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18/04/2019 | FRANCE | N°18PA00393

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 18 avril 2019, 18PA00393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

- d'annuler les décisions par lesquelles préfet de police a prolongé son délai de transfert vers la Bulgarie de six à dix-huit mois, a refusé de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile, et a refusé d'enregistrer sa demande d'asile ;

- d'annuler la décision du 13 mars 2017 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a suspendu ses conditions matérielles d'accueil ;

- d

'enjoindre au préfet de police de le convoquer aux fins d'enregistrement de sa demande d'asil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris :

- d'annuler les décisions par lesquelles préfet de police a prolongé son délai de transfert vers la Bulgarie de six à dix-huit mois, a refusé de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile, et a refusé d'enregistrer sa demande d'asile ;

- d'annuler la décision du 13 mars 2017 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a suspendu ses conditions matérielles d'accueil ;

- d'enjoindre au préfet de police de le convoquer aux fins d'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer l'attestation prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de trois jours à compter de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

- d'enjoindre au directeur de l'OFII de le rétablir dans ses conditions matérielles d'accueil et de lui verser l'allocation de demandeur d'asile à titre rétroactif à compter du

1er mars 2017, et ce dans un délai de trois jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1709732/2-3 du 30 novembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande en annulant, d'une part, les décisions préfectorales contestées du 13 avril 2017 et, d'autre par, la décision de l'OFII du 13 mars 2017, en prononçant des injonctions à l'encontre du préfet de police d'une part et de l'OFII de l'autre, et en mettant une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1709732/2-3 du 30 novembre 2017 en tant que le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions préfectorales litigieuses du 13 avril 2017 prises à l'encontre de M. B...A..., lui a enjoint de convoquer M. A...à fin d'enregistrement de sa demande d'asile et de délivrer à l'intéressé l'attestation prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A...de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que, nonobstant la non présentation de l'intéressé à la préfecture de police le 23 février 2017, les conditions n'étaient pas remplies pour que fût prolongé le délai de transfert de M. A...aux autorités bulgares pour une durée de six à dix-huit mois, et refusé en conséquence l'enregistrement de sa demande d'asile en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2018, M. B...A..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la requête du préfet de police est irrecevable pour tardiveté ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du

18 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Appèche a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de police relève appel du jugement n° 1709732/2-3 du 30 novembre 2017, en tant que, par les articles 1er, 2 et 5 de ce jugement, le Tribunal administratif de Paris, à la demande de M. A..., ressortissant afghan, a d'une part, annulé les décisions préfectorales prolongeant de six à dix-huit mois le délai de transfert de celui-ci vers la Bulgarie, refusant d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile, d'autre part, enjoint à l'administration préfectorale de convoquer l'intéressé aux fins d'enregistrement de sa demande d'asile et de délivrance de l'attestation sollicitée, et enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué " (...) Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai.(...) ". Il résulte de l'instruction que le jugement attaqué, mis à la disposition du préfet de police le

4 décembre 2017, a fait l'objet d'une première consultation le 5 décembre suivant, date à laquelle il est réputé lui avoir été notifié. En conséquence, la présente requête, enregistrée le

2 février 2018 soit dans le délai d'appel de deux mois mentionné dans la notification de ce jugement, n'était pas tardive, contrairement à ce que soutient M. A....

Sur le motif d'annulation des décisions préfectorales retenu par le tribunal administratif :

3. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. S'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui mettent notamment en oeuvre les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du

26 juin 2013. L'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger, dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat en vertu des dispositions du règlement du 26 juin 2013, peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. L'article 29 du règlement susvisé (UE) 604/2003 dispose que " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., ressortissant afghan né le

1er janvier 1996 à Kaboul (Afghanistan), a déposé le 2 septembre 2016 une demande d'asile auprès de la préfecture de police. Après que la consultation du fichier Eurodac eut montré que les empreintes digitales de l'intéressé avaient déjà été relevées en Bulgarie, le préfet de police a saisi les autorités bulgares d'une demande de reprise en charge, acceptée le 14 septembre 2016. Le

7 novembre 2016, un arrêté de transfert vers la Bulgarie a été notifié à l'intéressé, assorti d'un laissez-passer lui permettant de se rendre dans ce pays. Le 9 décembre 2016, le préfet de police a adressé à l'intéressé une convocation, pour le 5 janvier 2017, l'invitant à se présenter auprès des services de la préfecture afin de prendre connaissance des dispositions relatives à son transfert. A cette même date, M. A...s'est vu remettre une convocation auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le 24 janvier 2017, date à laquelle il a explicitement refusé l'aide au transfert volontaire proposée. Le 30 janvier 2017, il a été adressé à M. A...une nouvelle convocation, pour le 23 février 2017, en vue de l'organisation de son transfert vers la Bulgarie, convocation dans laquelle il lui a été rappelé que le délai de six mois courant à compter de l'accord explicite des autorités Bulgares expirerait le 14 mars suivant et que compte-tenu des échéances, et de son refus d'exécuter les dispositions de l'arrêté de transfert, il serait placé en rétention administrative à l'issue de ce rendez-vous.

5. Il est constant que M. A...a bien reçu cette convocation, qu'il ne s'est pas présenté à la préfecture de police le 23 février 2017 date du rendez-vous fixé pour l'organisation matérielle de son transfert et qu'il ne s'est rapproché des services de la préfecture de police que le 13 avril 2017, date à laquelle il savait le délai de six mois susmentionné expiré, en vue de faire enregistrer en France une demande d'asile.

6. Si M. A...se prévaut de ce qu'il a subi un examen médical le 23 février 2017, il n'est pas sérieusement allégué, et en tout état de cause pas démontré, que l'état de santé de l'intéressé et l'urgence nécessitaient impérativement la réalisation à cette date de cet examen consistant en une radiographie pulmonaire. Dans ces conditions, le préfet de police était fondé à considérer que M.A..., qui avait refusé expressément l'aide au transfert volontaire vers la Bulgarie qui lui avait été proposée, ne s'était pas manifesté auprès de ses services après réception de sa lettre de convocation et n'a pas obtempéré à celle-ci, était en fuite, et cela nonobstant le fait que l'intéressé avait honoré un précédent rendez-vous.

7. Par suite, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet de police était en droit de proroger le délai de transfert de M. A...de six à dix-huit mois, comme il l'a fait le 28 février 2017 et en a informé les autorités bulgares le 1er mars suivant, et de refuser, en conséquence, d'enregistrer, le 13 avril 2017, la demande d'asile de l'intéressé. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est, pour un motif erroné, que le tribunal a annulé ses décisions prolongeant le délai de transfert de M. A...vers la Bulgarie et celles du 13 avril 2017 refusant d'enregistrer la demande d'asile de l'intéressé et de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile.

Sur les autres moyens invoqués par M. A...tant en première instance que devant la Cour :

8. Il ressort des pièces produites par le préfet de police, et notamment de l'accusé de réception automatique émanant de l'application de messagerie Dublinet, que les autorités bulgares ont bien été avisées, le 1er mars 2017, de la prolongation du délai de transfert concernant M. A...dont les références personnelles figurent dans l'objet du message. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance, à cet égard, des dispositions de l'article 9 du règlement (CE)

n° 1560/2003 du 2 septembre 2003, ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

9. De tout ce qui précède il résulte que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses décisions prolongeant le délai de transfert de M. A...ainsi que celles du 13 avril 2017 refusant d'enregistrer la demande d'asile de l'intéressé et de lui délivrer l'attestation de demandeur d'asile, et à obtenir l'annulation des articles 1er, 2 et 5 de ce jugement et le rejet, en tant qu'elle était dirigée contre ces décisions, de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. A..., ainsi que des conclusions présentées tant en première instance qu'en appel par l'intéressé, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 5 du jugement n° 1709732/2-3 du 30 novembre 2017 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif est rejetée en tant qu'elle est dirigée contre la décision du préfet de police prolongeant à dix-huit mois le délai de transfert, ainsi que celles du 13 avril 2017, ensemble ses conclusions présentées devant ce tribunal et devant la Cour sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2019, où siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2019

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00393
Date de la décision : 18/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-18;18pa00393 ?
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