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05/07/2019 | FRANCE | N°19PA01569

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 juillet 2019, 19PA01569


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2018, par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités suédoises.

Par un jugement n° 1821206/3-1 du 5 février 2019, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2019, M. C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du ma

gistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 5 février 2019 ;

2°) d'annuler l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2018, par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités suédoises.

Par un jugement n° 1821206/3-1 du 5 février 2019, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2019, M. C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 5 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2018, par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités suédoises ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car il ne répond pas au moyen soulevé en première instance et tiré d'une erreur de droit tenant à ce que le préfet n'établit pas que l'Allemagne n'est pas devenue l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- en ne faisant pas usage du pouvoir qu'il tient de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation car sa demande d'asile a fait l'objet d'un rejet définitif par les autorités suédoises, qui risquent donc de le renvoyer en Afghanistan ;

- il a, pour les mêmes raisons, méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté contesté méconnaît les articles 3, 9, 23 et 29 du règlement du 26 juin 2013, dès lors qu'il n'est pas démontré que l'Allemagne n'était pas devenue l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile deux mois après qu'il y avait déposé une nouvelle demande de protection internationale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 26 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- et les observations de MeB..., pour M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1988, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 3 septembre 2018. Par un arrêté du 14 novembre 2018, le préfet de police a décidé sa remise aux autorités suédoises. M. C...fait appel du jugement du 5 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge de première instance que par un mémoire complémentaire enregistré le 14 janvier 2019, M. C...a soulevé un moyen tiré d'une erreur de droit tenant à ce que l'Allemagne serait devenue l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Le jugement attaqué n'a pas répondu à ce moyen et ne l'a pas analysé dans ses visas. M. C...est donc fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur la décision de remise aux autorités suédoises :

Sur la légalité externe :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

4. L'arrêté attaqué vise les stipulations applicables de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les règlements (UE) n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales et n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers. Il mentionne également que la comparaison des empreintes digitales de M. C...au moyen du système Eurodac a permis d'établir qu'il a sollicité l'asile auprès des autorités suédoises le 2 novembre 2015, que celles-ci ont été saisies d'une demande de reprise en charge à la suite de laquelle elles ont fait connaître leur accord, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel d'atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités suédoises. L'arrêté précise en outre que la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement n° 604/2013. Il comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivé. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation personnelle de M.C.... Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. C...doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre(...) ".

6. La reprise en charge de M. C...par les autorités suédoises ayant été acceptée sur le fondement du d) du 1 de cet article 18, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait pas procéder à cette mesure sur le fondement du b) du 1 de cet article est inopérant.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du même règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. C...s'est vu remettre le 12 septembre 2018 l'ensemble des informations nécessaires au suivi de sa demande d'asile et à l'engagement de la procédure de transfert, et tout particulièrement le guide du demandeur d'asile, la brochure d'information sur le règlement " Dublin III " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (brochure A), la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin III " (brochure B), ainsi que la brochure " Eurodac ", rédigés en langue farsi, que l'intéressé ne soutient pas ne pas comprendre. Si M. C...soutient qu'étant illettré, il n'a pu lire ni comprendre ces documents d'information, de sorte que l'interprète qui l'assistait aurait dû lui lire leur contenu en intégralité oralement, il ressort des pièces du dossier que lors de l'entretien individuel, il a déclaré comprendre l'ensemble des termes de cet entretien sans formuler de réserve concernant l'illettrisme dont il fait état devant la Cour, et qu'il a accusé réception le jour-même, de la remise de l'ensemble de ces documents. Dès lors, le moyen tiré de ce que M. C...n'aurait pas reçu les éléments d'information requis par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 citées au point 7 doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 29 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. ".

10. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection.

11. Si M. C...entend se prévaloir de l'article 29 cité au point 9, la méconnaissance de l'obligation d'information qu'il consacre ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé (...) ".

13. La conduite de l'entretien par une personne qualifiée en vertu du droit national constitue, pour le demandeur d'asile, une garantie. Si le compte-rendu de l'entretien individuel qui comporte seulement la mention " Préfecture de police / Direction de la Police Générale / 12ème Bureau " sur la dernière page, ne mentionne pas le nom et la qualité de l'agent ayant mené l'entretien, il ressort des pièces du dossier que M. C...a eu la possibilité, lors de cet entretien, de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. Par suite, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent qui a mené l'entretien individuel n'a pas privé l'intéressé d'une garantie et n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2103 (...) ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a adressé une requête aux fins de reprise en charge de l'intéressé par les autorités suédoises le 19 septembre 2018 et que celles-ci ont fait connaitre leur accord à la suite de cette requête, sur le fondement du d) de l'article 18 du règlement n° 604/2013 par une lettre du 27 septembre 2018 que le préfet produit. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des articles 23 et 25 cités ci-dessus ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité interne :

16. En premier lieu, l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. (...) ". Aux termes de l'article 20 du même règlement : " (...) 5. L'État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre État membre pendant le processus de détermination de l'État membre responsable. ".

17. Compte tenu des dispositions du paragraphe 1 de l'article 23 du règlement du 26 juin 2013, cité au point 14, et du paragraphe 5 de l'article 20, de ce même règlement cité au point 16, M.C..., qui ne conteste pas avoir introduit sa demande de protection internationale pour la première fois en Suède le 2 novembre 2015, ne peut utilement faire état de la demande de protection qu'il soutient avoir déposée en Allemagne le 21 mai 2018 pour soutenir que l'Allemagne serait devenue l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile.

18. En second lieu, l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". L'article 3 de ce règlement dispose : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. " Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

19. M. C... fait valoir que, en cas de transfert vers la Suède et dès lors que les autorités de ce pays ont rejeté sa demande d'asile, il risque d'être renvoyé vers l'Afghanistan et qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Suède et non dans son pays. En outre, la Suède, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, M. C... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Suède dans la procédure d'asile ou que les juridictions suédoises n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application des dispositions dérogatoires dites " clauses discrétionnaires " mentionnées à l'article 17 du règlement cité au point qui précède et celui tiré de la méconnaissance de l'article 3 du même règlement ainsi que des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

20. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2018 portant remise de M. C...aux autorités suédoises doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction.

21. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement n° 1821206/3-1 du Tribunal administratif de Paris du 5 février 2019 et de rejeter la demande de première instance de M.C.... L'Etat n'étant pas la partie principalement perdante, les conclusions de M. C...présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1821206/3-1 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris du 5 février 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2019.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERANDLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N° 19PA01569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01569
Date de la décision : 05/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite - Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CABINET HUG et ABOUKHATER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-05;19pa01569 ?
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