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28/05/2019 | FRANCE | N°17PA01978

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 28 mai 2019, 17PA01978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fédération tahitienne de rugby a demandé au tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler la décision du 23 mai 2016 par laquelle le ministre de l'éducation, de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports de la Polynésie Française a refusé de renouveler sa délégation de service public.

Par un jugement n° 1600383 du 7 mars 2017, le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enr

egistrée le 8 juin 2017, la fédération tahitienne de rugby, représentée par Me B...F..., demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fédération tahitienne de rugby a demandé au tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler la décision du 23 mai 2016 par laquelle le ministre de l'éducation, de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports de la Polynésie Française a refusé de renouveler sa délégation de service public.

Par un jugement n° 1600383 du 7 mars 2017, le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2017, la fédération tahitienne de rugby, représentée par Me B...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600383 du tribunal administratif de la Polynésie Française du 7 mars 2017 ;

2°) d'annuler la décision 3647/ME du 23 mai 2016 par laquelle le ministre de l'éducation, de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports de la Polynésie Française a refusé de renouveler sa délégation de service public ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie Française la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- le tribunal, qui a procédé à une substitution irrégulière de motifs, a entaché son jugement d'irrégularité ;

- il a omis de répondre au moyen tiré du détournement de pouvoir ;

- la délégation du 17 septembre 2014 accordée au ministre chargé des sports pour la mise en oeuvre de la délibération du 14 octobre 1999, qui n'encadrait pas ses pouvoirs, est entachée d'illégalité ;

- elle était la seule fédération de rugby susceptible de bénéficier d'une délégation de service public, la fédération polynésienne de rugby, agréée depuis moins d'un an, ne répondant pas aux conditions légales ;

- elle justifie de son activité, et le critère financier n'est pas au nombre de ceux qui peuvent justifier la décision ;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire enregistré le 21 avril 2018, la Polynésie Française, représentée par

Me A...E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la fédération tahitienne de rugby la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délégation de pouvoir est suffisamment précise ;

- la Polynésie Française n'est pas tenue d'accorder une délégation ;

- une délégation peut être accordée à une fédération nouvellement créée si les critères légaux sont respectés ;

- le fonctionnement de la fédération tahitienne de rugby révèle des irrégularités, elle ne met pas en oeuvre les actions prévues, et sa situation financière n'est pas saine ;

- le détournement de pouvoir n'est pas établi.

Par un mémoire enregistré le 4 octobre 2018, la fédération tahitienne de rugby, devenue Tahiti Rugby Union, représentée par Me D...C..., conclut aux mêmes fins que la requête.

Elle réfute les arguments présentés en défense par la Polynésie Française et soutient que le détournement de pouvoir est établi par les faux et les manoeuvres qui ont précédé le refus de renouveler sa délégation.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 ;

- l'arrêté n° 491 CM du 31 mars 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La délibération n°99-176 APF du 14 octobre 1999 relative à l'organisation et à la promotion des activités sportives en Polynésie Française, qui fixe notamment le régime applicable aux fédérations sportives, prévoit notamment en son article 9 que, dans chaque discipline sportive et pour une période déterminée, une seule fédération reçoit délégation du président du gouvernement pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux ou territoriaux et procéder aux sélections correspondantes. Les conditions d'attribution et de retrait de la délégation aux fédérations sportives en Polynésie française sont fixées par l'arrêté n°491 CM du 31 mars 2000.

2. La fédération tahitienne de rugby, devenue Tahiti Rugby Union à la date du présent arrêt, titulaire de cette délégation pour sa discipline depuis 2003, en a sollicité le renouvellement à l'échéance prescrite. Celui-ci lui a été refusé par décision n°3647/MEE du 23 mai 2016 du ministre de l'éducation et de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports de la Polynésie Française. Tahiti Rugby Union relève appel du jugement n° 1600383 du 7 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

3. Le tribunal administratif de la Polynésie Française, qui y a répondu au point 5 de son jugement, n'a pas omis de statuer sur le moyen tiré du détournement de pouvoir. Les premiers juges, en répondant à la lumière des arguments échangés par les parties en cours d'instance, aux critiques de la requérante sur le bien-fondé de l'appréciation du ministre, n'ont pas procédé à une substitution irrégulière de motifs. Le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. L'arrêté n° 683 PR du 17 septembre 2014 détermine avec précision les attributions du ministre de l'éducation, et de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports. Il prévoit en son point F qu'il est chargé de la mise en oeuvre des dispositions de la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives de la Polynésie française. L'article 9 de cette délibération dispose que le Président du gouvernement délègue à une fédération dans chaque discipline la mission d'organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux ou territoriaux et procéder aux sélections correspondantes. L'arrêté n° 491 CM du 31 mars 2000 détermine les conditions d'attribution et de retrait de ces délégations et notamment les critères mis en oeuvre. Le Président du gouvernement pouvait habiliter le ministre chargé des sports à prendre les mesures individuelles qu'impliquait la mise en oeuvre de la délibération du 14 octobre 1999, et notamment les décisions d'attribuer une délégation, de la retirer ou de ne pas la renouveler. La délégation du 17 septembre 2014, qui ne présente pas de caractère général et qui est suffisamment précise, n'est pas entachée d'illégalité. MmeG..., ministre chargée des sports, avait donc compétence pour prendre la décision contestée.

5. La délibération du 14 octobre 1999, et notamment son article 9, ne fait pas obligation au gouvernement de Polynésie Française de déléguer à une association, qui prend alors le nom de fédération, le soin d'organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux ou territoriaux et procéder aux sélections correspondantes. L'article 9-1 de cette délibération règle au demeurant la situation où aucune fédération n'a reçu la délégation prévue à l'article 9. Dès lors, la fédération tahitienne de rugby, qui ne disposait d'aucun droit à ce que sa délégation soit renouvelée, ne saurait utilement faire valoir qu'elle serait la seule fédération agréée remplissant les conditions permettant d'obtenir cette délégation. Le moyen doit être écarté comme inopérant par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

6. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté n° 491 CM du 31 mars 2000 fixant les conditions d'attribution et de retrait de la délégation aux fédérations sportives en Polynésie française : " La délégation prévue à l'article 9 de la délibération n° 99-176 APF du 14 octobre 1999 ne peut être accordée qu'à des fédérations sportives agréées (...) / Les fédérations agréées doivent, en outre, pouvoir justifier qu'elles mettent en oeuvre, chaque année, des actions tendant au développement du sport pour tous (sports de masse) et du sport de haut niveau, et à la formation de ses membres et cadres techniques. (...) ".

7. La fédération tahitienne de rugby, requérante, et la fédération polynésienne de rugby, ont sollicité l'attribution de la délégation qui, en vertu de l'article 9 de la délibération n° 99-176 APF ne peut être attribuée qu'à une seule fédération. Le ministre chargé des sports a, dans ces conditions, décidé de procéder à une audition le 13 avril 2016 des représentants des deux associations afin de les départager. Il leur a demandé par lettre du 7 mars 2016 de leur transmettre un projet de développement sur quatre ans, l'organisation de la filière de formation de leurs cadres, et la progression pédagogique adaptée aux différents publics.

8. Pour refuser de renouveler la délégation de la fédération tahitienne de rugby, le ministre de l'éducation et de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports, après avoir relevé qu'elle n'avait produit aucun des documents demandés pour préparer la réunion, a estimé que le projet développé oralement n'avait pas permis de vérifier l'exécution des programmes de développement du sport pour tous, d'un accompagnement des clubs qui cherchaient à développer le sport de haut niveau, ni les actions de formation des membres et cadres techniques, et que les perspectives exposées en la matière pour l'avenir demeuraient floues. Si la requérante a produit devant la juridiction administrative un certain nombre de documents qu'il lui aurait été loisible de fournir à l'administration de la Polynésie Française au moment où ils lui étaient demandés, et notamment des partenariats avec des établissements scolaires, des calendriers prévisionnels, des conventions passées avec quelque clubs métropolitains, et des attestations de formation, la plupart anciennes, ces éléments disparates ne permettent pas d'apprécier la réalité et la qualité des actions effectivement entreprises et sont insusceptibles d'offrir une vue d'ensemble sur l'activité passée et sur les perspectives d'action à venir. Si le ministre chargé des sports a relevé, à titre surabondant, que la situation financière préoccupante de la fédération, dont les comptes n'avaient pas été contrôlés, pouvait en outre constituer un frein au développement de ces activités, cet élément de fait n'est pas utilement contredit par la requérante. Sans entrer au nombre des conditions posées par l'arrêté n° 491 CM du 31 mars 2000, la situation financière d'une fédération, qui conditionne le caractère effectif des actions entreprises et sa capacité à assurer la délégation qui lui est attribuée pour quatre ans, était un élément que le ministre a pu prendre en compte. Dans ces conditions, c'est sans entacher son appréciation d'erreur manifeste que le ministre de l'éducation et de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports a refusé de renouveler pour une nouvelle période de quatre ans la délégation confiée à la fédération tahitienne de rugby.

9. Le ministre chargé des sports n'a pas retiré à la fédération tahitienne de rugby la délégation qui lui avait été attribuée mais il a choisi de ne pas la lui renouveler à son échéance, au terme d'une procédure où ont été appréciés deux projets concurrents. Pour ne pas retenir la candidature de la requérante pour une nouvelle délégation de quatre ans, le ministre, ainsi qu'il a été dit au point 8 s'est fondé sur le caractère difficilement vérifiable des actions entreprises et sur le flou des perspectives offertes. Ces motifs n'étaient pas étrangers à l'intérêt public. Le détournement de pouvoir n'est pas établi.

10. Il résulte de ce qui précède que la fédération tahitienne de rugby, devenue Tahiti Rugby Union, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

11. La Polynésie Française n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de Tahiti Rugby Union présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de Tahiti Rugby Union la somme de 1 500 euros à verser à la Polynésie Française au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la fédération tahitienne de rugby, devenue Tahiti Rugby Union, est rejetée.

Article 2 : Tahiti Rugby Union versera à la Polynésie française la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Tahiti Rugby Union et à la Polynésie française. Copie en sera adressée pour information au haut-commissaire de la République en Polynésie Française.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie Française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 17PA01978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01978
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Outre-mer - Droit applicable - Statuts - Polynésie française.

Sports et jeux - Sports - Fédérations sportives.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-28;17pa01978 ?
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