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24/10/2019 | FRANCE | N°17PA03688

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 octobre 2019, 17PA03688


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Tahiti Beachcomber (TBSA) a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser les sommes de

6 317 624 F CFP au titre de l'indemnisation résultant de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement de M. D..., de 320 891 F CFP au titre du rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement et de 2 610 233 F CFP au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux

légal à compter du 27 juillet 2015 assortis de la capitalisation.

Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Tahiti Beachcomber (TBSA) a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser les sommes de

6 317 624 F CFP au titre de l'indemnisation résultant de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement de M. D..., de 320 891 F CFP au titre du rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement et de 2 610 233 F CFP au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2015 assortis de la capitalisation.

Par un jugement n° 1500563 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif de la Polynésie française a condamné la Polynésie française à verser à la société Tahiti Beachcomber une indemnité de 6 317 622 F CFP assortie des intérêts capitalisés.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2017, la Polynésie française, représentée par Me A... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 septembre 2017 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a partiellement fait droit aux demandes de la société Tahiti Beachcomber ;

2°) de mettre à la charge de la société Tahiti Beachcomber la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si la décision de l'inspecteur du travail a été annulée en raison de sa motivation insuffisante, l'administration ne pouvait se substituer à l'employeur pour préciser les griefs qui fondaient la demande de licenciement, ni les requalifier ;

- les insuffisances que comportait la demande de licenciement présentée par l'employeur exonèrent l'administration de sa faute ou, à tout le moins, devraient l'atténuer.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2018, la société Tahiti Beachcomber (TBSA) représentée par la SELARL Groupavocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française la somme de 226 000 F CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'illégalité commise par l'inspecteur du travail engage la responsabilité de l'administration ;

- l'insuffisance de motivation qui a motivé l'annulation de la décision administrative est indépendante de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

- sa demande de licenciement ne comporte aucune irrégularité de nature à avoir exonéré l'administration de sa responsabilité ;

- elle se réserve de compléter sa demande du montant des cotisations sociales et fiscales afférant au montant de l'indemnité quand celui-ci sera connu.

La clôture de l'instruction est intervenue le 5 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la délibération n° 91-32 AT du 24 janvier 1991 ;

- le code du travail de la Polynésie française ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La Polynésie française relève appel du jugement du 19 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Polynésie française l'a condamnée à payer à la société Tahiti Beachcomber (TBSA) une indemnité de 6 317 622 F CFP assortie des intérêts capitalisés en réparation des préjudices ayant résulté pour cette société de l'illégalité de la décision du 9 juin 2010, par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé cet employeur à licencier M. D..., délégué du personnel et délégué syndical.

Sur la responsabilité :

2. Le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative. L'illégalité de la décision autorisant un tel licenciement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, quelle que puisse par ailleurs être la responsabilité encourue par l'employeur lui-même. Ce dernier est alors en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat, ou en Polynésie française du Territoire, à réparer le préjudice direct et certain résultant pour lui de cette décision illégale.

3. En l'espèce, la décision de l'inspecteur du travail du 9 juin 2010 a été annulée par un arrêt N° 11PA02218 de la cour administrative d'appel de Paris du 7 juin 2012, devenu définitif. Pour annuler l'autorisation de licencier M. D..., la cour a retenu le motif que la décision n'était pas suffisamment motivée. Elle a considéré d'une part que l'inspecteur du travail avait omis de qualifier la nature des manquements et par suite le fondement du licenciement accordé, d'autre part qu'il ne s'était pas prononcé sur la totalité des griefs invoqués par l'employeur.

4. La demande de la société Tahiti Beachcomber, motivée par " l'insuffisance professionnelle, les carences, et la mésentente de M. D... avec ses collègues " mentionnait un certain nombre de faits dont certains pouvaient relever de l'insuffisance professionnelle et d'autres présentaient un caractère disciplinaire. Si les imprécisions et les erreurs de qualification juridique qu'a pu comporter la demande d'autorisation de licenciement dont il était saisi étaient de nature à justifier son rejet, l'inspecteur du travail, dès lors qu'il accordait l'autorisation, devait qualifier la nature des manquements qu'il retenait et par suite le fondement du licenciement accordé, et il devait se prononcer sur l'ensemble des griefs qui pouvaient légalement fonder sa décision, ce qu'il n'a pas fait en l'espèce. L'employeur n'a pas contribué à l'insuffisance de motivation de l'autorisation de licenciement, laquelle reflète des erreurs commises par l'administration dans le traitement de la demande. La Polynésie française n'est donc pas fondée à soutenir que des fautes de l'employeur l'exonèrent de sa responsabilité ou contribuent à l'atténuer.

Sur le préjudice :

5. Aux termes de l'article LP 2511-8 du code du travail de la Polynésie française : " (...) l'annulation, sur recours administratif ou sur recours contentieux, d'une autorisation administrative de licenciement emporte droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent pour le salarié concerné, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. " Aux termes de l'article LP 2511-10 du même code : " Lorsque l'annulation de la décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié concerné a droit au paiement d'une indemnité, correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il l'a demandée dans les délais prévus à l'article Lp. 2511 8, ou à l'expiration de ce délai dans le cas contraire. " Aux termes de l'article LP 2511-11 de ce code : " Le paiement prévu à l'article Lp. 2511-10 s'accompagne du versement des cotisations afférentes à ladite indemnité, qui constitue un complément de salaire.". Il résulte de ces dispositions que l'employeur est tenu de verser cette indemnité, ainsi que les cotisations auxquelles elle est soumise, lorsque l'autorisation administrative de licenciement a été annulée et que cette annulation est devenue définitive.

6. La somme de 6 317 622 F CFP assortie des intérêts au taux légal à compter du

27 juillet 2015 et de la capitalisation annuelle des intérêts échus le 12 juillet 2017 n'est pas contestée en appel par les parties. La société Tahiti Beachcomber n'a pas actualisé en appel, ainsi qu'elle l'avait annoncé, le montant de ses conclusions en intégrant le montant des cotisations sociales et fiscales afférant au montant de l'indemnité, encore inconnu quand sa requête a été enregistrée. Le montant des sommes que la Polynésie française a été condamnée à verser à la société Tahiti Beachcomber doit dès lors être confirmé.

7. Il résulte de ce qui précède que la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Polynésie française l'a condamnée à verser à la société Tahiti Beachcomber une indemnité de 6 317 622 F CFP assortie des intérêts capitalisés.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Tahiti Beachcomber la somme que réclame la Polynésie française au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de

150 000 F CFP sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Polynésie française est rejetée.

Article 2 : La Polynésie française versera à la société Tahiti Beachcomber une somme de 150 000 F CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la Polynésie française et à la société anonyme Tahiti Beachcomber.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- M. B..., président assesseur,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.

Le rapporteur,

Ch. B...Le président,

M. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 17PA03688


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03688
Date de la décision : 24/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Absence.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-24;17pa03688 ?
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