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31/12/2019 | FRANCE | N°18PA02022

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 décembre 2019, 18PA02022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... I... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 avril 2016 par laquelle la présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée a rejeté sa demande d'aide à l'écriture et au développement multi-supports et d'enjoindre à la présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 1611256/5-3 du 2 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la présidente du Centre national

du cinéma et de l'image animée du 14 avril 2016, a enjoint au Centre national du ciné...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... I... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 avril 2016 par laquelle la présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée a rejeté sa demande d'aide à l'écriture et au développement multi-supports et d'enjoindre à la présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 1611256/5-3 du 2 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée du 14 avril 2016, a enjoint au Centre national du cinéma et de l'image animée de procéder au réexamen de la situation de M. I... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge du Centre national du cinéma et de l'image animée une somme de 1 500 euros à verser à Me E... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 juin 2018, 28 août 2018 et

26 septembre 2019, le Centre national du cinéma et de l'image animée, représenté par SCP Piwnica-Molinie, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1611256/5-3 du 2 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de la présidente du Centre national du cinéma et de l'image animée du 14 avril 2016 ;

2°) de rejeter la demande de M. I... présentée devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de M. I... la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué ne vise pas les articles du code du cinéma et de l'image animée et du code de justice administrative dont il est fait application ;

- la commission des aides nouveaux médias et transmédias n'a pas délibéré en méconnaissance du principe d'impartialité dès lors que la présence de professionnels concurrents au sein de la commission ne méconnaît pas par elle-même le principe d'impartialité, que M. G... n'avait aucun intérêt personnel à ne pas octroyer l'aide à M. I... et que M. G... n'a pas participé aux délibérations lors de l'examen de ses propres projets.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2019, M. I..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du Centre national du cinéma et de l'image animée une somme de 3 000 euros à verser à Me F... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le Centre national du cinéma et de l'image animée ne sont pas fondés.

M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 9 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Molinié, avocat du Centre national du cinéma et de l'image animée.

Considérant ce qui suit :

1. M. I... a sollicité auprès du Centre national du cinéma et de l'image animée l'octroi d'une aide sélective à l'écriture et au développement multi-supports au titre de son projet " We are the supporters ". La commission des aides nouveaux médias et transmédias a, lors de ses séances des 21 et 25 mars 2016, émis un avis défavorable à son projet. Par décision du 14 avril 2016, le Centre national du cinéma et de l'image animée a refusé de lui accorder l'aide sollicitée. Le Tribunal administratif de Paris a, par jugement du 2 mai 2018, dont le Centre national du cinéma et de l'image animée relève appel, annulé cette décision du 14 avril 2016.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision rendue par une juridiction administrative " contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". Le jugement attaqué, qui vise le code du cinéma et de l'image animée et le code de justice administrative, n'avait pas à mentionner dans ses visas la liste des articles de ces codes dont il faisait application. En outre, les motifs de jugement reproduisent le texte des articles L. 111-2, L. 311-1 et D. 311-3 du code du cinéma et de l'image animée dont le tribunal a fait application. Le jugement attaqué satisfait ainsi aux obligations prescrites par l'article R. 741-2 du code de justice administrative.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Le Centre national du cinéma et de l'image animée a pour missions : (...) / 2° De contribuer, dans l'intérêt général, au financement et au développement du cinéma et des autres arts et industries de l'image animée et d'en faciliter l'adaptation à l'évolution des marchés et des technologies. A cette fin, il soutient, notamment par l'attribution d'aides financières : / a) La création, la production, la distribution, la diffusion et la promotion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles et des oeuvres multimédia, ainsi que la diversité des formes d'expression et de diffusion cinématographique, audiovisuelle et multimédia et la formation professionnelle ; (...) ". Aux termes de l'article D. 311-3 du même code : " Les aides financières sélectives du Centre national du cinéma et de l'image animée sont attribuées en considération d'une demande soumise à appréciation ". Aux termes de l'article 122-6 du règlement général des aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée, annexé au code du cinéma et de l'image animée : " Les membres des commissions sont soumis à une obligation d'impartialité. / Ils examinent personnellement les affaires soumises à leur appréciation et délibèrent à leur sujet sans considération de personnes ou d'éléments extérieurs à ces affaires. Ils s'engagent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts, au sens de l'alinéa 1er de l'article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui pourrait survenir dans l'exercice de leur mission ". Aux termes de l'article 122-8 du même règlement : " Les membres des commissions ne peuvent prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet. / Lorsqu'un membre d'une commission se trouve dans une situation de conflit d'intérêts dans une affaire figurant à l'ordre du jour d'une séance de la commission, il est tenu de se déporter ". Aux termes de l'article 321-14 du même règlement, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Des aides financières sélectives sont attribuées aux entreprises de production et aux auteurs pour l'écriture et le développement de projets d'oeuvres spécifiquement destinées à une exploitation sur des services ou sous forme de services, mis à disposition du public par tout terminal, fixe ou mobile, permettant l'accès à l'internet, à l'exclusion des jeux vidéo. ". Aux termes de l'article 321-21 du même règlement, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Les aides à l'écriture et au développement d'oeuvres pour les nouveaux médias sont attribuées en considération des critères suivants : / 1° L'originalité de l'oeuvre et sa contribution à la diversité de la création ; / 2° La qualité de l'écriture de l'oeuvre ; / 3° L'adéquation de l'oeuvre aux médias sur lesquels elle sera exploitée et au public visé. ". Aux termes de l'article 321-25 du même règlement, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " La décision d'attribution d'une aide est prise après avis de la commission des aides nouveaux médias et transmédias ".

4. Les membres de la commission des aides nouveaux médias et transmédias, qui rend un avis sur les décisions d'attribution aux entreprises de production et aux auteurs des aides à l'écriture et au développement d'oeuvres pour les nouveaux médias, sont soumis au principe d'impartialité. Ils doivent, à ce titre, s'abstenir de prendre part aux délibérations lorsqu'ils ont un intérêt personnel à l'affaire qui en est l'objet.

5. Il ressort des pièces du dossier que la société Cinétévé a obtenu, lors des séances de la commission des aides nouveaux médias et transmédias des 21 et 25 mars 2016, un avis favorable à l'octroi, pour les deux projets qu'elle présentait et dénommés " Les témoins - Thriller transmédia " et " Pyramiden ", d'une aide à l'écriture et au développement multisupport d'un montant respectif de 50 000 euros et 35 000 euros, catégorie dans laquelle concourait M. I.... Il est constant que M. G..., qui exerce des fonctions au sein de cette société, a quitté la salle lors de l'examen par la commission de ces deux projets mais a participé aux délibérations concernant le projet présenté par M. I.... Si le Centre national du cinéma et de l'image animée fait valoir que les projets présentés par un auteur et une entreprise de production ne font pas l'objet d'un examen similaire quant au niveau d'élaboration attendu et au budget concerné pour l'obtention de l'aide et que le montant moyen des aides ainsi alloué diffère, il ne ressort ni des dispositions du règlement général des aides financières prévues aux articles 321-14 et suivants à la date de la décision contestée, ni des pièces du dossier que les aides à l'écriture et au développement d'oeuvres multimédias, qui relèvent d'une seule catégorie, répondraient à des critères d'attribution distincts en fonction de la qualité du demandeur. En revanche, il ressort des écritures du Centre national du cinéma et de l'image animée ainsi que des pièces du dossier, et notamment de la fiche récapitulative des montants alloués par session, que la commission d'aides nouveaux médias et transmédias n'est pas tenue par une enveloppe financière limitative, ni par un contingentement du nombre de projets pouvant bénéficier de l'aide sollicitée par session. Les projets postulant pour la même catégorie d'aide ne sont ainsi pas placés dans une situation de concurrence pour l'attribution et le montant de cette aide. Par ailleurs, il est constant que trois autres projets présentés par des sociétés ou auteurs sans lien avec M. G... ont obtenu l'aide qui a été refusée à M. I.... Dans ces conditions et compte tenu des modalités d'attribution des aides financières, M. G... ne peut être regardé comme ayant un intérêt personnel à l'affaire de M. I... le contraignant à s'abstenir de participer aux délibérations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité par ce membre de la commission et, par suite, de l'irrégularité de l'avis de la commission doit être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que le Centre national du cinéma et de l'image animée est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 14 avril 2016.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. I... en première instance.

Sur les autres moyens invoqués par M. I... :

8. M. I... soutient que lors des séances des 21 et 25 mars 2016, M. D... et M. C..., également membres de la commission des aides nouveaux médias et transmédias, ont bénéficié d'une aide respectivement d'un montant de 8 000 euros pour le projet " Le Moko " dans la catégorie de l'aide à l'écriture et au développement internet/écrans mobiles et de 74 000 euros pour le projet " Vestiaires Transmédia " présenté par la société Virtu dans la catégorie de l'aide à la production internet/écrans mobiles. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, ces projets qui ne relèvent, au demeurant, pas des mêmes catégories que celle dans laquelle M. I... a concouru, ne sont pas davantage placés dans une situation de concurrence avec le projet de l'intéressé. Dans ces conditions et compte tenu des modalités d'attribution des aides financières, M. D... et M. C... ne pouvaient être regardés comme ayant un intérêt personnel à l'affaire de M. I... les contraignant à s'abstenir de participer aux délibérations. Par suite, le moyen tiré de ce que ces deux membres de la commission des aides nouveaux médias et transmédias ont méconnu le principe d'impartialité doit être écarté.

9. L'article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique précise que : " (...) constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ".

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal des séances de la commission des aides nouveaux médias et transmédias des 21 et 25 mars 2016, que M. G..., M. D... et M. C... se sont déportés lorsqu'ont été évoqués les dossiers concernant les projets et les sociétés qui les concernaient, conformément à l'article 122-6 du règlement général des aides financières cité au point 3. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier et n'est pas allégué que ces membres auraient statué sur des demandes les concernant. Il résulte par ailleurs de ce qui précède que la seule circonstance que ces membres aient eu des intérêts à raison de projets présentés lors des mêmes séances pour le bénéfice d'aides financières, y compris dans la même catégorie que celle dont relevait le projet de M. I..., n'est pas de nature à établir qu'ils auraient manqué d'impartialité dans l'examen de l'ensemble des autres projets. Dans ces conditions et eu égard à l'absence de concurrence directe entre les trois membres de la commission et les sociétés qu'ils représentent et M. I..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le fait que ces membres aient siégé au cours des séances des 21 et 25 mars 2016 et aient délibéré sur l'ensemble des projets, à l'exception de ceux les concernant, ait été de nature à influencer ou paraître influencer le sens des avis et l'exercice indépendant et impartial de leurs fonctions. Par suite, le moyen tiré de l'existence de conflits d'intérêts au sein de la commission des aides nouveaux médias et transmédias ne peut être accueilli.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le Centre national du cinéma et de l'image animée est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 14 avril 2016.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. I... le versement de la somme demandée par le Centre national du cinéma et de l'image animée au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge du Centre national du cinéma et de l'image animée, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. I... demande au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1611256/5-3 du 2 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. I... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... I... et au ministre de la culture.

Copie en sera adressée au Centre national du cinéma et de l'image animée.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme H..., présidente assesseure,

- Mme Mach, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2019.

Le rapporteur,

A-S MACHLe président,

M. A...Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02022

N° 18PA02022 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02022
Date de la décision : 31/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure consultative.

Arts et lettres - Cinéma.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SCP PIWNICA-MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-31;18pa02022 ?
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