Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 13 avril 2015 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics a prononcé son licenciement à compter du 15 mai 2015, ensemble les décisions rejetant ses recours gracieux et hiérarchique, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 162 532,86 euros en réparation des préjudices que lui ont causés ces décisions.
Par un jugement n° 1513684/5-2 du 13 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2016, un mémoire en réplique, enregistré le 25 juillet 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 20 novembre 2018, Mme D..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 13 avril 2015 et l'ensemble des décisions rejetant ses recours gracieux et hiérarchique ;
3°) de condamner l'Etat au versement des sommes de 57 236 euros au titre des pertes de rémunérations subies du fait du licenciement et de 35 000 euros au titre du préjudice moral subi et des troubles dans ses conditions d'existence ;
4°) d'enjoindre au ministre des finances et des comptes publics de procéder à la reconstitution de ses droits à pension pour la période d'éviction, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son licenciement est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que, n'étant plus en période d'essai, les instances paritaires auraient dû être consultées ; en outre, l'obligation de communication de son dossier n'a pas été satisfaite dans la mesure où son dossier était incomplet ; enfin, elle n'a pas reçu l'information de son droit à être représentée par un défenseur de son choix lors de l'entretien préalable ;
- les motifs invoqués pour son licenciement ont fait l'objet d'une appréciation manifestement erronée et ne justifient pas son licenciement ;
- elle a fait l'objet d'une sanction disciplinaire déguisée ;
- son préjudice s'élève à la somme 57 236 euros au titre des pertes de rémunérations du fait d'une rupture anticipée de son contrat, 15 000 euros au titre du préjudice moral subi résultant de la remise en cause injustifiée de ses capacités professionnelles et 20 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 2014-1318 du 3 novembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour MmeD....
Une note en délibéré, enregistrée le 12 décembre 2018, a été présentée par Me B... pour MmeD....
1. Considérant que Mme D...a été recrutée par contrat conclu le 24 octobre 2014 en qualité de médecin de prévention par les ministres en charge de l'économie et des finances pour une durée de trois ans à temps partiel, à compter du 1er décembre 2014 ; que, par décision du 13 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics a mis fin à son contrat de travail à compter du 14 mai 2015 ; que Mme D...relève appel du jugement du 13 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 avril 2015 prononçant son licenciement, ainsi que des décisions implicites rejetant ses recours gracieux et hiérarchique et à l'indemnisation des préjudices subis ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;
3. Considérant que Mme D...n'a saisi le Tribunal administratif de Paris de sa demande d'annulation de la décision susmentionnée du 13 avril 2015, qui lui a été notifiée le 16 avril 2015 et qui comportait la mention des délais et voies de recours, que le 8 août 2015, soit après l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois fixé par les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, comme le soutenait le ministre de l'économie et des finances en défense devant le tribunal, les conclusions à fin d'annulation de cette décision étaient tardives, par suite irrecevables, et ne pouvaient qu'être rejetées; que par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris les a rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
4. Considérant que Mme D...se prévaut de l'illégalité de la décision mettant fin à son contrat de travail, entachée selon elle tant d'illégalités externes que d'illégalité interne, et soutient que la faute ainsi commise par l'Etat lui a causé plusieurs préjudices dont elle demande réparation ;
En ce qui concerne les fautes commises :
5. Considérant, en premier lieu, que le contrat de travail de Mme D...conclu le 24 octobre prévoyait une période d'essai de six mois, conformément aux dispositions alors en vigueur de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986 ; que la requérante soutient qu'en application des dispositions du même article dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1318 du 3 novembre 2014, lequel prévoit une période d'essai fixée à trois mois pour les contrats de travail dont la durée est supérieure ou égale à deux ans, sa situation était régie par ces nouvelles dispositions et qu'en conséquence sa période d'essai était expirée lorsqu'il a été mis fin à son contrat le 13 avril 2015 ;
6. Considérant que les agents contractuels de l'Etat étant placés vis-à-vis de leur administration dans une situation légale et réglementaire, les modifications apportées aux règles qui régissent leur emploi leur sont, en principe, et sauf dispositions contraires, immédiatement applicables ; que, toutefois, les limitations de la durée de la période d'essai et de son éventuel renouvellement désormais prévues par le décret du 3 novembre 2014 ne peuvent s'appliquer, sauf à revêtir un caractère rétroactif, qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de ce texte, soit le 6 novembre 2014 ; que Mme D...ayant été recrutée à compter du 1° décembre 2014 sa période d'essai devait légalement courir du 1er décembre 2014 au 28 février 2015 ; qu'ainsi sa période d'essai ayant pris fin, l'administration ne pouvait légalement décider le 13 avril 2015, de mettre fin au contrat de l'intéressée, sans respecter la procédure applicable aux licenciements ; qu'il est constant qu'il a été mis fin au contrat de travail de Mme D...sans mettre en oeuvre cette procédure, et notamment sans saisir la commission consultative paritaire compétente conformément aux dispositions de l'article 1-2 du décret du 17 janvier 1986 susvisé ; que ce défaut de consultation a privé la requérante d'une garantie et entache la décision mettant fin à son contrat d'un vice de procédure ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 44 du décret du 17 janvier 1986 : " (...) L'agent non titulaire à l'encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous documents annexes et à se faire assister par les défenseurs de son choix. L'administration doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de licenciement de Mme D...est intervenue au motif qu'elle n'avait pas rempli ses obligations contractuelles et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; que, par suite, la requérante ne peut utilement soutenir que les dispositions précitées de l'article 44 du décret du 17 janvier 1986 auraient été méconnues ; que par ailleurs, si la décision a été prise en considération de la personne, Mme D...a été mise à même, contrairement à ce qu'elle soutient, de procéder à la consultation de son dossier et de présenter utilement ses observations dans la mesure où les motifs de son licenciement lui ont été exposés au cours de l'entretien préalable qui s'est déroulé le 9 avril 2015 ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du courriel du supérieur de Mme D...en date du 5 mars 2015, que l'intéressée avait des difficultés de communication avec sa hiérarchie, ainsi que pour mettre en place ses consultations ; que, selon ses propres écrits, elle a principalement exercé son activité et ses visites dans le secteur d'Aix-en-Provence où elle réside ; qu'elle a délaissé certains secteurs tels que ceux d'Arles, où aucune visite n'a été prévue en cinq mois, et Martigues, où une visite a été prévue le 2 avril 2015 et annulée le jour même ; qu'elle n'a pas donné suite, dans des délais raisonnables, aux demandes de consultations adressées en urgence, notamment celle concernant un agent " victime d'un état dépressif profond " et dont le supérieur avait sollicité une consultation à Martigues " le plus rapidement possible " ; que Mme D...ne peut utilement faire valoir qu'elle était employée à temps partiel, qu'aucune instruction écrite particulière ne lui avait été transmise, que sa résidence administrative était fixée à Aix-en-Provence, ou encore que l'administration ne lui avait fourni que tardivement un ordinateur, dès lors qu'il lui appartenait, conformément aux stipulations de son contrat de travail, d'assurer ses fonctions de médecin de prévention dans l'ensemble du département des Bouches-du-Rhône, ce qui lui imposait de se déplacer et de se rendre disponible, le cas échéant très rapidement en particulier lorsqu'une intervention urgente était requise ; que, par suite, en mettant fin à son contrat de travail le ministre des finances et des comptes publics n'a pas entaché la décision contestée d'erreur d'appréciation ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision critiquée est justifiée au fond mais est intervenue dans des conditions irrégulières ; que cette irrégularité est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ;
En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices :
10. Considérant qu'eu égard à l'importance respective du vice de procédure affectant la décision litigieuse, d'une part, et des manquements professionnels reprochés à Mme D...et de son ancienneté, d'autre part, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme D... au titre des troubles dans ses conditions d'existence en l'évaluant à 1 500 euros, tous intérêts compris au jour de la présente décision ; qu'en revanche, la requérante ne justifie ni d'un préjudice financier ni d'un préjudice moral qui auraient été causés par le vice de procédure retenu ; qu'il y a donc lieu de condamner l'Etat à verser cette dernière somme à Mme D... et de rejeter le surplus de ses conclusions indemnitaires ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme D..., n'implique aucune autre mesure d'exécution que le versement par l'Etat à Mme D... de la somme susmentionnée de 1 500 euros ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre des finances de reconstituer ses droits à pension doivent être rejetées ;
Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme D...la somme de 1 500 euros tous intérêts compris au jour du présent arrêt.
Article 2 : Le jugement n° 1513684/5-2 du 13 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Mme D...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
Le rapporteur,
D. PAGESLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03718