La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/01/2020 | FRANCE | N°18PA00293

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 janvier 2020, 18PA00293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 septembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société " Arc Sécurité " à le licencier, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1603927 du 28 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé l'autorisation de licencier M. F....

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire enregistrée le 25 janvier 2018 et deux mémoires comp

lémentaires enregistrés les 11 avril et 15 mai 2019, la société Triomphe Sécurité, venant aux ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 septembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société " Arc Sécurité " à le licencier, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1603927 du 28 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé l'autorisation de licencier M. F....

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire enregistrée le 25 janvier 2018 et deux mémoires complémentaires enregistrés les 11 avril et 15 mai 2019, la société Triomphe Sécurité, venant aux droits de la société Arc Sécurité, représentée par le cabinet L Six Law Firm Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 novembre 2017 ;

2°) de rejeter les demandes de M. F... et de confirmer l'autorisation de licenciement ;

3°) de mettre à la charge de M. F... la somme de 4 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré comme inopérantes les circonstances particulières invoquées à l'appui de l'anonymisation des attestations produites dans le cadre de l'enquête de l'inspectrice du travail ;

- il existait un risque de représailles ;

- la teneur des témoignages a été régulièrement communiquée à M. F... ;

- le licenciement de M. F... est justifié par ses fréquentes absences et son refus de changement d'affectation ;

- il n'existe pas de lien entre la procédure de licenciement et le mandat de M. F... ;

- aucun motif d'intérêt général ne s'oppose au licenciement de ce salarié.

Par des mémoires en défense enregistrés le 12 octobre 2018 et le 30 avril 2019,

M. F..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de

3 000 euros soit mise à la charge de la société Arc Sécurité sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'identité des témoins a été occultée et il n'a pas été invité à apporter ses observations relatives à l'audition des témoins par l'inspectrice du travail en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- la décision ne mentionne pas l'imminence de sa candidature aux élections des délégués du personnel de la société Triomphe Sécurité ;

- la fausse sous-traitance opérée entre la société Triomphe Sécurité et la société Arc Sécurité constitue une exécution déloyale par l'employeur de son contrat de travail ;

- les sociétés Arc Sécurité et Triomphe Sécurité avaient la possibilité de fusionner, ce qui aurait entraîné son transfert de plein droit de l'ancienne à la nouvelle structure ;

- il n'a pas reçu de proposition de transfert de son contrat de travail à la société Triomphe Sécurité ;

- son refus de changement d'affectation n'est pas fautif ;

- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat syndical.

Le ministre du travail, à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

La clôture de l'instruction est intervenue le 13 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société Triomphe Sécurité, et de

Me B..., représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F... a été recruté par la société Arc Sécurité le 24 février 2011 en qualité d'agent de surveillance. Il a été désigné, le 11 janvier 2014, représentant de section syndicale par le syndicat UNSA. M. F... était affecté au centre commercial Le Millénaire à Aubervilliers. Le 15 avril 2015, le contrat par lequel la société Arc Sécurité assurait, pour le compte de la société Triomphe Sécurité, la sécurité de ce site a été résilié avec effet au 30 avril 2015.

Le 27 avril 2015, la société Arc Sécurité a adressé à M. F... son planning du mois de mai 2015 correspondant à des vacations sur le site du centre commercial de Beau Sevran à Sevran. Par lettre du 14 mai 2015, le salarié a refusé cette nouvelle affectation. Le 2 juillet 2015, la société Arc Sécurité a convoqué M. F... à un entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le 16 juillet 2015 puis, le 31 juillet 2015, la société a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. F.... Par une décision du 29 septembre 2015, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement. Le recours gracieux formé par M. F... le

23 novembre 2015 a été implicitement rejeté. La société Triomphe Sécurité relève appel du jugement du 28 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 29 septembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Arc Sécurité à licencier M. F... ainsi que la décision implicite par laquelle elle a rejeté son recours gracieux.

2. L'article R. 2421-11 du code du travail dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ". Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

3. Il ressort des pièces du dossier que, à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, la société Arc Sécurité a produit des attestations de salariés qui affirment avoir été présents lors de la proposition qui aurait été faite à M. F... d'être transféré à la société Triomphe Sécurité. Ces attestations ont bien été communiquées à M. F... par l'inspecteur du travail mais l'identité de leurs auteurs a été occultée. Si, pour justifier cette occultation, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a fait valoir qu'existaient des risques de représailles dès lors que, dans le cadre d'une autre procédure de licenciement de salarié protégé, des menaces au domicile de salariés avaient été exercées par un délégué syndical de la société Triomphe Sécurité, M. F... n'est pas salarié de cette société et l'administration n'a allégué aucun lien entre lui et le cas qu'elle relate, au demeurant de manière particulièrement peu circonstanciée. Dès lors, ainsi que l'a jugé le tribunal, qui a suffisamment motivé son jugement, les risques de représailles ne sont sérieusement étayés. L'inspectrice du travail a ainsi entaché sa décision d'une irrégularité de procédure.

4. Il ressort également des pièces du dossier que, lors de l'enquête contradictoire qui s'est déroulée les 27 août, 8 et 16 septembre 2015, l'inspectrice du travail a recueilli des témoignages de salariés qui se sont avérés être déterminants et qu'elle a cités à l'appui de sa décision du 29 septembre 2015. Il est constant que ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de M. F.... Dès lors, en n'informant M. F... ni de l'existence ni de la teneur de ces témoignages, l'administration ne lui a pas permis d'avoir une connaissance suffisante des pièces à l'accès desquelles il avait droit pour présenter utilement sa défense. La circonstance, au demeurant non établie, que ces témoignages recueillis lors de l'enquête contradictoire correspondaient à des attestations écrites dont le salarié avait eu connaissance ne dispensaient pas l'inspecteur du travail de l'obligation de porter à la connaissance de

M. F... l'ensemble des éléments recueillis au cours de l'enquête qui fondaient sa décision. L'administration, ainsi que l'a estimé le tribunal au point 6 de son jugement, a également entaché d'irrégularité la procédure sur ce point.

5. Les irrégularités qui entachent la procédure menée par l'inspecteur du travail ont privé M. F... d'une garantie. Par suite, la société Triomphe Sécurité n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé les décisions de l'inspectrice du travail.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. F..., qui, n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Triomphe Sécurité demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Triomphe Sécurité une somme de 1 500 euros à verser à M. F... au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Triomphe Sécurité est rejetée.

Article 2 : La société Triomphe Sécurité versera à M. F... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... F..., à la société Triomphe Sécurité et au ministre du travail.

Copie en sera adressée pour information à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. E..., premier vice-président,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 janvier 2020.

Le rapporteur,

Ch. D...Le président,

M. E...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 18PA00293


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00293
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET LSIX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-21;18pa00293 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award