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06/11/2019 | FRANCE | N°17PA21551

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 06 novembre 2019, 17PA21551


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Avenir a demandé au Tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n 1500158 du 21 février 2017, le Tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 mai 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux et transmis à la Cour administrative

d'appel de Paris par le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en application...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Avenir a demandé au Tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n 1500158 du 21 février 2017, le Tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 mai 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux et transmis à la Cour administrative d'appel de Paris par le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, la société Avenir, représentée par Me C... A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500158 du 21 février 2017 du Tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qui concerne la réintégration de la fraction des amortissements se rapportant aux terrains des immeubles inscrits à l'actif immobilisé ;

- concernant le résultat de l'exercice 2009, que l'administration a rehaussé à raison de charges selon elle non déductibles, relatives au projet immobilier Case Navire, il y a lieu de constater une perte déductible du résultat prenant en compte les honoraires pour étude et plans de construction, d'une part, et les frais d'aménagement, d'autre part, exposés en vain du fait de la caducité du permis de construire ; elle est en droit d'invoquer la doctrine BOI-BIC-CHG-60-20-10 n° 1 ;

- les taux de 2 % et 2,40 % retenus par le service pour les amortissements des immeubles sis respectivement en métropole et en Martinique ne sont pas justifiés et il y a lieu d'appliquer un taux de 2,5 en métropole et de 3 % en Martinique, compte tenu des conditions climatiques ;

- la doctrine BOI-BIC-AMT-10-40-30 n° 30 permet de retenir un taux d'amortissement différent de celui habituellement pratiqué dans certains cas.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 27 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée

au 11 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Avenir, qui exerce une activité de marchand de biens et de loueur de locaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur les exercices clos le

31 décembre des années 2009 à 2011, à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause des amortissements et des charges déduits de ses résultats. Les rectifications consécutives à ce contrôle ont donné lieu à la réduction des déficits déclarés par la société au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et à l'établissement d'une cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011, d'un montant de 221 426 euros. La société Avenir, après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie de ce chef et des majorations correspondantes, relève appel du jugement n° 1500158 du 21 février 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ; et qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ".

3. La société Avenir soutient, comme elle le faisait en première instance, que la proposition de rectification du 12 décembre 2012 est insuffisamment motivée en ce qui concerne la réintégration de la fraction des amortissements se rapportant aux terrains des immeubles inscrits à l'actif immobilisé, dès lors que le vérificateur n'apporte pas de précision de nature à justifier la valeur des terrains d'assiette exclue des amortissements qu'elle a pratiqués. Toutefois, le service vérificateur a indiqué, dans cette proposition de rectification, que la quote-part représentative des terrains d'assiette des immeubles concernés a été estimée " d'un commun accord (...) à 13% de la valeur globale d'acquisition de ces derniers ", ce que la société requérante ne conteste d'ailleurs pas, et que les amortissements pratiqués seraient réintégrés aux résultats des exercices 2004 à 2011. Par suite, et dès lors que le vérificateur ne se référait pas à des éléments de comparaison issus de données chiffrées provenant d'autres entreprises, la proposition de rectification n'avait pas à mentionner de références extérieures pour expliciter ce taux. En tout état de cause, et contrairement à ce que soutient la société requérante, qui a d'ailleurs explicitement accepté les rehaussements en cause dans le cadre de sa réponse

du 12 février 2013, une telle motivation l'a mise à même, alors au surplus qu'elle exerce l'activité de marchand de biens, de présenter utilement des observations sur ce point et ne l'a privée d'aucune garantie.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la reprise des déductions des charges afférentes au projet sis Case Navire à Schoelcher :

4. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ".

5. La société Avenir conteste la réintégration dans les résultats des exercices contrôlés de sommes qu'elle avait déduites comme charges au titre d'un projet immobilier situé à Case Navire à Schoelcher.

6. En premier lieu, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la somme d'un montant de 18 433,18 euros mentionnée sur une facture " Bieb Ingénierie ", qu'elle a déduite comme charge au titre de l'exercice 2009, aurait été réintégrée à tort par le vérificateur au résultat de cet exercice, dès lors qu'il est constant que cette facture est datée du 1er avril 2008 et portait sur l'acquisition d'un élément d'actif, ayant d'ailleurs déjà donné lieu à une comptabilisation au titre de l'exercice 2008, dans le compte " immobilisation en cours".

7. En deuxième lieu, si la société requérante entend soutenir en appel, comme elle l'a fait en première instance, que des frais d'un montant de 126 000 euros constituaient des dépenses préparatoires à la construction de ce même ensemble immobilier et que le vérificateur ne pouvait, motif pris qu'elles auraient eu pour contrepartie un accroissement d'actif et auraient dû figurer à l'actif immobilisé, les réintégrer résultat de l'exercice 2010, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

8. Par ailleurs, la société Avenir se prévaut de la caducité du permis de construire du projet immobilier survenue le 23 décembre 2009 pour demander que la rectification

de 126 000 euros décrite ci-dessus opérée au titre de l'exercice 2010 soit compensée, au titre du même exercice, par la constatation d'une perte d'égal montant. Toutefois l'administration fiscale soutient, sans être contredite, que, d'une part, l'arrêté de caducité prévoit la possibilité d'un renouvellement et, d'autre part, des dépenses afférentes au projet immobilier ont été comptabilisées postérieurement à l'arrêté de caducité. Dès lors, à la clôture de l'exercice 2010, ledit projet n'était pas définitivement abandonné et les dépenses en cause ne pouvant être considérées comme engagées en pure perte, aucune constatation de perte n'aurait pu être opérée à ce titre à la clôture de cet exercice. La société requérante, qui n'a d'ailleurs pas constaté cette perte à la clôture de l'exercice 2009, n'est pas fondée à revendiquer une compensation à ce titre concernant l'exercice 2010. Si elle se prévaut d'un droit à comptabiliser en perte les charges réintégrées par l'administration en invoquant la doctrine BOI-BIC-CHG-60-20-10 n° 1 " à titre de parallèle ", elle n'entre, en tout état de cause, pas dans les prévisions de cette doctrine qui indique notamment que l'on peut comptabiliser une perte sur la valeur résiduelle lorsque l'on démolit un immeuble.

9. En troisième lieu, au titre des exercices 2009 à 2011, la société Avenir a déduit de ses résultats des dotations aux amortissements concernant des travaux d'aménagement du terrain d'assiette de ce même projet immobilier, pour des montants annuels de 49 695,85 euros. Toutefois, un équipement ne peut donner lieu à amortissement qu'à compter de sa date de mise en service. Or, il est constant que le projet immobilier n'était pas achevé à la date d'inscription des amortissements litigieux. Par suite, c'est à bon droit que le service vérificateur a remis en cause la déduction de ces dotations.

En ce qui concerne les taux d'amortissement pratiqués pour les immobilisations immobilières :

10. En vertu du 2°) du 1 de l'article 39 du code général des impôts, sont admis en déduction " les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation ". Il résulte de ces dispositions que les amortissements qu'une entreprise est en droit de pratiquer chaque année à raison d'une immobilisation sont ceux qui, pour cette immobilisation, résultent des usages constatés dans la profession à laquelle appartient l'entreprise.

11. En premier lieu, la société Avenir soutient, comme elle le faisait devant le tribunal, que les taux de 2% et 2,4% retenus par le service vérificateur pour ses immeubles respectivement sis en métropole et en Martinique, sont insuffisants. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen comme non fondé au regard de la loi fiscale.

12. En second lieu, la société, pour revendiquer des taux de 2,5 % et 3% pour ses immeubles respectivement implantés en métropole et en Martinique, se prévaut de la doctrine administrative publiée le 23 septembre 2013 sous la référence au BOI-BIC-AMT-10-40-30 qui en son point n° n° 30 énonce que : " (...) lorsque, pour une raison quelconque (utilisation intensive, matériel exposé aux intempéries, matériel risquant de se démoder rapidement ou ne devant être utilisé que pour l'exécution de commandes limitées et non renouvelables, etc.), il apparaît que la durée effective d'utilisation d'un élément de l'actif sera, très probablement, inférieure à sa durée normale, c'est en partant de cette durée effective d'utilisation que doit être calculée l'annuité d'amortissement afférente à cet élément. ". Toutefois, la société Avenir, en se bornant à faire état de manière générale et sans autre précision du climat martiniquais, ne justifie pas, pour ses immeubles, d'une durée effective d'utilisation inférieure à celle prise en compte par l'administration.

13. De tout ce qui précède il résulte de que la société Avenir n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions litigieuses doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Avenir est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Avenir et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal du Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 novembre 2019.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 17PA21551 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA21551
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SIMON ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-06;17pa21551 ?
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