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20/12/2019 | FRANCE | N°18PA03212

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 20 décembre 2019, 18PA03212


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler les deux arrêtés du préfet de police du 12 août 2018 portant respectivement, à son encontre, obligation de quitter le territoire français sans délai, et interdiction de retour sur ce territoire pour une durée de 36 mois, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative.

Par un jugement n° 1814806/8 du 16 août 2018, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler les deux arrêtés du préfet de police du 12 août 2018 portant respectivement, à son encontre, obligation de quitter le territoire français sans délai, et interdiction de retour sur ce territoire pour une durée de 36 mois, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1814806/8 du 16 août 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé les deux arrêtés préfectoraux contestés et rejeté le surplus de la demande de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 1er octobre et

7 novembre 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1814806/8 du 16 août 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée devant ce tribunal par M. A... se disant D... C....

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'obligation de quitter le territoire français faite à M. A... se disant D... C..., portait au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; l'intéressé ne justifie pas d'une vie familiale stable en France et notamment de l'antériorité alléguée de son concubinage avec une ressortissante française ; la nature et réalité de sa vie familiale ne peuvent être tenues pour établies, l'intéressé, connu sous différents alias, ayant fait des déclarations diverses et contradictoires à ce sujet ;

- les autres moyens invoqués par M. C... devant le tribunal ne sont pas fondés.

M. C... n'a pas produit de mémoire en défense devant la Cour malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 7 décembre 2018, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 16 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au

31 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler les deux arrêtés du préfet de police du 12 août 2018 portant respectivement, à son encontre, obligation de quitter le territoire français sans délai, et interdiction de retour sur ce territoire pour une durée de 36 mois, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par jugement n° 1814806/8 du 16 août 2018, dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé les deux arrêtés préfectoraux contestés et a rejeté le surplus des demandes de M. C....

Sur le moyen d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. M. D... C..., se disant de nationalité sud-africaine, soutenait devant le tribunal administratif être arrivé sur le territoire français à l'âge de trois mois, il y a 33 ans, et avoir, dans ce pays, le centre de ses intérêts et de sa vie privée et familiale. Toutefois, il ressort du dossier que, selon d'autres déclarations de l'intéressé, connu des services de police sous diverses identités retracées dans des procès-verbaux établis par des officiers de police judiciaire, la date de la première entrée en France indiquée par l'intéressé est variable et plus tardive. M. C... a produit des certificats de scolarité établis au nom de Siona D..., correspondant à l'une des identités dont il a fait usage en revendiquant la nationalité congolaise (RDC). A supposer que ces certificats concernent effectivement l'intéressé, qui n'a produit aucun document de filiation permettant d'attester de son identité, et à supposer qu'ils revêtent une valeur probante, alors qu'ils ne sont étayés par aucun autre document, notamment diplôme officiel délivré à son nom, ils attesteraient d'une scolarisation en France seulement entre 1993 et 2001. Si, depuis 1999, les diverses interpellations et condamnations pénales dont M. C... a fait l'objet, notamment pour vol avec violence et pour fourniture de fausses identités, attestent de sa présence en France à la date faits criminels et délictueux en cause et durant les périodes d'incarcération dont il a fait l'objet, ces documents, non plus que les autres pièces versées au dossier tant en première instance qu'en appel, ne permettent de tenir pour établi que, comme l'a estimé le premier juge, la présence en France de M. C..., qui s'était déjà vu notifier le 30 avril 2012 une précédente obligation de quitter le territoire français, avait sur une période de 26 ans conservé son caractère habituel. L'intéressé n'a, en outre, jamais sollicité ni obtenu de titre l'autorisant à séjourner en France, et ses déclarations relatives à sa situation et à ses attaches familiales en France, sont également contradictoires, celui-ci se déclarant tour à tour célibataire, père de trois enfants résidant à l'étranger, père de deux enfants français, célibataire sans enfant et hébergé chez un cousin, ou encore marié et père de deux enfants. Si M. C... a produit devant le tribunal administratif une attestation établie par Madame A..., ressortissante française, déclarant vivre avec lui depuis 11 ans et particulièrement rue Saint Maur à Paris 11ème depuis 5 ans, cette seule attestation, qui n'est étayée par aucun autre document, est dénuée de valeur probante et au demeurant en contradiction avec les propres déclarations faites par l'intéressé, tant lors d'une audition en 2008 qu'à l'occasion d'une incarcération en 2017 ou encore lors de son interpellation le 12 août 2018.

6. Dans ces conditions, M. C... ne justifie ni être particulièrement bien inséré dans la société française, ni avoir, à la date de l'arrêté litigieux, tissé en France des liens personnels et familiaux d'une nature, d'une intensité et d'une stabilité telles que la mesure d'éloignement prise à son encontre puisse être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'autorité préfectorale chargée de la police des étrangers et donc du respect des règles auxquelles est subordonné leur séjour en France.

7. M. C..., qui ainsi qu'il a été dit n'a jamais sollicité de titre de séjour notamment sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pouvait utilement faire valoir que le préfet de police aurait méconnu ces dispositions. S'il a entendu, en invoquant celles-ci, soutenir que, remplissant les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur leur fondement, il ne pouvait en conséquence faire légalement l'objet d'une mesure d'éloignement, ce moyen ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents.

8. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est pour un motif erroné tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, que le tribunal a annulé l'obligation de quitter le territoire français et par voie de conséquence la décision d'interdiction de retour contestées par M. C... devant lui.

Sur les autres moyens invoqués par M. C... devant le tribunal administratif :

En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'ensemble des décisions contenues dans les arrêtés préfectoraux litigieux :

9. En premier lieu, le signataire des arrêtés contestés, membre du cabinet du préfet de police assurant le service de permanence, avait reçu délégation par un arrêté n° 201-00422 du publié le 7 mars 2018 au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2018-094 pour signer les arrêtés litigieux en cas d'empêchement du préfet de police. L'absence empêchement n'étant ni établie ni même d'ailleurs alléguée, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté comme non fondé.

10. En deuxième lieu, les arrêtés contestés comportent un exposé suffisant des circonstances de droit et de fait sur le fondement desquelles ont été prises les décisions litigieuses portant à l'encontre de M. C..., obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination d'un éventuel éloignement d'office et interdiction de retour sur le territoire français pour une période de 36 mois. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.

11. En troisième lieu, de la motivation desdits arrêtés il ressort que ceux-ci sont intervenus après qu'un examen particulier de la situation individuelle de l'intéressé eut été opéré.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français sans délai et la décision fixant le pays de destination :

12. Eu égard à la situation et aux conditions d'existence de M. C... susdécrites et aux motifs mentionnés aux points 5. à 7. ci-dessus, le moyen tiré de ce que l'obligation litigieuse procèderait d'une appréciation manifestement erronée des conséquences de cette mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. C... ne peut qu'être écarté comme non fondé. Il en va de même de ce moyen dirigé contre la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

13. La circonstance que M. C... ait été placé sous contrôle judiciaire à la suite d'une interpellation est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. En effet, une telle mesure judiciaire ne fait aucunement obstacle à l'édiction d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français mais impose seulement à l'autorité de police de s'abstenir d'exécuter cette mesure jusqu'à la levée du contrôle par le juge judiciaire.

14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à contester la légalité des décisions susmentionnées. En conséquence, il n'est pas davantage fondé à soutenir que les décisions portant refus d'octroi d'un délai de départ et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

15. M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

16. En se bornant à faire valoir qu'il conteste les faits du 9 août 2018 qui lui sont reprochés, pour lesquels il n'a pas été poursuivi, il n'établit pas que les décisions susvisées seraient entachées d'une erreur d'appréciation au regard notamment de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

17. De tout ce qui précède il résulte que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés pris le

12 août 2018 à l'encontre de M. C... et à obtenir l'annulation dudit jugement et le rejet des conclusions présentées par M. C... devant le tribunal.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1814806/8 du 16 août 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... C....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2019, où siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2019.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA03212 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03212
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-20;18pa03212 ?
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