembre 2013, sans lui avoir au préalable notifié un ordre de service ;

- en l'absence de gêne dans la réalisation des travaux d'autres lots et dès lors qu'elle a respecté son calendrier global d'exécution des travaux, malgré la contrainte d'avoir dû prendre en charge des travaux supplémentaires, la pénalité qu'elle a subie pour le retard partiel d'exécution des travaux relatifs à l'extension nord du bâtiment est injustifiée, le retard en cause n'ayant au demeurant pas atteint les 71 jours retenus par les premiers juges dans le jugement attaqué ;

- le retard dans l'avancement des travaux relatifs au poteau G 10 procédant d'une entreprise tierce et n'ayant pas eu d'impact sur l'avancement des travaux des autres lots, il n'y avait pas lieu de lui infliger de pénalité à ce titre ;

- dès lors que la société SGDL devait au préalable poser une charpente métallique, ce qu'elle n'a pas fait dans les délais requis, l'AP-HP ne pouvait lui infliger de pénalité pour le retard pris dans l'exécution des travaux relatifs à l'extension entrée ouest ;

- il y a lieu de calculer les intérêts moratoires correspondant à la retenue de garantie indument pratiquée par l'AP-HP en retenant le taux appliqué par la Banque centrale européenne majoré de huit points, comme l'exige l'article 8 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013.

Par un mémoire en défense et d'appel incident et un mémoire complémentaire, enregistrés le 30 mai 2018 et le 21 août 2019, l'AP-HP, représentée par la SCP C... et Associés, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société Boctar ;

2°) de réformer le jugement attaqué, en tant qu'il a remis en cause le bien-fondé de la pénalité infligée à la société Boctar à raison de son retard dans la réalisation des travaux relatifs à l'extension entrée ouest ;

3°) de mettre à la charge de la société Boctar la somme de 2 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- la société Boctar n'a délibérément pas respecté les délais impartis pour la réalisation des travaux de l'extension entrée ouest.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 94-679 du 8 août 1994 ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Oriol, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me C..., représentant la société Boctar,

- et les observations de Me D..., représentant l'AP-HP.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 29 mars 2013, l'AP-HP a attribué à la société Boctar le lot n° 1 " gros oeuvre, maçonnerie et plâtrerie " d'un marché public de travaux ayant pour objet la restructuration du service de réanimation pédiatrique de l'hôpital universitaire Robert Debré, dans le 19ème arrondissement de Paris. A la suite de la réception des travaux, intervenue le 12 septembre 2014, la société Boctar a présenté son projet de décompte final, le 21 novembre suivant, lequel faisait état d'un montant à lui devoir de 27 663,92 euros. Après que l'AP-HP eut établi, le 16 mars 2015, le décompte général définitif du marché faisant ressortir une somme de 426,53 euros au crédit de la société Boctar, celle-ci l'a saisie d'une réclamation reçue le 3 avril 2015, par laquelle elle a contesté l'application de pénalités de retard, pour un montant de 8 957,76 euros, les modalités de calcul de la retenue de garantie, l'application de la taxe sur la valeur ajoutée à une partie du prix actualisé et le défaut de prise en compte des intérêts moratoires dont elle estimait qu'ils lui étaient dus à raison du paiement tardif des acomptes. Cette réclamation ayant été implicitement rejetée, la société Boctar a saisi le Tribunal administratif de Paris de conclusions tendant essentiellement à ce que l'AP-HP soit condamnée à lui verser la somme de 27 257,14 euros en règlement du solde du marché, à assortir des intérêts de droit et de diverses indemnités. Par un jugement du 7 juillet 2017, le tribunal a condamné l'AP-HP à lui verser la somme de 18 854,38 euros, décidé qu'à concurrence de 17 855,27 euros, cette somme porterait intérêt au taux de l'intérêt légal majoré de deux points à compter du 24 mai 2015, les intérêts échus le 25 mai 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts, jugé qu'à concurrence de 999,11 euros, la somme en cause porterait intérêt au taux légal à compter de la date de notification du jugement et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Boctar. Celle-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à ses conclusions relatives au règlement du solde du marché, au versement des intérêts dus et à la capitalisation des intérêts.

2. Par la voie de l'appel incident, l'AP-HP demande à la Cour de réformer le jugement attaqué, en tant qu'il a remis en cause le bien-fondé de la pénalité infligée à la société Boctar à raison de son retard dans la réalisation des travaux relatifs à l'extension entrée ouest.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Boctar a demandé au tribunal de la décharger de la pénalité qui lui a été infligée à raison du retard dans l'exécution des travaux de l'extension nord, au motif, notamment, qu'elle n'était pas fondée. En défense, l'AP-HP a soutenu que l'application de la pénalité litigieuse était justifiée, en raison d'un retard de 60 jours dans l'exécution des travaux en cause. Les premiers juges ont examiné le bien-fondé de cette pénalité au regard, notamment, des jours ayant servi de base à son calcul, en retenant 71 jours de retard. Si, ce faisant, ils ont pris en compte un nombre de jours supérieur à celui retenu par l'AP-HP, cette circonstance est restée sans incidence sur le montant total des pénalités de retard infligées par

l'AP-HP à la société Boctar et figurant au décompte général. Le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient statué au-delà des conclusions qui leur étaient soumises doit donc être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 13.3.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " Après l'achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées (...) ". En vertu de l'article 13.3.3 de ce même document : " Le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final ".

5. Les intérêts moratoires dus sur les acomptes mandatés ou payés au-delà du délai contractuel constituent des éléments de créance trouvant leur cause dans l'exécution du marché. L'entreprise doit, à peine de déchéance, les intégrer dans leur principe ou dans leur montant à son projet de décompte final si, à la date d'établissement de cette pièce, lesdits acomptes ayant été mandatés ou payés, elle est en mesure de déterminer le retard sur la base duquel les intérêts moratoires doivent être liquidés.

6. Il résulte de l'instruction que dans son projet de décompte final daté du 21 novembre 2014, la société Boctar a sollicité le versement d'intérêts moratoires sur les acomptes réglés par l'AP-HP entre le 14 juin 2013 et le 21 novembre 2014, à concurrence d'une somme globale de 531,98 euros. Dès lors qu'à la date de l'établissement de ce document, la société Boctar était en mesure de déterminer précisément le montant des intérêts moratoires dont elle réclamait le paiement, elle ne saurait soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé qu'elle était irrecevable à réclamer à ce titre une somme supérieure à 531,98 euros.

Sur le solde du marché :

7. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte, même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Ce compte inclut, au profit de l'entreprise, la rémunération de ses travaux et, à sa charge, s'il y a lieu, notamment, les pénalités contractuelles qui peuvent éventuellement lui être appliquées et les réfactions de prix. Il revient également aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire. Il appartient au juge du contrat, en l'absence, comme en l'espèce, de décompte général devenu définitif, de statuer sur les réclamations pécuniaires dont il est saisi et de déterminer ainsi le solde des obligations contractuelles respectives des parties.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

S'agissant de l'opposabilité du calendrier d'exécution des travaux :

8. Aux termes de l'article 4.1.2 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché litigieux : " (...) / Après mise au point en accord avec les entrepreneurs et approbation par le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage, ces calendriers détaillés sont notifiés par ordre de service aux intervenants, le calendrier détaillé d'exécution final étant notifié à la fin de la période de préparation. / (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que le calendrier modifié le 30 août 2013, faisant état de ce que les travaux reprendraient le 30 septembre suivant, a été remis en mains propres à la société Boctar. La société, qui l'a signé à cette occasion, a également signé sans réserve l'ordre de service de reprise des travaux du 23 septembre 2013, lequel faisait explicitement référence au planning de septembre 2013. Il ressort enfin du compte-rendu de la réunion de chantier n° 11 du 30 septembre 2013, à laquelle participaient MM. E... et B... pour la société Boctar, qu'il a été pris acte, à la rubrique planning, que le " planning septembre 2013 " avait été validé et signé par toutes les entreprises, sauf BS Moquette. Par suite, le moyen tiré de ce que la modification du calendrier en cause aurait dû être notifié à la société Boctar par ordre de service pour lui être opposable ne peut qu'être écarté.

S'agissant du bien-fondé des pénalités infligées :

10. D'une part, aux termes de l'article 20.1.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 septembre 2009 : " Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre ". En vertu de l'article 20.1.5 du même document : " En cas de retard sur un délai partiel prévu au marché, si le délai global est respecté, le représentant du pouvoir adjudicateur rembourse au titulaire les pénalités provisoires appliquées, à la condition que le retard partiel n'ait pas eu d'impact sur les autres travaux de l'ouvrage ".

11. D'autre part, l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché litigieux stipule que : " (...) En cas de retard sur les délais fixés par le calendrier contractuel d'exécution des travaux, l'entrepreneur sera passible d'une pénalité journalière calculée suivant les indications ci-après. / Pour le calcul de cette pénalité, il faut entendre par délai contractuel, le délai compris entre la date du début des travaux du lot concerné et la date de terminaison des travaux dudit lot sans neutraliser les divers[es] interruptions. / (...) la pénalité par jour calendaire de retard sera calculée à l'aide de la formule suivante : / P = M/A... dans laquelle : / P = montant de la pénalité journalière / M = montant HT du marché initial éventuellement modifié ou complété par les ordres de service intervenus / X = valeur indiquée au paragraphe V (tableau III) de l'annexe au présent CCAP. / Cette pénalité sera appliquée sans mise en demeure préalable, sur simple confrontation de la date réelle de fin d'exécution des travaux et de la date d'expiration du délai d'exécution fixée au calendrier contractuel d'exécution. / (...) Des retenues journalières calculées selon indications ci-avant pourront être appliquées en cas de retard dans l'intervention, l'avancement et/ou l'achèvement d'une tâche. / Ces retenues pourront être reversées si le retard se trouve résorbé avant qu'il n'ait provoqué de gêne dans le déroulement des travaux d'un autre lot. Dans le cas contraire, même si le retard se trouve résorbé en fin de tâches, elles pourront être transformées en pénalités ".

Quant à la pénalité concernant les travaux relatifs à l'extension nord :

12. Il est constant que le calendrier détaillé d'exécution des travaux prévoyait l'achèvement de ceux relatifs à l'extension nord du bâtiment en semaine 46 de l'année 2013, c'est-à-dire au plus tard le 17 novembre 2013. Il résulte cependant de l'instruction, notamment des comptes-rendus des réunions de chantier qui se sont tenues jusqu'en décembre 2013, que la société Boctar n'a pas été en capacité de respecter les délais impartis. Certes, elle a fait valoir, au cours de la réunion de chantier du 19 novembre 2013, qu'elle était confrontée à une difficulté de fourniture d'isolants, raison pour laquelle il lui a été demandé de rechercher des solutions de substitution. Si, à cet égard, la société a produit un premier devis, le 28 novembre 2013, le second, relatif à l'emploi de béton allégé, était encore en attente le 16 décembre 2013, comme cela ressort du compte-rendu de la réunion de chantier qui s'est tenue le même jour. Si la société soutient qu'elle a établi le devis en cause le 20 décembre 2013, elle ne justifie pas de sa date de réception par l'AP-HP, qui, au cours de la réunion de chantier du 6 janvier 2014, a une nouvelle fois relevé qu'elle avait plusieurs semaines de retard sur l'ouvrage. Une fois retenue l'option technique de retenir du sablon, un isolant et une dalle en béton, le 20 janvier 2014, il a finalement été décidé, en raison de conditions climatiques défavorables, de commencer les travaux le 29 janvier 2014, date qui a été reportée dès le lendemain, en raison des problèmes de livraison des panneaux de toiture de la société SGDL.

13. Quand bien même elle aurait pris en charge des travaux supplémentaires et n'aurait pas eu de retard dans la livraison finale de l'ouvrage, la responsabilité de la société Boctar dans les retards survenus dans l'exécution des travaux relatifs à l'extension nord permettait à l'AP-HP de lui infliger une pénalité de retard, conformément aux stipulations de l'article 20.1.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux. Si, pour s'en défendre, la société Boctar soutient que le retard partiel qui lui est reproché n'a pas gêné le déroulement des travaux des autres lots du marché, il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu de la réunion de chantier du 16 décembre 2013, qu'en raison du retard de la société Boctar, la pose de charpente de la société SGDL a été décalée à la semaine 2 de l'année 2014, alors qu'elle aurait dû être livrée le 17 novembre 2013.

14. En retenant une base de calcul de 71 jours du 17 novembre 2013 au 30 janvier 2014, les premiers juges ont néanmoins fait supporter à la société Boctar un retard qui ne lui était plus imputable à compter du 20 janvier 2014, date à laquelle l'option technique de substitution a été retenue et à partir de laquelle les travaux auraient pu commencer si des conditions météorologiques défavorables et des circonstances extérieures à sa volonté n'y avaient fait obstacle. C'est donc à tort qu'ils se sont écartés de la base de 60 jours retenue par l'AP-HP lorsqu'elle a calculé les pénalités de retard infligées à la société Boctar.

Quant à la pénalité concernant les travaux relatifs au poteau G 10 :

15. Il résulte de l'instruction qu'alors que les travaux relatifs au poteau G 10 auraient dû être livrés par la société Boctar en semaine 45 de l'année 2013, soit au plus tard le 10 novembre 2013, ils ne l'ont été qu'en janvier 2014. Si l'appelante tente de justifier ce retard en se prévalant de ce qu'une entreprise tierce au marché a abandonné un échafaudage et une benne sur le chantier, ce qui l'aurait en conséquence empêchée d'y accéder en semaine 48, il est constant que cette circonstance n'a jamais été évoquée avant le 24 décembre 2013, alors qu'à cette date, les travaux auraient déjà dû être achevés depuis plus d'un mois. Toutefois, dès lors que l'AP-HP ne se prévaut pas de ce que le retard en cause aurait entravé le bon déroulement des autres lots du marché,

l'article 20.1.5 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, auquel ne déroge pas explicitement l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché litigieux, faisait obstacle à l'infliction de la pénalité litigieuse. C'est donc à tort que les premiers juges l'ont maintenue à la charge de la société Boctar.

Quant à la pénalité concernant les travaux relatifs à l'extension de l'entrée ouest :

16. Pour mener à bien ses travaux sur l'extension entrée ouest, indispensables pour que la société SGDL, titulaire du lot menuiseries extérieures, puisse poser un châssis fixe et ouvrant à la française, le calendrier d'exécution des travaux imposait à la société Boctar de procéder à la démolition partielle de la protection d'étanchéité, au plus tard le 3 novembre 2013, à mettre en place un voile BA, au plus tard le 10 novembre 2013, à sceller l'ossature, la couverture et les menuiseries extérieures, au plus tard le 17 novembre 2013, à installer un dallage en béton armé, au plus tard le 24 novembre 2013, et, enfin, à procéder à l'habillage extérieur mural Buchtal, au plus tard le 16 février 2014. Or, il résulte de l'instruction, notamment des comptes-rendus de chantier des 19 octobre 2013, 2, 7 et 14 décembre 2013, 20 janvier 2014 et 17 février 2014, que ces délais n'ont pas été respectés. Notamment, ce dernier compte-rendu fait état de ce que l'intervention de la société SGDL a été décalée au 3 mars 2014, en raison du retard de quinze semaines de la société Boctar. Si, pour tenter de justifier de ce retard, l'appelante soutient que son intervention était conditionnée par l'étaiement de la charpente par la société SGDL, dont elle allègue qu'il n'est intervenu que le 20 janvier 2014, il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que les dispositions prises par la société SGDL auraient d'une quelconque façon retardé l'avancée des travaux de la société Boctar, qui n'a démarré les travaux d'extension de l'entrée ouest que le 9 janvier 2014. L'AP-HP est donc fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société Boctar avait été empêchée d'intervenir faute pour la société SGDL d'avoir accompli les diligences requises en amont et jugé en conséquence qu'elle ne pouvait infliger à la société Boctar une pénalité, fondée sur une base de 24 jours, à raison de son retard dans la réalisation des travaux relatifs à l'extension de l'entrée ouest.

17. Il résulte de ce qui précède que la société Boctar n'est pas fondée à demander la réfaction des pénalités de retard d'un montant total de 8 957,76 euros, infligées par l'AP-HP sur une base de 84 jours.

En ce qui concerne le solde du marché :

18. Dès lors que la société Boctar ne conteste plus en appel les autres postes ayant concouru à la détermination du solde du marché, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a arrêté à la somme de 18 854,38 euros à son crédit.

Sur la demande d'intérêts moratoires sur le solde du marché :

19. En vertu de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " (...) /. La date de réception du décompte général et définitif par le représentant du pouvoir adjudicateur constitue le point de départ du délai global de paiement en application du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 modifié. / (...) ". L'article 3.3.4 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché litigieux stipule que : " Au delà du délai maximum de paiement prévu à l'article 96 du code des marchés publics, les intérêts moratoires sont dus de plein droit. Le taux retenu pour le calcul des intérêts moratoires est le taux d'intérêt légal augmenté de deux points. Dans la mesure où la consultation concernant le présent marché a été engagée postérieurement au 31 décembre 2003, le délai maximum de paiement est au plus de 50 jours ".

20. Les premiers juges ont estimé que la société Boctar avait limité à la somme de 17 855,27 euros correspondant à la retenue de garantie indument pratiquée par l'AP-HP, ses prétentions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires conformément aux stipulations contractuelles, demandant seulement les intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement pour le surplus. Ils ont ainsi fait courir les intérêts dus sur la somme de 17 855,27 euros, 50 jours après la réception par l'AP-HP de la réclamation préalable de la société Boctar, reçue le 3 avril 2015, soit à compter du 24 mai 2015. En vertu de l'article 3.3.4 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché litigieux, les premiers juges ont estimé que les intérêts en cause seraient calculés au taux de l'intérêt légal majoré de deux points et qu'ils seraient capitalisés lorsqu'ils auraient été dus pour au moins une année entière, à compter du 24 mai 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date. Pour le surplus, ils ont en revanche jugé que la somme de 999,11 euros porterait seulement intérêt au taux légal, à compter de la date de notification de leur jugement.

En ce qui concerne les intérêts moratoires dus sur la somme de 17 855,27 euros correspondant à la retenue de garantie indument pratiquée par l'AP-HP :

21. D'une part, aux termes de l'article 67 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, en vigueur à la date à laquelle les premiers juges ont statué : " Dans le cadre des marchés publics, y compris les travaux sur mémoires et achats sur factures, est réputée non écrite toute renonciation au paiement des intérêts moratoires exigibles en raison du défaut, dans les délais prévus, soit du mandatement des sommes dues, soit de l'autorisation d'émettre une lettre de change-relevé, soit du paiement de celle-ci à son échéance. / La présente disposition est applicable à toute clause de renonciation conclue à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. ". En vertu de l'article L. 2192-14 du code de la commande publique en vigueur : " Toute renonciation au paiement des intérêts moratoires est réputée non écrite ".

22. D'autre part, en vertu du I de l'article 8 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, applicable à la date de conclusion du contrat : " Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. Les intérêts moratoires courent à compter du jour suivant l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse (...) ". L'article 21 de ce même décret prévoit : " Le présent décret entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication. Ses dispositions s'appliquent aux contrats conclus à compter du 16 mars 2013 pour les créances dont le délai de paiement a commencé à courir à compter de la date d'entrée en vigueur du présent décret ".

23. Il résulte de ces dispositions que les parties ne peuvent déroger contractuellement aux dispositions citées au point 22 de l'article 8 du décret du 20 mars 2013, qui sont d'ordre public et qui étaient applicables au contrat en litige. La société Boctar, qui a explicitement demandé au Tribunal administratif de Paris d'appliquer les dispositions du décret du 29 mars 2013, est donc fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, sans motiver leur position, ont calculé les intérêts moratoires dus sur la somme de 17 855,27 euros en appliquant les stipulations de l'article 3.3.4 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché litigieux, c'est-à-dire le taux de l'intérêt légal augmenté de deux points, alors qu'elles étaient réputées non écrites. Il y a donc lieu de retenir, pour le calcul des intérêts moratoires demandés, le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage.

En ce qui concerne la somme de 999,11 euros correspondant au surplus du solde du marché :

24. La société Boctar, qui demande à la Cour que l'AP-HP soit condamnée à lui verser les intérêts moratoires dus pour ses retards de paiement portant sur l'ensemble des situations et décomptes, majorés des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la date du jugement attaqué, doit être regardée comme englobant dans sa demande la somme de 999,11 euros correspondant au surplus du solde du marché qui lui reste dû. Les intérêts moratoires et la capitalisation des intérêts pouvant être demandés à tout moment devant les juges du fond, il y a donc lieu d'assortir la somme de 999,11 euros des intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2017, date de lecture du jugement attaqué, comme le demande la société Boctar. Les intérêts échus à la date du 7 juillet 2018, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la société Boctar est seulement fondée à demander que les intérêts auxquels elle a droit soient calculés conformément aux points 23 et 24 ci-dessus. Le jugement attaqué doit donc être réformé dans cette mesure.

Sur les frais de justice :

26. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .

DÉCIDE :

Article 1er : Les intérêts au versement desquels l'AP-HP a été condamnée par les articles 2 et 3 du jugement attaqué seront calculés conformément aux points 23 et 24 ci-dessus.

Article 2 : Le jugement n° 1602990/4-2 du Tribunal administratif de Paris du 7 juillet 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Boctar est rejeté.

Article 4 : L'appel incident de l'AP-HP est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Boctar et à l'AP-HP.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Oriol, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 février 2020.

Le rapporteur,

C. ORIOLLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAULe greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02981
Date de la décision : 05/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Interprétation

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CABINET BOIVIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-05;17pa02981 ?
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