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10/12/2019 | FRANCE | N°18PA03452

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 décembre 2019, 18PA03452


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation des décisions en date du 5 septembre 2018 par lesquelles le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination, d'autre part lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un juge

ment n° 1815939/8 du 8 septembre 2018, le magistrat désigné par le Président ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation des décisions en date du 5 septembre 2018 par lesquelles le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination, d'autre part lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1815939/8 du 8 septembre 2018, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois à compter du jugement et a rejeté le surplus de la demande de M. B...

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 janvier 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 8 septembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé les décisions litigieuses aux motifs d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les autres moyens examinés par l'effet dévolutif de l'appel sont également infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

M. B... a produit des pièces complémentaires le 22 novembre 2019.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 10 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 22 décembre 1974, a fait l'objet de deux décisions en date du 5 septembre 2018 par lesquelles le préfet de police, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination, d'autre part lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois. Par un jugement du 8 septembre 2018, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois à compter du jugement et a rejeté le surplus de la demande de M. B.... Le préfet de police relève appel des articles 1 et 2 de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

3. Si M. B... soutient qu'il réside chez son père, de nationalité française, cette seule circonstance ne lui confère pas en elle-même un droit au séjour. En outre, alors que M. B... n'avait pas déclaré auparavant aux services de police la présence de deux enfants majeurs sur le territoire français, il n'établit pas, contrairement à ce qu'il allègue, qu'un de ses fils demeurerait à sa charge. Si M. B... se prévaut également d'une durée de séjour de plus de dix ans en France, il n'en justifie pas alors d'ailleurs qu'une telle circonstance à la supposer établie ne confère pas non plus en elle-même un droit au séjour. Enfin, M. B... qui a vécu en Côte d'Ivoire au moins jusqu'à l'âge de 35 ans, ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française. Dès lors, c'est à tort que le premier juge a estimé que dans les circonstances particulières de l'espèce le préfet de police avait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. B....

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....

5. L'arrêté attaqué énonçant les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. B.... Ces deux moyens doivent donc être écartés.

6. Eu égard à ce qui a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant la décision attaquée, le préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi, en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à demander l'annulation des articles 1 et 2 du jugement attaqué.

Sur les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme quelconque au conseil de M. B... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1815939/8 du 8 septembre 2018 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande de M. B... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2019.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03452


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03452
Date de la décision : 10/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : DEGRACES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-10;18pa03452 ?
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