Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mars 2016 par laquelle la Poste l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de 18 mois dont 6 mois avec sursis, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1604221 du 26 juin 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour:
Par une requête, enregistrée le 10 août 2018, M. A... représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 juin 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 14 mars 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la Poste une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'une violation des droits de la défense eu égard au caractère fluctuant du rapport disciplinaire selon les dates, ce qui ne lui a pas permis d'assurer utilement sa défense ;
- les fautes disciplinaires qui lui sont imputées ne sont pas établies ;
- la sanction est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par une ordonnance du 6 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 10 avril 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n° 2007-611 du 26 avril 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me E... pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., fonctionnaire de La Poste affecté à la plateforme de préparation et de distribution du courrier de Créteil, a été exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de 18 mois dont 6 mois avec sursis par une décision du 14 mars 2016 aux motifs qu'il a rendu un service de mauvaise qualité, qu'il n'a respecté ni les procédures en matière de collecte, ni l'article 10 du règlement intérieur de La Poste, qu'il a eu un comportement inapproprié envers ses collègues et envers son supérieur, qu'il n'a pas respecté le principe de l'interdiction du cumul d'emploi et qu'il a fait une fausse déclaration d'accident de service. M. A... relève appel du jugement du 26 juin 2018 du Tribunal administratif de Melun qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, visée ci-dessus : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : l'avertissement ; le blâme /Deuxième groupe : la radiation du tableau d'avancement ; l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; le déplacement d'office /Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans /Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ". Aux termes de l'article 19 de cette même loi : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ".
3. En premier lieu, le moyen tiré d'une violation des droits de la défense doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4 et 5 du jugement attaqué.
4. En second lieu, il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Il ressort des pièces du dossier que, le 4 mars 2015, M. A... a omis de prendre son flasheur, indispensable pour assurer sa tournée de collecte, a dû revenir le chercher et n'a ainsi pu assurer la collecte de l'hôpital de Villeneuve-Saint-Georges, sa hiérarchie ayant envoyé un autre agent assurer cette collecte attendue par le client, et que, le 15 avril 2015, M. A... a oublié d'assurer la collecte de la commune de Valenton. Ces faits, dont la matérialité n'est pas contestée par M. A..., doivent être regardés comme établis et contrairement à ce qu'il soutient, ils constituent des fautes disciplinaires et ce quel que soit leur degré de gravité.
6. Il ressort également des pièces du dossier que, le 1er avril 2015, des collègues de M. A... sont venus se plaindre auprès de leur hiérarchie du comportement de l'intéressé qui prenait des photographies avec son téléphone attribué pour les besoins du service. Si M. A... fait valoir qu'il avait en réalité utilisé son téléphone personnel et avait ainsi légitimement refusé de le donner à son supérieur hiérarchique, il résulte du rapport de son encadrant, établi le lendemain des faits, que M. A... a reconnu avoir inséré sa carte SIM personnelle dans son téléphone à usage professionnel, qu'il n'a pas contesté avoir pris des photos de ses collègues sur leur lieu de travail, ni avoir eu un geste de violence pour tenter de récupérer le téléphone des mains de son supérieur hiérarchique, faits qui sont attestés par le témoignage de M. D..., présent sur les lieux. Par suite, ces faits doivent être regardés comme établis et fautifs.
7. Aux termes de l'article 1er du décret du 2 mai 2007 : " Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires, les agents non titulaires de droit public et les ouvriers régis par le régime des pensions des établissements industriels de l'Etat peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d'une personne publique ou privée. Un même agent peut être autorisé à exercer plusieurs activités accessoires. " Aux termes de l'article 5 du même décret : " Préalablement à l'exercice de toute activité soumise à autorisation, l'intéressé adresse à l'autorité dont il relève qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes : 1° Identité de l'employeur ou nature de l'organisme pour le compte duquel s'exercera l'activité envisagée ; 2° Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité. Toute autre information de nature à éclairer l'autorité mentionnée au premier alinéa sur l'activité accessoire envisagée peut figurer dans cette demande à l'initiative de l'agent. L'autorité peut lui demander des informations complémentaires ".
8. M. A... fait valoir que, lorsqu'il a créé la société de production " Cliperzfilmz " le 3 avril 2013, il était en situation d'exclusion temporaire de fonctions. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la décision du 21 avril 2013 portant exclusion de fonctions a été suspendue par ordonnance du Tribunal administratif de Melun du 17 mai 2013 et que M. A... a été réintégré dans ses fonctions à compter du 21 août 2013. En outre, M. A... ne justifie pas avoir demandé une autorisation de cumul d'activité en application des dispositions citées au point 7 avant le 19 juin 2015, après que son administration lui a demandé de présenter une telle demande. Enfin, s'il déclare que l'activité de sa société était déficitaire, il a néanmoins réalisé, alors qu'il avait repris ses fonctions à La Poste, un court-métrage qui a été présenté au festival de Cannes en 2015. Ainsi, et contrairement à ce que soutient M. A..., sa société exerçait une activité à but lucratif, activité qui ne saurait être considérée comme une oeuvre de l'esprit, déchargeant son auteur d'une demande d'autorisation de cumul d'activités. Ce grief disciplinaire est donc également établi.
9. Enfin, M. A..., qui a déclaré être victime d'un accident de service le 16 juillet 2015, produit deux témoignages de collègues, qui n'étaient pas présents lors de sa chute mais ont confirmé un grand bruit et la douleur manifestée par M. A... suite à l'accident. Toutefois, il ressort du procès-verbal de l'huissier qui a pu examiner les bandes vidéo enregistrées au moment de cet accident que M. A... a fait volontairement chuter un chariot remplis de cassettes de courrier et a alors accompagné le mouvement en s'allongeant sur le chariot couché afin de feindre une chute. Si le médecin a constaté un " trauma thoracique dorsal des suites d'une chute mécanique à la renverse ", ces éléments ne permettent pas de contredire la matérialité des faits et, d'ailleurs, la commission de réforme a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Ce fait est donc établi et est constitutif d'une faute disciplinaire d'une particulière gravité.
10. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 9, les négligences commises par M. A... dans l'exercice de son travail, les dissimulations faites à son employeur sur son activité privée à but lucratif, l'emploi du matériel de service à des fins inadaptées et suscitant la désapprobation de ses collègues et, fait le plus grave, la simulation d'un accident de travail constituent un ensemble de faits qui justifient le prononcé d'une sanction disciplinaire. En prononçant une sanction de troisième groupe d'exclusion temporaire de fonctions de 18 mois, dont 6 mois avec sursis, alors que M. A... avait déjà subi des sanctions disciplinaires, La Poste n'a pas pris une sanction disproportionnée par rapport à la gravité des faits reprochés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la Poste.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 janvier 2020.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA02767