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29/05/2019 | FRANCE | N°18PA00396

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 29 mai 2019, 18PA00396


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Financière de Rosario a demandé au Tribunal administratif de Paris la restitution des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos en 2009 et 2010 à hauteur des montants respectifs de 230 288 euros et de 4 325 594 euros.

Par un jugement n° 1519706/1-2 du 5 décembre 2017 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 février

2018, le 26 juillet 2018 et le 20 décembre 2018, la société Financière de Rosario, représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Financière de Rosario a demandé au Tribunal administratif de Paris la restitution des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos en 2009 et 2010 à hauteur des montants respectifs de 230 288 euros et de 4 325 594 euros.

Par un jugement n° 1519706/1-2 du 5 décembre 2017 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 3 février 2018, le 26 juillet 2018 et le 20 décembre 2018, la société Financière de Rosario, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1519706/1-2 du 5 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la restitution des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos en 2009 et 2010 à hauteur des montants respectifs de 230 288 euros et de 4 325 594 euros.

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur en ce qu'il a regardé sa demande comme tendant à la décharge des cotisations supplémentaires mises à sa charge au titre des exercices clos en 2009 et 2010 à l'issue de la vérification de comptabilité alors que sa demande portait sur les impositions primitives établies au titre de ces mêmes exercices ;

- elle a inclus à tort dans les résultats taxables au taux normal de l'impôt sur les sociétés des exercices clos les 31 décembre 2009 et 31 décembre 2010 les plus-values de cessions des actions Maurel et Prom, alors qu'il s'agissait de cessions de titres de participations détenus depuis plus de deux ans bénéficiant du régime d'exonération des plus-values à long terme prévu à l'article 219, 1-a du code général des impôts et devant subir une imposition effective au taux normal de l'impôt sur les sociétés limité à 5 % de leur résultat net ; ces actions avaient la nature de titres de participation au sens comptable ; la comptabilisation de ces actions en valeurs mobilières de placement procède d'une erreur comptable qu'il y a lieu de corriger ; l'utilité au sens de ce texte ne se limite pas à la possibilité d'exercer une influence ou un contrôle de la société émettrice et peut exister même si le taux de la détention de son capital social est faible ;

- il résulte de la doctrine 4B-I-08 du 4 avril 2008 reprise au BOFIP BOI-BIC-PVMV-30-10-20120912 que les titres de sociétés présentes dans des secteurs où l'entreprise n'exerçait pas d'activité peuvent constituer des titres de participation si leur acquisition relève d'une stratégie de diversification et que le critère de " détention estimée utile à l'activité de l'entreprise " peut être rempli même sans influence ou contrôle sur la société émettrice ; cette doctrine dans sa rédaction du 3 mai 2017 a redéfini le critère d'utilité.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 avril 2018 et le 18 décembre 2018 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme Financière de Rosario, qui exploite une activité de holding et de gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières, a au cours de l'exercice clos en 2009 cédé 184 530 actions Maurel et Prom, réalisant une plus-value de 1 721 682 euros qu'elle a déclarée dans son résultat imposable au taux normal de 33 1/3 % de l'exercice 2009, au titre duquel elle a acquitté un montant d'impôt sur les sociétés de 230 288 euros. Au cours de l'exercice clos en 2010, elle a cédé 1 499 990 actions Maurel et Prom, réalisant une plus-value de 12 709 791 euros qu'elle a également déclarée et incluse dans son résultat fiscal soumis au taux normal, qui a donné lieu au versement d'un montant d'impôt sur les sociétés de 4 595 094 euros. Elle a ultérieurement fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ces deux exercices, à l'issue de laquelle des redressements en matière d'impôts sur les sociétés lui ont été notifiés par une proposition de rectification en date du 24 juillet 2012 pour les montants en droits de 79 070 euros pour l'exercice clos en 2009 et de 165 791 euros pour celui clos en 2010. Le délai de réclamation à l'encontre des impositions primitives ayant été rouvert par la notification de cette proposition de rectification, la société Financière de Rosario a demandé la restitution à hauteur des montants respectifs de 230 288 euros et de 4 325 594 euros des impositions primitives acquittées au titre des exercices 2009 et 2010 en se prévalant de son droit à rectification d'une erreur comptable commise à son détriment, dans la comptabilisation et la déclaration de ces plus-values de cession. L'administration a rejeté ces réclamations par décision du 29 septembre 2015. La société Financière de Rosario relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de restitution des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos en 2009 et 2010.

Sur la régularité du jugement :

2. La demande dont la société Financière de Rosario a saisi le Tribunal administratif de Paris tendait à la décharge des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés acquittées par cette société au titre des exercices clos en 2009 et 2010 à hauteur des montants respectifs de 230 288 euros et de 4 325 594 euros. Par suite, le Tribunal, qui a regardé la demande de la société Financière de Rosario comme tendant à la décharge des cotisations complémentaires d'impôt sur les sociétés et des majorations et pénalités correspondantes auxquelles elle avait par ailleurs été assujettie au titre des deux mêmes exercices, pour les montants, en droits, de 79 070 euros s'agissant de l'année 2009 et de 165 791 euros s'agissant de l'année 2010, s'est mépris sur les impositions contestées. Le jugement attaqué est en conséquence entaché d'irrégularité et doit être annulé. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la requérante devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. L'article 39 duodecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige dispose que : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme (...) ". L'article 219 a du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, dispose : " I. Pour le calcul de l'impôt, le bénéfice imposable est arrondi à l'euro le plus proche. La fraction d'euro égale à 0,50 est comptée pour 1. Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3 %. Toutefois a. Le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée (...) a ter. Le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s'appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1994 à l'exclusion des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation / (...) / Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable (...) a quinquies. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 8 %. Ce taux est fixé à 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. / Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. / Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable, les actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, à l'exception des titres des sociétés à prépondérance immobilière définis au troisième alinéa du a (...) ". Il résulte de ces dispositions que les titres qui revêtent, sur le plan comptable, le caractère de titres de participation sont nécessairement soumis au régime des plus-values et moins-values à long terme. Ces titres sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle, une telle utilité pouvant notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence. L'utilité de l'acquisition des titres peut aussi être caractérisée, lorsque les conditions d'acquisition des titres révèlent l'intention de la première de favoriser son activité par ce moyen, notamment par les prérogatives juridiques qu'une telle détention lui confère ou les avantages qu'elle lui procure pour l'exercice de cette activité. Il s'ensuit, dès lors, qu'une inscription de ces titres en comptabilité dans un compte de titres de placement ne peut être regardée comme une décision de gestion opposable à l'entreprise. Une telle écriture comptable peut dès lors, si la qualification de titres de participation retenue s'avère erronée, être corrigée tant à l'initiative de l'administration que, sous réserve que cette erreur ne revête pas un caractère délibéré, de l'entreprise.

4. Il résulte de l'instruction qu'en 2002 la société en commandite par actions Maurel et Prom, société cotée exploitant une activité de recherche et exploitation pétrolière, a obtenu de la société Financière de Rosario l'octroi d'un prêt de 15 millions de dollars rémunéré par un taux d'intérêt de 8 %. En contrepartie de l'octroi de ce prêt, outre le paiement des intérêts, la société Maurel et Prom a accordé à la société requérante une place au conseil de surveillance, un droit de préférence sur toute cession des actions détenues en autocontrôle, soit 1,20 % du capital, et la possibilité de souscrire à une émission privée d'obligations convertibles pour un montant de 5 millions de dollars libérable par compensation de créance avec le prêt. Le 29 août 2002, la société requérante a ainsi souscrit à 228 183 obligations convertibles en actions Maurel et Prom, qu'elle a comptabilisées en valeurs mobilières de placement. Ces obligations ont été converties le 30 juin 2003 en actions par l'émission par la société Maurel et Prom de 249 153 actions nouvelles au profit de la société requérante, correspondant à 3,79 % du capital de la société émettrice. Les actions nouvelles Maurel et Prom ainsi obtenues par la société requérante ont été également comptabilisés en valeurs mobilières de placement. La société requérante soutient qu'elle a inclus à tort dans les résultats taxables au taux normal de l'impôt sur les sociétés des exercices clos les 31 décembre 2009 et 31 décembre 2010 les plus-values de cessions des actions Maurel et Prom, alors qu'il s'agissait, selon elle, de cessions de titres de participations détenus depuis plus de deux ans bénéficiant du régime d'exonération des plus-values à long terme prévu par les dispositions précitées du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts et que la comptabilisation de ces actions en valeurs mobilières de placement ne procédait que d'une erreur comptable qu'il y a lieu de rectifier.

5. Pour soutenir que les titres Maurel et Prom ont été acquis en 2002 dans l'intention d'une possession durable utile à son activité, la société Financière de Rosario fait valoir que l'acquisition de ces titres était exclusive de toute recherche de rentabilité financière à court terme dès lors notamment que l'émission privée d'obligations convertibles était assortie de restrictions relatives à leur cession, qu'elle n'a accordé à la société Maurel et Prom l'emprunt sollicité de 15 millions de dollars que pour accéder au capital de cette société Maurel et Prom afin de recentrer ses activités dans le secteur pétrolier et gazier et dans l'intention de mise en place d'un partenariat durable avec cette société, qu'elle était en mesure d'exercer une influence directe sur la société Maurel et Prom dès lors qu'elle avait un poste au conseil de surveillance et qu'elle était le quatrième actionnaire de référence de la société émettrice dont l'actionnariat était très dispersé. Toutefois, d'une part, si la requérante fait valoir que les conditions d'achat des titres en cause révèlent qu'elle avait l'intention d'exercer une influence sur la société émettrice, il est constant qu'elle ne détenait qu'une très faible part du capital social, inférieure à 4 % du capital social de cette société, alors que deux autres actionnaires détenaient plus de 10 % des parts chacun, et elle n'établit pas qu'en dépit de cette faible participation elle était effectivement en mesure d'exercer un contrôle ou d'influencer la société émettrice. Et d'autre part, elle ne justifie pas que l'acquisition et la détention des titres de la société Maurel et Prom aurait été de nature à lui donner effectivement par elle-même des prérogatives ou avantages particuliers pour l'exercice de ses activités. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que les titres en cause avaient la nature de titres de participation au sens des dispositions précitées de l'article 2019 du code général des impôts.

En ce qui concerne la garantie contre les changements de doctrine :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. /Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

7. D'une part, la société requérante ne peut se prévaloir de la garantie prévue par le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors que le refus du service de procéder à la restitution d'une fraction des impositions primitives ne constitue pas un rehaussement d'impositions antérieures.

8. D'autre part, le contribuable qui a acquitté spontanément un impôt sans faire application d'une doctrine étendant le champ légal d'une exonération, n'est pas en droit de se prévaloir de cette doctrine, sur le fondement du deuxième alinéa l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, à l'appui d'une réclamation tendant à la restitution de l'imposition. La société requérante, qui a comptabilisé les titres litigieux et déclaré les plus-values résultant de leur cession comme correspondant à des titres de placement et non à des titres de participation, ne peut en tout état cause utilement invoquer cette garantie sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de cet article dès lors qu'elle n'a pas appliqué l'interprétation de la notion de titres de participation que l'administration avait fait connaître par l'instruction fiscale dont elle se prévaut.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Financière de Rosario n'est pas fondée à demander la restitution des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre des exercices clos en 2009 et 2010. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1519706/1-2 du 5 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Financière de Rosario devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la société Financière de Rosario et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique ouest).

Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dalle, président,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

D. DALLE

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA00396


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