Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Mayotte, d'une part, d'annuler la décision du 27 février 2015 par laquelle le recteur de l'académie de Nantes a refusé de revoir le montant de la seconde fraction de son indemnité d'éloignement, et, d'autre part, d'enjoindre au recteur de recalculer son montant.
Par un jugement n° 1500211 du 10 octobre 2017, le Tribunal administratif de Mayotte a annulé la décision du 27 février 2015 et enjoint au recteur de l'académie de Nantes de recalculer et liquider le montant de la seconde fraction de l'indemnité d'éloignement versée à M. D..., en prenant en compte sa bonification indiciaire, dans un délai de deux mois.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2017 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, dont le jugement a été attribué à la Cour administrative de Paris par ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019 du président de la section du contentieux de Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, ainsi que par un mémoire complémentaire enregistré le 3 mai 2019, le ministre de l'éducation nationale demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500211 du 10 octobre 2017 du Tribunal administratif de Mayotte ;
2°) de rejeter la demande de M. D... devant le Tribunal administratif de Mayotte.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la bonification indiciaire dont bénéficient les personnels de direction de ses établissements d'enseignement et de formation ne doit pas s'ajouter au traitement indiciaire net servant de calcul à l'indemnité d'éloignement prévue pour les agents de l'Etat en service à Mayotte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2018, M. D..., représenté par Me F..., puis par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête du ministre est irrecevable, faute d'avoir été signée par un agent ayant compétence pour le représenter ;
- le moyen du ministre n'est pas fondé ;
- la nouvelle bonification indiciaire prévue par l'article 4 du décret du 26 mars 1993 doit être retenue pour le calcul de la seconde fraction de l'indemnité d'éloignement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 ;
- le décret n° 93-522 du 26 mars 1993 ;
- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 ;
- le décret n° 88-342 du 11 avril 1988 ;
- le décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 ;
- le décret n° 2014-133 du 17 février 2014 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., membre du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale, dont le statut relève du décret du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale, était principal du collège Sophie Germain à Nantes (Loire-Atlantique), avant d'être affecté à Mayotte, à compter du 1er septembre 2013, pour y occuper les fonctions de principal du collège de Doujani, à Mamoudzou, classé en 4ème catégorie. En juin 2013, il a perçu la somme de 45 739,61 euros au titre de la première fraction de l'indemnité d'éloignement prévue par le décret du 27 novembre 1996 relatif à son attribution aux fonctionnaires de l'Etat en service à Mayotte, puis, en octobre 2014, celle de 40 324,50 euros, au titre de la seconde fraction de cette même indemnité. Par une décision du 27 février 2015, le recteur de l'académie de Nantes a rejeté le recours gracieux de M. D... dirigé contre la décision par laquelle le montant de cette seconde fraction a été fixé. Le ministre de l'éducation nationale relève appel du jugement du 10 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Mayotte a, d'une part, annulé la décision du 27 février 2015, et, d'autre part, enjoint au recteur de l'académie de Nantes de recalculer et liquider le montant de la seconde fraction de l'indemnité d'éloignement versée à M. D..., dans un délai de deux mois.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel par M. D... :
2. Aux termes de l'article 1 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) 2° Les (...) sous-directeurs (...) ". L'article 5 du décret du 17 février 2014 fixant l'organisation de l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche dispose que : " Direction des affaires juridiques : / (...) Elle représente les ministres devant les juridictions dans les instances ne relevant pas du contentieux des pensions ou de la compétence des services déconcentrés / (...) ".
3. Par arrêté du Premier ministre et de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en date du 17 septembre 2015, M. G... E... a été nommé sous-directeur des affaires juridiques de l'enseignement scolaire (groupe II) à la direction des affaires juridiques de l'administration centrale du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à compter du 21 septembre 2015, pour une durée de trois ans. Dès lors, à la date de l'enregistrement de la requête, le 11 décembre 2017, M. G... E... disposait d'une délégation régulière pour signer cette requête au nom du ministre chargé de l'éducation nationale, en application des dispositions précitées de l'article 1 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. D... doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article 3 du décret du 27 novembre 1996 : " L'agent qui reçoit une affectation pour aller servir deux ans à Mayotte (...) a droit, à chacune des échéances prévues au 2° de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950 (...) à une fraction d'indemnité égale à : (...) 3° Onze mois et quinze jours de traitement indiciaire net lorsqu'il est affecté à Mayotte ". L'article 1 du décret du 11 avril 1988 fixant le régime de rémunération applicable à certains emplois de direction d'établissements d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale, dispose que : " Les personnels de direction régis par le décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale, nommés dans l'un des emplois de direction ou l'une des fonctions mentionnés à l'article 2 dudit décret, perçoivent la rémunération afférente au grade et à l'échelon qu'ils ont atteint dans leur corps et, en outre, dans la limite prévue à l'article 8 du présent décret, une bonification indiciaire soumise à retenue pour pension. / Cette bonification est fonction de la catégorie dans laquelle est classé l'établissement (...) ". En vertu du I de l'article 6 du même décret : " Le montant de la bonification indiciaire applicable aux emplois de proviseur de lycée, de proviseur de lycée professionnel et de principal de collège est fixé ainsi qu'il suit : Bonification (en points d'indice majoré) : 1re catégorie : 80 ; 2e catégorie : 100 ; 3e catégorie : 130 ; 4e catégorie : 150 ; 4e catégorie exceptionnelle : 150 / (...) ". Enfin, l'article 8 du décret dispose que : " L'attribution de la bonification indiciaire prévue à l'article 1er ci-dessus ne peut avoir pour effet de conférer aux intéressés une rémunération brute soumise à retenue pour pension civile supérieure au traitement brut maximum soumis à retenue pour pension afférent à la hors-classe du corps des inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux. Lorsque le calcul résultant de l'application des dispositions du présent décret conduirait au dépassement du traitement brut maximum fixé à l'alinéa précédent, la différence est allouée aux intéressés sous la forme d'une indemnité non soumise à retenue pour pension civile ".
5. Il ressort de ces dispositions que la bonification indiciaire dont bénéficient les agents occupant des emplois de direction dans les établissements d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale constitue un élément de rémunération forfaitaire, dont le niveau varie en fonction de la catégorie à laquelle appartient l'établissement au sein duquel ils sont affectés. La bonification indiciaire en cause, qui peut revêtir la forme d'une indemnité non soumise à retenue pour pension civile lorsqu'elle excède un certain niveau, est donc distincte du traitement indiciaire net, correspondant au grade et à l'échelon atteint par l'agent dans son corps, qui sert de base au calcul de l'indemnité d'éloignement prévue par le décret du 27 novembre 1996, laquelle a un caractère exceptionnel et vise seulement à compenser les charges nées d'un éloignement outre-mer, sans distinction des fonctions exercées par les agents appartenant à un même corps.
6. Dans ces conditions, le ministre de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Mayotte a, d'une part, annulé la décision du 27 février 2015 du recteur de l'académie de Nantes, au motif qu'il n'avait pas ajouté la bonification indiciaire au traitement indiciaire net de M. D... pour calculer la seconde fraction de l'indemnité d'éloignement qui lui a été versée et, d'autre part, lui a enjoint de la recalculer et de la liquider en en tenant compte.
7. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D....
8. En vertu de l'article 4 du décret du 26 mars 1993 relatif aux conditions de mise en oeuvre de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique d'Etat : " Pour le calcul des différentes primes ou indemnités fixées en pourcentage du traitement indiciaire, à l'exception des primes ou indemnités prises en compte pour le calcul de la pension, la nouvelle bonification indiciaire s'ajoute au traitement indiciaire de l'agent. / (...) La nouvelle bonification indiciaire s'ajoute également, le cas échéant, au traitement pour le calcul des majorations accordées aux agents en service dans les départements d'outre-mer et dans les territoires d'outre-mer ".
9. L'indemnité d'éloignement, eu égard à son caractère exceptionnel, n'est pas de celles, fixées en pourcentage du traitement, et versées de façon régulière, en relation avec ledit traitement, pour le calcul desquelles, en application de l'article 4 du décret du 26 mars 1993, la nouvelle bonification indiciaire, qui n'est pas en cause en l'espèce, s'ajoute au traitement indiciaire. M. D... n'est donc en tout état de cause pas fondé à soutenir que le recteur de l'académie de Nantes aurait dû retenir une telle bonification dans le calcul de la seconde fraction de l'indemnité d'éloignement qui lui a été versée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale est fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Mayotte du 10 octobre 2017 et le rejet de la demande présentée par M. D....
Sur les frais de justice :
11. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. D... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500211 du 10 octobre 2017 du Tribunal administratif de Mayotte est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Mayotte, ainsi que ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à M. A... D....
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.
Le rapporteur,
C. C...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA23897