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25/06/2019 | FRANCE | N°18PA03194-18PA03195

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 25 juin 2019, 18PA03194-18PA03195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 6 février 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Jean Lefebvre Pacifique à le licencier.

Par un jugement n°1800104 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 février 2018.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2018 sous le n° 18PA03194, et un

mémoire enregistré le 25 avril 2019, la société Jean Lefebvre Pacifique représentée par la SELARL ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 6 février 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Jean Lefebvre Pacifique à le licencier.

Par un jugement n°1800104 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 février 2018.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2018 sous le n° 18PA03194, et un mémoire enregistré le 25 avril 2019, la société Jean Lefebvre Pacifique représentée par la SELARL cabinet Plaisant, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie ;

2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 300 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les violences verbales commises par M. A... lors de la réunion du comité d'entreprise du 27 novembre 2017 ont rendu impossible son maintien au sein de la société ;

- M. A... a une influence néfaste sur ses collègues et sur les relations de travail ;

- il avait fait l'objet d'avertissements pour non-respect des règles de sécurité.

Par un mémoire enregistré le 22 janvier 2019, M. A..., représenté par la SARL Jean Jacques Deswarte, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Jean Lefebvre Pacifique la somme de 4 190 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les propos agressifs qu'il a tenus, hors de la relation de travail, ne se comprennent que dans le contexte très particulier de harcèlement administratif et judiciaire tendant à son licenciement ;

- les témoignages produits par la société sont sans lien avec l'affaire ;

- la société Jean Lefebvre Pacifique a entreprise de se débarrasser de tous les salariés protégés qui ont pris part à la grève de 2016.

La Nouvelle-Calédonie, à qui la requête a été communiquée le 23 octobre 2018, n'a pas produit de mémoire.

II°) Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2018 sous le n°18PA03195, et un mémoire enregistré le 25 avril 2019, la société Jean Lefebvre Pacifique représentée par la SELARL cabinet Plaisant, demande à la cour :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 25 septembre 2018 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 200 000 CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses moyens et notamment celui tiré de ce que le comportement de M. A... rend impossible son maintien dans l'entreprise sont sérieux ;

- en raison de son influence néfaste, la réintégration dans l'entreprise de M. A... aurait des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire enregistré le 22 janvier 2019, M. D... A... représenté par la SARL Jean Jacques Deswarte, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Jean Lefebvre Pacifique la somme de 4 190 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens ne sont pas sérieux et que sa réintégration n'aurait pas de conséquences difficilement réparables pour l'entreprise.

La Nouvelle-Calédonie, à qui la requête a été communiquée le 23 octobre 2018, n'a pas produit de mémoire.

La clôture de l'instruction est intervenue le 14 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n°99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code du travail de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Delamarre, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 18PA03194 et n°18PA03195, qui tendent pour la première à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nouvelle- Calédonie du 25 septembre 2018 et pour la seconde à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. En vertu des dispositions du code du travail de Nouvelle-Calédonie, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié qui, ne méconnaissant pas les obligations découlant pour lui de son contrat de travail, ne constitue pas une faute, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au président du gouvernement, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., délégué syndical de l'Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités (USTKE), qui avait exercé jusqu'au 17 novembre 2017 les fonctions de trésorier du comité d'entreprise de la société Jean Lefebvre Pacifique, s'est emporté lors de la réunion mensuelle de ce comité, le 27 novembre 2017, lorsqu'il a été invité à remettre immédiatement les chéquiers des comptes du comité d'entreprise, et d'autre part l'ensemble des pièces comptables pour la période du 16 novembre 2015 au 17 novembre 2017. Il s'est alors montré particulièrement agressif et désobligeant envers son employeur et d'autres membres du comité lors de la suite de cette réunion en haussant le ton et en employant des expressions telles que " ferme-la ", " t'es malhonnête ", " tu manigances ", " ferme-la, t'as pas le droit de parler, t'es suppléante ", ou encore " tais-toi, t'y connais rien ".

4. Les emportements de M. A... qui se sont déroulés lors d'une réunion du comité d'entreprise, sont survenus en dehors de l'exécution du contrat de travail. Ces faits ne pouvaient être retenus à son encontre à l'appui de la demande de licenciement qui était fondée exclusivement sur des motifs disciplinaires. Les attestations de salariés, soumis à un lien de subordination hiérarchique à l'employeur, au demeurant surtout des cadres, produits par la société Jean Lefebvre Pacifique qui certifient que le climat s'est amélioré avec le départ de ce représentant syndical et que les relations du travail sont devenues plus sereines ne sont pas de nature à établir que les faits qui ont motivé la demande de licenciement rendaient impossible le maintien dans l'entreprise de l'intéressé qui y exerçait depuis 1989 les fonctions de conducteur d'engin. Si la société fait valoir en appel que M. A... était enclin aux débordements et qu'il exerçait une influence néfaste au sein de l'entreprise, les faits très mal établis qu'elle avance ne sont pas ceux sur lesquels était fondée la demande d'autorisation de licenciement.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Jean Lefebvre Pacifique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 février 2018 autorisant le licenciement de M. A....

6. La cour ayant statué sur la requête au fond, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement est dépourvue d'objet.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Jean Lefebvre Pacifique tendant à ce que soient mis à la charge de

M. A..., qui n'est pas la partie qui succombe, les frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Jean Lefebvre Pacifique la somme de 4 000 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative au titre des deux instances.

DECIDE :

Article 1er : La requête n°18PA03194 présentée par la société Jean Lefebvre Pacifique est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°18PA03195.

Article 3 : La société Jean Lefebvre Pacifique versera à M. A... la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à la Nouvelle-Calédonie et à la société Jean Lefebvre Pacifique.

Copie en sera adressée pour information au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- M. B..., président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juin 2019.

Le rapporteur,

Ch. B...Le président,

M. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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Nos 18PA03194, 18PA03195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03194-18PA03195
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Outre-mer - Droit applicable - Lois et règlements (hors statuts des collectivités) - Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie - Polynésie française.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute - Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SELARL CABINET PLAISANT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-25;18pa03194.18pa03195 ?
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