Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La collectivité d'outre-mer de Saint-Martin a demandé au Tribunal administratif de Saint-Martin :
1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 198 668,76 euros au titre des droits de timbre qu'il a perçus sur les mises de jeux effectuées à Saint-Martin du 15 juillet 2007 au 12 mai 2010 inclus ;
2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'Etat de transmettre le montant des mises effectuées sur le territoire de Saint-Martin entre le 15 juillet 2007 et le 12 mai 2010, et de le condamner à verser le montant des droits de timbre correspondant en application des articles 919 A à 919 C du code général des impôts ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les intérêts de droit sur les indemnités allouées à compter du 9 août 2012, avec capitalisation.
Par un jugement n° 1500115 du 6 juillet 2017, le Tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2017 au greffe de Cour administrative d'appel de Bordeaux, régularisée le 14 décembre 2018, la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin, représentée par son Président et par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Saint-Martin du 6 juillet 2017 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 152 668,76 euros au titre des droits de timbre qu'il a perçus sur les mises de jeux effectuées à Saint-Martin du 15 juillet 2007 au 12 mai 2010 inclus ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'Etat de transmettre le montant des mises effectuées sur le territoire de Saint-Martin entre le 15 juillet 2007 et le 12 mai 2010 en détaillant par année et par catégorie " jeux de tirage ", " jeux de grattage et instantanés " et " jeux de pronostics sportifs ", et en distinguant les mises du " Loto ", du " Super Loto ", de l'" Euromillion ", du " Keno ", du " Rapido " et du " Joker Plus ", et de condamner l'Etat à verser le montant des droits de timbre correspondant en application des articles 919 A à 919 C du code général des impôts, pour la période allant du 15 juillet 2007 au 12 mai 2010 inclus ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle entend mettre en cause la responsabilité de l'Etat pour ne pas lui avoir reversé les droits de timbre qu'il a perçus sur les mises de jeux effectuées à Saint-Martin du 1er janvier 2008 au 12 mai 2010 inclus, dont elle n'est pas en mesure de chiffrer le montant ;
- en rejetant sa demande sans enjoindre à l'Etat de produire les informations dont il dispose sur le montant des mises, le tribunal administratif n'a pas complètement rempli son office ;
- si on se réfère aux chiffres disponibles pour les années 2013 et 2014, le montant total des droits de timbre dont elle a été privée s'élève à la somme de 152 668,76 euros ;
- subsidiairement, il y a lieu pour la Cour d'enjoindre à l'Etat de produire les informations dont il dispose.
Par une ordonnance du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour la requête présentée par la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin.
Par une ordonnance du 10 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2019.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 10 mai 2019, la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens. Elle demande en outre à la Cour, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 108 530 euros et d'assortir cette condamnation des intérêts moratoires à compter du 9 août 2012, date de sa demande préalable, avec capitalisation.
Elle soutient en outre que le montant total des droits de timbre dont elle a été privée peut être évalué à partir des chiffres disponibles pour l'année 2010, à la somme de 108 530 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 17 septembre 2008, réitéré les 9 août 2012 et 22 juillet 2013, la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin a demandé au ministre des finances et des comptes publics de lui reverser le montant des droits de timbre perçus sur le territoire de la collectivité, en application des articles 919 A à 919 C du code général des impôts. Le ministre a admis, par un courrier du 6 juillet 2009, que les droits de timbre perçus devaient revenir à la collectivité, et a par la suite évalué ces droits à 35 174 euros au titre de l'année 2008, à 35 500 euros au titre de l'année civile 2009 et à 13 000 euros au titre de la période du 1er janvier 2010 au 12 mai 2010. La collectivité d'outre-mer de Saint-Martin a alors demandé au Tribunal administratif de Saint-Martin de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 198 668,76 euros. Elle fait appel du jugement du 6 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L.O. 6314-3 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 : " I.-La Collectivité fixe les règles applicables dans les matières suivantes : 1° Impôts, droits et taxes dans les conditions prévues à l'article LO 6314-4 ; (...) ". En vertu de l'article L.O. 6364-4 de ce code, issu de la même loi organique : " La collectivité perçoit le produit des impositions de toute nature établies sur son territoire dans l'exercice des compétences qu'elle tient du 1° du I de l'article LO 6314-3. ". Le conseil territorial de Saint-Martin a, par une délibération du 1er août 2007, prise en application de ces dispositions, décidé que les impôts, droits et taxes perçus au profit de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics qui étaient applicables sur le territoire de la commune de Saint-Martin avant l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 demeureraient applicables sur le territoire de la collectivité de Saint-Martin en tant qu'impôts, droits et taxes perçus au profit de celle-ci et de ses établissements publics.
3. Jusqu'à son abrogation par l'article 54 la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, l'article 919 A du code général des impôts prévoyait que : " Les bulletins du loto national sont soumis à un droit de timbre fixé à 4,70 % du montant des sommes engagées ". L'article 919 B du même code, alors en vigueur, précisait que : " Le droit de timbre prévu à l'article 919 A s'applique aux sommes engagées au jeu du loto sportif ". L'article 919 C de ce code, alors en vigueur, disposait que : " Les bulletins ou billets de la loterie nationale en ce qui concerne les jeux dits " loterie instantanée et tapis vert " sont soumis à un droit de timbre fixé à 1,6 % du montant des sommes engagées. /Le droit de timbre prévu au premier alinéa s'applique aux appareils de jeux individuels, portables et jetables servant de support à un jeu exploité par la Française des jeux ".
4. Pour rejeter la demande de la collectivité de Saint-Martin, le tribunal administratif a relevé, d'une part, que les droits de timbre mentionnés ci-dessus avaient été évalués par le ministre à partir des éléments communiqués par la Française des Jeux, et, d'autre part, que l'évaluation de la collectivité avait été établie à partir d'un rapport qui ne portait pas sur les années en litige mais sur les années 2013 et 2014. Il a estimé qu'ainsi, la collectivité de Saint-Martin, n'établissait pas l'insuffisance de l'évaluation du ministre et, par suite, le préjudice qu'elle estimait avoir subi.
5. En premier lieu, si la collectivité de Saint-Martin pouvait prétendre être indemnisée du préjudice qu'elle a subi, elle n'a pas produit d'éléments pertinents permettant d'établir l'insuffisance de l'évaluation de ce préjudice faite par le ministre. Elle n'est donc pas fondée à soutenir qu'en rejetant sa demande sans enjoindre à l'Etat de produire les informations dont il disposerait sur le montant des mises, le tribunal administratif qui, sans dénier l'existence de son préjudice, s'est fondé sur les éléments communiqués par la Française des Jeux, n'aurait pas complètement rempli son office.
6. En second lieu, compte tenu de la progression tendancielle des mises enregistrées par la Française des jeux à Saint-Martin, la collectivité de Saint-Martin n'établit pas l'insuffisance de l'évaluation faite par le ministre, de son préjudice pendant les années 2008 et 2009, en se référant aux sommes misées pendant les années 2013 et 2014 ou, à titre subsidiaire dans son mémoire en réplique, aux sommes misées pendant l'année 2010.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de procéder à une mesure d'instruction sur le montant des sommes misées à Saint-Martin, la collectivité de Saint-Martin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée pour information au ministre des outre-mer, ainsi qu'au préfet de la Guadeloupe, représentant de l'Etat à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, et au préfet délégué de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. A..., président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.
Le rapporteur,
J-C. A...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA23026