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11/06/2019 | FRANCE | N°16PA02606

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 11 juin 2019, 16PA02606


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a saisi le Tribunal administratif de Paris de deux demandes tendant à l'annulation d'une part de la décision du 12 mars 2014 par laquelle la directrice générale du Samu social de Paris l'a suspendue de ses fonctions pour une durée de quatre mois maximum, et d'autre part de la décision du 30 juin 2014 par laquelle la directrice générale du Samu social de Paris l'a licenciée sans préavis ni indemnité, outre des conclusions à fin d'injonction et d'indemnisation et des conclusions au titre de l'

article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°s ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a saisi le Tribunal administratif de Paris de deux demandes tendant à l'annulation d'une part de la décision du 12 mars 2014 par laquelle la directrice générale du Samu social de Paris l'a suspendue de ses fonctions pour une durée de quatre mois maximum, et d'autre part de la décision du 30 juin 2014 par laquelle la directrice générale du Samu social de Paris l'a licenciée sans préavis ni indemnité, outre des conclusions à fin d'injonction et d'indemnisation et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°s 1407605/2-1 et 1413372/2-1 du 12 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 30 juin 2014, a enjoint au Samu social de Paris de réintégrer Mme A... et de l'affecter sur un emploi équivalent à celui qu'elle occupait lors de son éviction dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a condamné le Samu social à verser à Mme A...la somme de 20 000 euros, ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des demandes de MmeA.....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 août 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 11 mai 2018, le Samu social de Paris, représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de MmeA... ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les faits fautifs imputés à Mme A...n'étaient pas établis, une enquête pénale étant d'ailleurs toujours en cours ;

- les autres moyens soulevés en première instance par Mme A...à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 juin 2014 ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2016, MmeA..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident demande que la condamnation indemnitaire du Samu social de Paris soit portée de la somme de 5 000 euros à la somme de 72 003,28 euros au titre du préjudice financier et de la somme de 15 000 euros à la somme de 150 000 euros au titre du préjudice moral. Elle demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du Samu social de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le Samu social de Paris ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;

- le décret n° 2013-292 du 5 avril 2013 ;

- le statut du personnel du groupement d'intérêt public Samu social de Paris, adopté par délibération du conseil d'administration du 18 septembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de MeD..., pour le Samu social de Paris,

- et les observations de MeC..., pour MmeA....

Une note en délibéré, enregistrée le 29 mai 2019, a été présentée pour le Samu social de Paris.

Une note en délibéré, enregistrée le 31 mai 2019, a été présentée pour MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., agent contractuel du Samu social de Paris, a saisi le Tribunal administratif de Paris de deux demandes tendant à l'annulation d'une part, de la décision du 12 mars 2014 par laquelle la directrice générale du Samu social de Paris l'a suspendue de ses fonctions pour une durée de quatre mois maximum et d'autre part de la décision du 30 juin 2014 par laquelle la directrice générale du Samu social de Paris l'a licenciée sans préavis ni indemnité, outre des conclusions à fins d'injonction et d'indemnisation. Par un jugement du 12 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de licenciement du 30 juin 2014, a enjoint au Samu social de Paris de réintégrer Mme A... et de l'affecter sur un emploi équivalent à celui qu'elle occupait lors de son éviction dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a condamné le Samu social à verser à Mme A...la somme de 20 000 euros, ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses demandes. Le Samu social de Paris demande à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme A.... Cette dernière, par la voie de l'appel incident, demande que la condamnation indemnitaire du Samu social de Paris soit portée de la somme de 5 000 euros à la somme de 72 003,28 euros au titre du préjudice financier et de la somme de 15 000 euros à la somme de 150 000 euros au titre du préjudice moral.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 110 de la loi visée ci-dessus du 17 mai 2011, alors en vigueur : " I. - Le régime des personnels des groupements créés antérieurement à la publication du décret en Conseil d'Etat mentionné au dernier alinéa de l'article 109 est déterminé par l'assemblée générale ou, à défaut, par le conseil d'administration, dans un délai de six mois à compter de cette publication. / Les personnels en fonction à la date de promulgation de la présente loi restent régis par les dispositions qui leur sont applicables jusqu'à l'entrée en vigueur de la décision de l'assemblée générale ou de la délibération du conseil d'administration. Jusqu'à cette même date, le groupement peut également conclure ou renouveler les contrats conformément à ces dispositions. (...) ". Le Samu social de Paris a adopté, conformément à ces dispositions le statut de son personnel, par délibération du conseil d'administration du 18 septembre 2013. Aux termes de l'article 11.1 de ce statut : " Le pouvoir disciplinaire appartient au directeur général du Samu social de Paris (...) " . Aux termes de l'article 11.2 de ce même statut : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un salarié du Samu social de Paris dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, est constitutif d'une faute pouvant l'exposer à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal ". Enfin, aux termes de l'article 11.5 de ce même statut : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux salariés sont les suivantes : 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les salariés recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les salariés sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée.".

3. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que l'oncle de l'époux de Mme A... a été l'un des associés de l'une des principales sociétés auxquelles le Samu social de Paris a eu régulièrement recours, depuis 2004, sur la base d'une convention, pour effectuer des réservations hôtelières au profit de personnes en situation d'urgence, générant un chiffre d'affaires conséquent pour cette société. S'il est constant qu'elle n'a signé aucune des conventions conclues entre la société Atho et sa filiale Obber avec le Samu social de Paris, il n'en demeure pas moins que c'est elle qui a mis en relation, en 2004, cette société et le Samu social de Paris, alors que la société Atho, qui venait d'être créée, ne pouvait être, contrairement à ce qui est indiqué dans la convention " reconnue comme spécialiste, expérimentée et qualifiée dans ce domaine ". Or, l'oncle de son époux est entré au capital de cette société à hauteur de 50 % peu après la conclusion de la première convention avec le Samu social, et il est constant que Mme A... n'a jamais fait état à son employeur d'un lien de parenté avec l'un des actionnaires d'une société prestataire, y compris après que l'un de ses subordonnés, en 2011, ait fait part du soupçon de favoritisme envers cette société. Le silence de Mme A...sur ce lien de parenté, alors qu'elle était depuis 2007 responsable du pôle hébergement et de réservation hôtelière, et que la société Atho et sa filiale ont bénéficié d'une part significative des réservations du Samu social représentant un chiffre d'affaires important, constitue un manquement grave à ses obligations d'impartialité et de probité. Ainsi, c'est à tort que pour annuler la décision contestée, les premiers juges ont estimé que les faits reprochés à Mme A...et qualifiés de faute disciplinaire par le Samu social de Paris n'étaient pas suffisamment établis, et ce indépendamment de l'issue de la procédure pénale actuellement en cours s'agissant de ces mêmes faits.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens d'annulation soulevés par Mme A...tant en première instance qu'en appel.

5. Eu égard à la gravité de ces faits et à la période de dissimulation, s'étalant sur plusieurs années, le Samu social a pu légalement prendre à l'encontre de Mme A...la sanction disciplinaire la plus grave du licenciement sans préavis, ni indemnité.

6. Toutefois, il résulte de l'article 11.5 du statut du personnel du groupement cité au point 2 que toute décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. Par ailleurs, en application des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur, les décisions qui infligent une sanction doivent être motivées en droit et en fait. Or, si la décision litigieuse du 30 juin 2014 est motivée en fait, elle n'indique aucun motif de droit. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir que cette décision est entachée de défaut de motivation en droit et doit, pour ce motif, être annulée.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande de MmeA..., que le Samu social de Paris n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé sa décision du 30 juin 2014 prise à l'encontre de MmeA....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Le présent arrêt confirmant l'annulation de la décision de licenciement litigieuse, fut-ce pour un autre motif, il y a lieu de confirmer l'injonction de réintégration de Mme A...sur un emploi équivalent à son dernier emploi, prononcée à l'article 2 du jugement attaqué.

Sur les conclusions tendant au versement d'une indemnité pour congés non pris, d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité légale de licenciement :

9. Ces conclusions doivent être rejetées par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 16 à 18 du jugement attaqué.

Sur les conclusions indemnitaires résultant de l'illégalité de la décision du 30 juin 2014 :

10. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions . Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

11. En premier lieu, s'agissant du préjudice financier, Mme A... a réclamé, dans ses écritures de première instance, au titre de la perte de revenus à compter de son licenciement, une somme de 5 000 euros. Mme A... ne peut majorer ses prétentions que si son préjudice s'est aggravé ou a été révélé dans toute son ampleur postérieurement à la décision des premiers juges, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Les conclusions incidentes de Mme A...tendant à ce que la condamnation indemnitaire du Samu social de Paris au titre du préjudice financier soit majorée doivent donc être rejetées.

12. En second lieu, s'agissant du préjudice moral, ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 4, le licenciement disciplinaire de Mme A...est justifié au fond. De ce fait, et alors que cette dernière ne justifie pas d'un préjudice moral en lien direct et certain avec l'illégalité externe affectant ce licenciement, le Samu social de Paris est fondé à demander l'infirmation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à sa charge une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi par Mme A.... Pour les mêmes motifs, les conclusions incidentes de Mme A... tendant à la réévaluation de ce préjudice doivent être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui ce qui précède, d'une part, que le Samu social de Paris est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à sa charge une somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral de MmeA..., le surplus de ses conclusions devant être rejeté, d'autre part, que les conclusions incidentes de Mme A...doivent être rejetées.

Sur les conclusions des parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des dispositions susvisées tant par le Samu social de Paris que par Mme A....

DÉCIDE :

Article 1 : La condamnation indemnitaire du Samu social de Paris au profit de Mme A...est ramenée de la somme de 20 000 euros à la somme de 5 000 euros.

Article 2 : L'article 3 du jugement n° 1407605/2-1 et 1413372/2-1 du 12 juillet 2016 du jugement du Tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3: Le surplus des conclusions du Samu social de Paris est rejeté.

Article 4: Les conclusions incidents de Mme A...ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié au Samu social de Paris et à Mme B...A....

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 16PA02606 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02606
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : LABONNELIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-11;16pa02606 ?
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