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17/01/2020 | FRANCE | N°18PA02255

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 janvier 2020, 18PA02255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Europaille a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler la décision du 24 octobre 2016 par laquelle le préfet de police a rejeté son offre ainsi que le marché public d'enlèvement du fumier du régiment de cavalerie de la garde républicaine au sein des services relevant du SGAMI Ile-de-France, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme 248 270,40 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017, en réparation des préjudices cons

écutifs au rejet de son offre ainsi, à titre subsidiaire, que la somme de 3 000 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Europaille a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler la décision du 24 octobre 2016 par laquelle le préfet de police a rejeté son offre ainsi que le marché public d'enlèvement du fumier du régiment de cavalerie de la garde républicaine au sein des services relevant du SGAMI Ile-de-France, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme 248 270,40 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017, en réparation des préjudices consécutifs au rejet de son offre ainsi, à titre subsidiaire, que la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour la présentation de son offre.

Par un jugement n° 173661/3-3 du 4 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 juillet 2018 et 10 juillet 2019, la société Europaille, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1)° d'annuler le jugement du 4 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 24 octobre 2016 par laquelle le préfet de police a rejeté son offre ainsi que sa décision du 13 avril 2017 rejetant ses demandes indemnitaires ;

3°) d'annuler le marché public de services signé entre la préfecture de police et la société Riaud Négoce ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme 248 270,40 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017, en réparation des préjudices consécutifs au rejet de son offre ainsi, à titre subsidiaire, que la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour la présentation de son offre ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de rejet de son offre et le contrat ont été signés par une autorité incompétente ;

- la procédure de passation du contrat est entachée d'un manquement au regard de l'article 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 dès lors que l'attribution à son offre de la note de 4/20 au critère n° 2, " sur la qualité du service commercial " n'est pas justifiée ;

- elle est également entachée d'un manquement dans l'application du critère n° 3, en ce qui concerne la méthode de revalorisation du fumier ;

- en l'absence de ces manquements, le marché lui aurait été attribué ;

- elle a subi un préjudice de 245 270,40 euros correspondant à la marge bénéficiaire attendue ;

- les frais de présentation de son offre doivent être indemnisés à hauteur de 3 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2018, la SARL Riaud Négoce représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 13 février 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015,

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 2 juillet 2016, le préfet de police a lancé un appel d'offres pour l'attribution du marché d'enlèvement du fumier du régiment de cavalerie de la garde républicaine au sein des services relevant du secrétariat général pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) d'Ile-de-France. Le marché, attribué à la société Riaud Négoce a été signé le 29 décembre 2016. La société Europaille, candidate évincée, relève appel du jugement du 4 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 octobre 2016 par laquelle le préfet de police a rejeté son offre ainsi que du marché et à l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du rejet de cette offre.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini.

3. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

4. Si la société Europaille soutient que la décision de rejet de son offre et le contrat ont été signés par une autorité incompétente, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

5. La société Europaille soutient que la procédure de passation du contrat est entachée de manquements aux dispositions de l'article 62 du décret susvisé du 25 mars 2016 dès lors que l'évaluation de son offre en ce qui concerne les critères 2 et 3 est injustifiée.

6. Il ressort du règlement de la consultation et du rapport d'analyse des offres que, pour attribuer le marché en litige à la société Riaud Négoce, le préfet de police s'est fondé sur trois critères liés, d'une part, à la proposition financière pondérée à hauteur de 60 % pour laquelle elle a obtenu la note de 60, contre 46 pour la société Riaud Négoce, d'autre part, à l'organisation retenue pour le respect des contraintes liées à l'enlèvement du fumier pondérée à hauteur de 20 % pour laquelle elle a obtenu la note de 4, contre 20 pour la société Riaud Négoce, et enfin, à la méthode de revalorisation du fumier, pondérée à hauteur de 20 % pour laquelle elle a obtenu la note de 12, contre 20 pour la société Riaud Négoce.

7. Il résulte de l'annexe 1 au règlement de la consultation que : " le mémoire technique doit permettre à l'administration d'apprécier la capacité du soumissionnaire à répondre aux objectifs du marché et d'évaluer la qualité de ses prestations. Il permet donc au pouvoir adjudicateur de juger les offres des candidats sur les critères d'analyse n° 2 et 3 conformément à l'article 7. 2 du règlement de consultation, connaître les moyens qui seront mis en oeuvre par le candidat pour exécuter le présent marché. Ce cadre de mémoire est spécifique à la présente consultation. Il est rappelé que les moyens généraux de l'entreprise font déjà l'objet d'une analyse lors de l'analyse des candidatures, il est donc inutile de les rappeler ici, le mémoire doit rester succinct... ". et que : " Le candidat apporte tous les éléments permettant à l'administration de s'assurer de sa bonne compréhension des contraintes d'intervention, principalement sur le site des Célestins (visite obligatoire). Il évoque notamment l'organisation mise en place pour respecter les contraintes horaires ; la composition de l'équipe d'intervention ".

8. La société Europaille conteste la note de 4 obtenue au titre du critère 2, correspondant à une offre peu satisfaisante et motivée, selon le rapport d'analyse des offres, par le fait que

celle-ci comprendrait " peu d'éléments tangibles sur l'organisation retenue, l'expérience et la qualification des intervenants ". Il ressort, en effet, des écritures du ministre qu'il est reproché à la société Europaille d'avoir produit trop peu d'explications quant à l'organisation mise en place pour respecter les contraintes horaires, les spécificités d'intervention sur le site des Célestins, de s'être bornée à donner les horaires de passage et le camion utilisé pour l'enlèvement du fumier et la liste des effectifs pour les années antérieures et non la composition de l'équipe d'intervention qu'elle prévoyait pour l'exécution du futur marché. Il ressort également du rapport d'analyse des offres que la société Riaud Negoce dont l'offre a été jugée très satisfaisante et qui a précisé qu'elle mettait à disposition deux chauffeurs expérimentés et qualifiés dans le cadre d'un " circuit de collecte rationalisé entre les sites ", a apporté des éléments notamment sur sa prise en compte des impératifs horaires d'intervention, des distances entre les différents sites, et de la circulation en Ile-de-France. Enfin, il n'est pas contesté que s'agissant du poste de Boulogne et alors l'article 4.2 du CCAP imposait un enlèvement du fumier une fois tous les quinze jours, l'offre de la société appelante consistait en un enlèvement " à la demande, soit une fois par mois ", rendant son offre non conforme aux spécifications du marché. Par suite, et nonobstant l'expérience dont se prévaut la société Europaille en tant que titulaire du précédent marché ou l'absence de recours à la

sous-traitance, qui ne figuraient pas comme des éléments d'appréciation du critère n° 2, elle n'établit pas d'erreur manifeste d'appréciation du pouvoir adjudicateur dans l'analyse et la notation de son offre au regard de ce critère.

9. La société Europaille soutient que la procédure de passation du contrat est entachée d'un manquement dans l'application du critère n° 3 relatif à la méthode de revalorisation du fumier pour lequel elle a obtenu la note de 12, correspondant à une offre moyennement satisfaisante pour une solution de compostage intégral, tandis que la société attributaire, qui a proposé une solution de méthanisation partielle, a obtenu la note de 20 correspondant à une offre très satisfaisante.

10. Si la préférence pour une solution technique, telle qu'une méthode de revalorisation du fumier, relève du libre choix du pouvoir adjudicateur, il lui appartient d'indiquer dans les documents de consultation les différentes solutions acceptables en les hiérarchisant le cas échéant. Il ressort du rapport d'analyse des offres et des écritures du ministre que le pouvoir adjudicateur a privilégié la méthanisation au compostage pour des raisons écologiques. Toutefois le règlement de consultation se bornait à indiquer en son article 7 que : " Le candidat apporte toutes les justifications nécessaires. Le cas échéant, les éléments du mémoire technique ne seront pas pris en compte pour l'appréciation de l'offre " et en son annexe que : " Le candidat présente la méthode de revalorisation du fumier mise en oeuvre par sa structure ou ses partenaires ". Dès lors, l'absence de communication par le pouvoir adjudicateur de l'existence de cet élément d'appréciation de l'offre, d'une particulière importance à ses yeux, constitue une méconnaissance des règles de publicité et a été susceptible d'exercer une influence sur la présentation de l'offre de la société Europaille. Néanmoins, si cette dernière s'était vu attribuer la note maximale de 20 comme l'attributaire du marché, elle serait restée classée en deuxième position. En outre, si la société Europaille soutient que la société Riaud Négoce ne pouvait se voir attribuer la note maximale dès lors que la solution de méthanisation proposée n'était pas crédible puisqu'il n'existait pas suffisamment de méthaniseurs en Ile-de-France, il n'est pas contesté que dans l'offre de l'attributaire, une partie du fumier était confiée à une usine à proximité de la région

Ile-de- France. Enfin, si elle soutient également que l'offre de la société Riaud Négoce comportait pour 60 % du fumier une revalorisation sous forme d'épandage, " méthode de revalorisation moins avantageuse en terme environnemental que celles de la méthanisation et du compostage ", elle ne démontre pas l'infériorité de cette méthode par rapport à celle du compostage. Ainsi il n'est pas établi que la société attributaire aurait dû se voir affecter une note inférieure à celle qu'elle a reçue, ni que le vice qui entache la passation du contrat a été la cause de l'éviction de la société Europaille. Par suite, cette dernière n'est fondée à demander ni l'annulation du marché, ni la réparation de son préjudice.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Europaille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Europaille est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Europaille, au ministre de l'intérieur et à la SARL Riaud Negoce.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., président de chambre,

- Mme C..., présidente-assesseure,

- Mme Portes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2020.

La rapporteure,

M. C...Le président,

M. B...Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02255 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02255
Date de la décision : 17/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : BRAMI ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-17;18pa02255 ?
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