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26/11/2019 | FRANCE | N°18PA01936

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 26 novembre 2019, 18PA01936


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, la décharge des amendes infligées à la Software2markets sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2009 à 2011, mises à sa charge pour un montant de 244 531 euros en sa qualité de dirigeant, débiteur solidaire de cette société, en application du 3. du V. de l'article 1754 du même code, et, d'autre part, de lui accorder le sursis de paiement de ces amendes.

Par un jugement nos 1620774-1

620775/2-2 du 1er février 2018, le Tribunal administratif de Paris a réduit de 3 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, la décharge des amendes infligées à la Software2markets sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2009 à 2011, mises à sa charge pour un montant de 244 531 euros en sa qualité de dirigeant, débiteur solidaire de cette société, en application du 3. du V. de l'article 1754 du même code, et, d'autre part, de lui accorder le sursis de paiement de ces amendes.

Par un jugement nos 1620774-1620775/2-2 du 1er février 2018, le Tribunal administratif de Paris a réduit de 3 209 euros le montant de l'amende réclamée à M. C... au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2018 et le 25 avril 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1620774-1620775/2-2 du 1er février 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses conclusions ;

2°) de prononcer la décharge des amendes restant en litige, mises à sa charge en sa qualité de débiteur solidaire de la société Software2markets au titre des années 2009 à 2011 ;

3°) de lui accorder le sursis de paiement des amendes en litige ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, faute pour les premiers juges d'avoir répondu à tous les moyens soulevés en première instance ;

- la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable, insuffisamment motivée et n'ayant fait l'objet d'aucune procédure contradictoire préalable, est irrégulière ;

- c'est à tort que le service, avant de lui adresser l'avis de mise en recouvrement concernant les amendes mises à sa charge, ne lui a pas transmis la proposition de rectification adressée à la société Software2markets, méconnaissant ainsi l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-2015-0912 ;

- cet avis, qui comporte deux volets, a un objet incertain ;

- c'est à tort que le service l'a privé de tout débat contradictoire en amont de la procédure le concernant, méconnaissant à cet égard tant l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-20-10-20120912 ;

- en mettant à sa charge les amendes litigieuses, le service a méconnu les règles de prescription prévues par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales et la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-10-40-2015-08-12, méconnaissant de surcroît le principe d'individualisation des peines protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- sa responsabilité solidaire ne pouvait être recherchée, dès lors que la société Software2markets, à jour du dépôt de ses comptes, n'avait aucune substance en France, faute d'y disposer d'un établissement stable, et ne pouvait par suite être à l'origine des distributions qui ont justifié la mise à sa charge de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts ;

- n'étant pas le dirigeant légal de la société Software2markets, le service ne pouvait rechercher sa responsabilité solidaire sur le fondement de l'article 1754 du code général des impôts ;

- le service ne pouvait rechercher sa responsabilité solidaire sans avoir au préalable diligenté un contrôle à son encontre ;

- à partir du moment où la société Software2markets n'a été créée qu'en avril 2009, il ne pouvait se voir infliger l'amende litigieuse pour la période ayant couru du 1er janvier au 31 décembre de cette même année ;

- avant de mettre en oeuvre sa responsabilité solidaire pour obtenir le paiement des amendes litigieuses, le service aurait dû préalablement poursuivre la société Software2markets.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 juin 2016, le pôle de recouvrement spécialisé parisien 2 de la direction générale des finances publiques a émis un avis de mise en recouvrement notifié à M. C..., regardé comme le dirigeant de la société Software2markets, afin de lui réclamer, en sa qualité de débiteur solidaire, le paiement des amendes d'un montant global de 244 531 euros initialement mises à la charge de cette société sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, pour ne pas avoir révélé, à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet au titre des exercices clos de 2009 à 2011, l'identité des bénéficiaires de revenus distribués dans le délai de trente jours prévu à l'article 117 du même code. Après avoir vainement saisi le service d'une réclamation tendant à la décharge des amendes dont le paiement lui a été réclamé, M. C... a saisi le Tribunal administratif de Paris du litige. Par un jugement du 1er février 2018, celui-ci a réduit de 3 209 euros l'amende mise à sa charge au titre de l'année 2010 et rejeté le surplus de sa demande. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ce surplus.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des points 6 et 12 du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient M. C..., les premiers juges ont répondu aux moyens tirés, d'une part, de ce que le service lui aurait adressé deux avis de mise en recouvrement devant être annulés pour défaut d'objet, et, d'autre part, de ce que le service n'était pas fondé à viser la période du 1er janvier au 31 décembre 2009 sur l'avis de mise en recouvrement litigieux, dès lors que la société Software2markets n'a été créée que le 27 avril de cette même année. Le moyen tiré de ce que le jugement serait à cet égard irrégulier doit donc être écarté.

3. En second lieu, en relevant au point 7 du jugement attaqué que la mise en oeuvre, à l'égard d'un dirigeant, de la solidarité prévue par les dispositions du second alinéa du V. de l'article 1754 du code général des impôts, ne constituait pas une sanction justifiant l'engagement préalable d'un débat contradictoire, les premiers juges ont implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré de ce que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été méconnu. De ce point de vue, le jugement attaqué n'est donc pas irrégulier.

Sur la régularité de la décision implicite de rejet de la réclamation préalable de M. C... :

4. Les irrégularités qui peuvent entacher la décision par laquelle l'administration fiscale rejette la réclamation de plein contentieux portant sur la décharge d'une amende fiscale n'ont d'influence ni sur la régularité de la procédure par laquelle elle a été mise à la charge d'un débiteur solidaire, ni sur son bien-fondé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite de rejet de cette demande opposée par le service à M. C... doit être écarté comme inopérant, de même que celui tiré de ce que l'intéressé aurait été privé en amont de la procédure contradictoire préalable prévue par l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

Sur la régularité de la procédure de mise en oeuvre de la solidarité de paiement :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public (...) à tout redevable des sommes, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / (...) ". En vertu de l'article R. 256-1 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / (...) ". Enfin, l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales dispose que : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration adresse un avis de mise en recouvrement par lequel elle met en oeuvre une solidarité de paiement, telle que celle prévue par l'article 1754 du code général des impôts, elle est tenue d'adresser un avis de mise en recouvrement individuel qui doit comporter les indications prescrites par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. Ces mentions permettent au débiteur solidaire d'obtenir, à sa demande, la communication des documents mentionnés dans cet avis, ainsi que de tout document utile à la contestation de la régularité de la procédure, du bien-fondé et de l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires, ainsi que des pénalités et majorations correspondantes au paiement solidaire desquels il est tenu. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de communiquer au codébiteur solidaire, préalablement à l'avis de mise en recouvrement qui lui est adressé en vertu de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales, les éléments de la procédure d'imposition menée à l'encontre du débiteur principal.

7. Si l'avis de mise en recouvrement adressé à M. C..., qui porte la référence n° 20160600102, prend la forme de deux feuillets distincts signés par l'inspecteur divisionnaire des finances publiques compétent, il s'agit d'un seul et même document mentionnant les dispositions légales applicables, les années d'exigibilité des amendes en litige et la circonstance qu'elles procèdent de celles mises à la charge de la société Software2markets et de ce que M. C... est tenu à leur paiement solidaire. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, auquel le service n'était pas tenu de communiquer préalablement la proposition de rectification du 30 novembre 2012 adressée à la société Software2markets, ce document est conforme aux exigences posées par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales et lui a permis de critiquer utilement les amendes mises à sa charge. Le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pu efficacement les contester doit donc être écarté.

8. En deuxième lieu, les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts instaurent une amende fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus. Si cette amende est au nombre des sanctions qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, aujourd'hui codifié sous l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration, et faire l'objet d'une procédure contradictoire en application de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, l'administration n'est tenue à ces deux obligations qu'à l'égard de la société qu'elle envisage de soumettre à l'amende et non des personnes qui, après mise en recouvrement de cette dernière, sont solidairement responsables de son paiement. Par suite, le moyen tiré de ce que le service aurait privé M. C... de tout débat contradictoire avant la mise à sa charge des amendes litigieuses ne peut qu'être écarté. Dans ces conditions, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que M. C... aurait été privé des garanties prévues par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit également être écarté, de même que celui tiré de la méconnaissance des prévisions de la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-20-10-20120912, relative aux garanties applicables en cas de vérification de comptabilité ou d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle.

9. En troisième et dernier lieu, pour contester la régularité de la procédure de mise à sa charge des amendes litigieuses, M. C... ne saurait utilement se prévaloir ni de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, relatif aux abus de droit, ni de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-20150902, relative aux procédures de rectification et d'imposition d'office.

Sur la prescription :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 188 du livre des procédures fiscales : " Le délai de prescription applicable aux amendes fiscales concernant l'assiette et le paiement des droits, taxes, redevances et autres impositions est le même que celui qui s'applique aux droits simples et majorations correspondants ; / Pour les autres amendes fiscales, la prescription est atteinte à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle les infractions ont été commises / (...) ". L'article L. 274 du même livre dispose que : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ".

11. Il résulte de l'instruction que la société Software2markets n'a pas donné suite à la demande du service que lui soient désignés, dans le délai de trente jours, les bénéficiaires des revenus réputés distribués, contenue dans la proposition de rectification du 30 novembre 2012, à laquelle la société a répondu le 2 janvier 2013. Cette pièce de procédure ayant eu pour effet d'interrompre la prescription quadriennale applicable aux amendes en litige à l'égard tant du débiteur principal que des débiteurs solidaires, le délai de la prescription d'assiette n'était donc pas expiré lorsque l'administration a adressé à M. C..., le 30 juin 2016, l'avis de mise en recouvrement de l'amende en cause. Le délai de la prescription de l'action en recouvrement ne l'était pas davantage, l'avis de mise en recouvrement adressé à M. C... l'ayant été dans le délai de quatre ans consécutif à celui adressé à la société Software2markets le 26 août 2013. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la prescription lui était acquise.

12. En second lieu, en matière de prescription, M. C... ne saurait utilement se prévaloir du principe d'individualisation des peines et de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne saurait davantage utilement invoquer la doctrine administrative référencée BOI-CCF-PGR-10-40-20150812, relative à la prescription du droit de reprise de l'administration en matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, d'impôt de solidarité sur la fortune, de droits de timbre et de droits et taxes assimilés.

Sur les autres moyens :

13. D'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c. Les rémunérations et avantages occultes. (...) ". En vertu de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ".

14. D'autre part, aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ". Aux termes du 3. du V. de l'article 1754 du même code : " Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759 ".

S'agissant de l'existence d'un établissement stable de la société Software2markets en France et de revenus distribués :

15. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " (...), les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. / (...) ". En vertu des stipulations de l'article 2 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée : " Pour l'application de la présente convention : (...) 3. 1) Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / (...) 7) le fait qu'une société ayant son domicile fiscal dans l'un des Etats contractants contrôle une société (ou est contrôlée par une société) qui a son domicile fiscal dans l'autre Etat ou qui fait du commerce ou des affaires dans cet autre Etat (que ce soit par l'intermédiaire d'un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l'une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l'autre. / (...) ". Enfin, l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la vérification de comptabilité de la société Software2markets, dispose que : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices (...) elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts (...) à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. / (...) ".

16. En application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, le service a procédé, le 6 mars 2012, sur autorisation judiciaire, à des visites et perquisitions au siège de l'établissement que la société Software2markets possède à Paris. M. C... ne conteste pas qu'il est ressorti de ces investigations que l'établissement parisien en cause disposait de personnels et de locaux permanents adaptés à l'exercice de son activité, identique à celle visée par les statuts de la société luxembourgeoise. Comme le souligne le ministre, l'analyse de cette activité, complétée par les informations recueillies auprès de sociétés clientes de la société Software2markets dans le cadre de l'exercice du droit de communication du service, a également révélé que les contrats de prestations de service étaient conclus en France et que c'est à partir de l'établissement parisien et avec son personnel qu'elles étaient rendues. Dans ces conditions, au vu notamment des facturations assurées par la filiale française avant transmission au cabinet luxembourgeois Georges et associés, c'est à bon droit que le service a estimé que la société luxembourgeoise Software2markets exploitait en France, outre une filiale constituée sous forme de société anonyme, un établissement stable au sens de la convention fiscale franco-luxembourgeoise. Il était donc fondé à assujettir cet établissement à l'impôt sur les sociétés français et à regarder les sommes irrégulièrement désinvesties de ses bénéfices réalisés en France comme des revenus distribués, sur le fondement non contesté du c. de l'article 111 du code général des impôts.

S'agissant du bien-fondé des amendes mises à la charge de M. C... en sa qualité de débiteur solidaire :

17. En premier lieu, dès lors que la société Software2markets n'a pas désigné les bénéficiaires des revenus distribués en cause dans le délai de trente jours imparti par l'article 117 du code général des impôts, c'est à bon droit que le service lui a infligé l'amende de 100 % des distributions en litige, dont le principe et le montant ne sont pas contestés, sur le fondement de l'article 1759 du même code. Si M. C... soutient que faute pour lui d'avoir été dirigeant de droit de la société Software2markets établie au Luxembourg, dont il n'était qu'administrateur délégué, le service ne pouvait rechercher sa responsabilité solidaire, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 16. ci-dessus, que l'activité de cette société s'exerçait depuis son établissement stable français, dont M. C... était le seul responsable. En outre, le ministre n'est pas contesté lorsqu'il soutient, entre autres, que M. C... s'est présenté comme l'unique référent des clients de la société luxembourgeoise, dont il assurait par ailleurs la distribution des dividendes, et que l'administration fiscale du Grand-Duché l'a toujours considéré comme son seul interlocuteur. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a recherché la responsabilité solidaire de M. C..., en qualité de dirigeant de fait de la société luxembourgeoise, faute pour celle-ci de s'être acquittée du paiement des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

18. En deuxième lieu, dès lors que la qualité de dirigeant solidaire motivant la mise à la charge de l'amende prévue par l'article 1754 du code général des impôts s'apprécie à la date des distributions ou au plus tard aux dates de déclaration des résultats des exercices au cours desquels leur versement a eu lieu, la circonstance que l'avis de mise en recouvrement du 30 juin 2016 ait visé la période du 1er janvier au 31 décembre 2009, alors que la société n'a été créée que le 27 avril 2009 de cette même année, est sans incidence sur le bien-fondé de l'amende en cause.

19. En troisième lieu, le ministre n'est pas sérieusement contesté lorsqu'il soutient que M. C... n'a été recherché en paiement solidaire de la dette de la société Software2markets qu'après que les diligences accomplies tant par les services comptables que par le pôle du recouvrement auprès de la société Software2markets se furent avérées infructueuses, malgré l'envoi d'une mise en demeure adressée au Luxembourg. En tout état de cause, il ne résulte ni des dispositions des articles 1754 et 1759 du code général des impôts, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que la mise en jeu de la solidarité de paiement serait subordonnée à l'épuisement par le service des possibilités de recouvrement auprès du débiteur principal.

20. Enfin, la circonstance que M. C..., auquel le service n'était pas tenu d'adresser un avis d'examen contradictoire de situation fiscale, ait respecté ses obligations fiscales en France, est sans incidence sur la solution du litige. N'a pas davantage d'influence, à la supposer établie, la circonstance que la société Software2markets aurait été à jour de ses obligations déclaratives au Luxembourg.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de sursis de paiement :

22. Le présent arrêt se prononçant sur le fond de l'affaire, les conclusions de M. C... tendant au sursis de paiement des amendes contestées se trouvent privées d'objet.

Sur les dépens de l'instance :

23. M. C... n'établit pas avoir engagé de dépens dans la présente instance. Sa demande tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'Etat ne peut donc, en tout état de cause, qu'être rejetée.

Sur les frais de justice :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique Est).

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01936


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01936
Date de la décision : 26/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : CARPENTIER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-26;18pa01936 ?
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