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06/12/2018 | FRANCE | N°17PA02332

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 06 décembre 2018, 17PA02332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française :

1°) de condamner la Polynésie française à lui verser :

- la somme de 720 000 francs des collectivités françaises du Pacifique (F CFP) au titre de l'indemnité de sujétions spéciales ;

- la somme de 720 579 F CFP en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la privation de repos compensateur ;

- une indemnité en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des jours

de récupération dont elle a été privée ;

- une indemnité au titre des astreintes et jours de garde q...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française :

1°) de condamner la Polynésie française à lui verser :

- la somme de 720 000 francs des collectivités françaises du Pacifique (F CFP) au titre de l'indemnité de sujétions spéciales ;

- la somme de 720 579 F CFP en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la privation de repos compensateur ;

- une indemnité en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des jours de récupération dont elle a été privée ;

- une indemnité au titre des astreintes et jours de garde qui lui seraient dus et qui ne lui ont pas été réglés ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600550 en date du 28 avril 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juillet 2017, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600550 en date du 28 avril 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 720 000 F CFP au titre de l'indemnité de sujétions spéciales ;

3°) de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 720 579 F CFP en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la privation de repos compensateur ;

4°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 200 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, le tribunal n'ayant pas examiné son mémoire additionnel du 23 mars 2017 ;

- elle remplissait les conditions pour pouvoir bénéficier de l'indemnité de sujétions spéciales, dès lors qu'elle a été, pendant plusieurs périodes, la seule infirmière anesthésiste en poste dans l'hôpital, et donc la seule personne susceptible d'effectuer les tâches correspondantes ;

- l'arrêté du 29 août 2005 est illégal, dès lors qu'il crée une différenciation dans le traitement opéré entre les agents, alors même qu'ils sont placés dans la même situation ;

- elle aurait dû bénéficier d'une journée de repos hebdomadaire et, à défaut, la Polynésie française doit réparer le préjudice qu'elle a subi du fait de la privation de repos compensateur.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2017, la Polynésie française, représentée par la S.C.P. de Chaisemartin-Courjon, avocats aux conseils, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme A...le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme A...ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l'indemnité de sujétions spéciales ;

- elle ne démontre pas qu'elle aurait été traitée différemment d'autres infirmiers placés dans la même situation qu'elle ;

- la requérante a bénéficié de 186 jours de récupération, conformément à la délibération n° 96-173 du 19 décembre 1996 qui lui était applicable, lesquels ont été cumulés à la fin de son contrat et, au surplus, Mme A...ne démontre pas en quoi le calcul des jours de récupération opéré par l'administration serait inexact.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- la délibération n° 95-215 AT de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française du 14 décembre 1995 modifiée, portant statut général de la fonction publique de la Polynésie française ;

- la délibération n° 96-173 APF de l'Assemblée de la Polynésie française modifiée du 19 décembre 1996, fixant les modalités d'organisation et d'indemnisation des astreintes dans les structures de la direction de la santé ;

- la délibération n° 97-153 APF de l'Assemblée de la Polynésie française du 13 août 1997, portant attribution d'une indemnité de sujétions spéciales à certains personnels de l'administration de la Polynésie française ;

- l'arrêté n° 712 CM du conseil des ministres de la Polynésie française du 29 août 2005, déterminant les emplois pouvant prétendre à une indemnité de sujétions spéciales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Formery, président,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...a été recrutée, le 3 mars 2014, par la direction de la santé de la Polynésie française par un contrat à durée déterminée de trois ans sur un poste d'infirmière anesthésiste. Elle a été affectée à l'hôpital de Taiohae, subdivision santé des Îles Marquises, lequel est directement rattaché à la direction de la santé de la Polynésie française. Elle a sollicité, par un recours administratif préalable réceptionné le 25 août 2016, le paiement de l'indemnité de sujétions spéciales dont elle estimait devoir bénéficier, ainsi que le paiement de la totalité de ses heures d'astreinte et de l'indemnité compensatrice des jours de récupération. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur sa demande. Mme A...fait appel du jugement du 28 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a refusé de faire droit à ses demandes d'indemnités.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte de l'examen du dossier de première instance que Mme A...n'avait pas soulevé devant les premiers juges le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du 29 août 2005 en tant qu'il n'inclut pas, dans la liste des fonctions ouvrant droit au bénéfice de l'indemnité, les infirmiers anesthésistes. Au demeurant, aucun mémoire n'a été produit par la requérante le 23 mars 2017. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française serait entaché d'irrégularité faute pour les premiers juges d'avoir examiné ce moyen qu'elle aurait soulevé dans un mémoire additionnel du 23 mars 2017 et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce concerne les conclusions tendant au versement de l'indemnité de sujétions spéciales :

3. D'une part, aux termes de la délibération n° 97-153 de l'Assemblée de la Polynésie française du 13 août 1997 susvisée, " Article 1er.- Pour tenir compte de situations particulières, une indemnité de sujétions spéciales est attribuée à certains personnels de l'administration qu'ils soient agents non fonctionnaires ou fonctionnaires. Article 2.- Les modalités d'attribution et la liste des emplois et des bénéficiaires pouvant prétendre à l'indemnité de sujétions spéciales sont arrêtées par le conseil des ministres qui fixe, s'il y a lieu, les seuils minimum et maximum, conformément à la grille figurant à l'article 3 ci-dessous. Article 3.- L'attribution de l'indemnité de sujétions spéciales et son montant sont arrêtés soit par le Président du gouvernement sur proposition du ministre chargé de la fonction publique, soit par le directeur de l'établissement public du territoire, conformément à la grille ci-dessous. ". L'article 1er de l'arrêté n° 712 du conseil des ministres de la Polynésie française du 29 août 2005 déterminant les emplois pouvant prétendre à une indemnité de sujétions spéciales dispose : " En raison des contraintes particulières liées à l'isolement, à l'éloignement géographique ainsi qu'aux responsabilités accrues relatives à la prise en charge sanitaire de la population des îles éloignées, les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmiers et auxiliaires de soins, aides médicaux techniques exerçant en qualité d'auxiliaires de santé publique ont droit, lorsqu'ils exercent seuls dans leurs fonctions pendant au moins 30 jours consécutifs, à l'octroi d'une indemnité de sujétions spéciales. Ces dispositions sont applicables aux agents relevant du statut de la fonction publique de Polynésie française (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la délibération n° 97-153 APF du 13 août 1997, " L'attribution de l'indemnité de sujétions spéciales et son montant sont arrêtés soit par le Président du gouvernement sur proposition du ministre chargé de la fonction publique, soit par le directeur de l'établissement public du territoire, conformément à la grille ci-dessous. ", et la grille prévoit une indemnité de 80 000 F CFP pour les emplois relevant du groupe 13. L'article 2 de l'arrêté du 29 août 2005 dispose : " Le montant de l'indemnité mensuelle de sujétions spéciales allouée aux personnels visés à l'article 1er est fixé ainsi qu'il suit (...) infirmiers diplômés d'Etat : groupe 13 (...) ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Le montant de l'indemnité mensuelle visée à l'article 2 et la période durant laquelle elle est susceptible d'être versée sont arrêtés par le Président de la Polynésie française. ".

5. Pour refuser à la requérante le versement de l'indemnité de sujétions spéciales en litige, l'administration s'est fondée sur le motif que Mme A...ne remplissait pas l'une des conditions prévues par le texte, tenant à l'exercice seule de ses fonctions pendant au moins trente jours consécutifs, dès lors que d'autres infirmiers composaient l'équipe médicale de l'hôpital périphérique de Taiohae. Cependant, il résulte de l'instruction que Mme A...a été recrutée en tant qu'infirmière anesthésiste et que, comme elle le fait valoir, elle a été amenée à ce titre à exercer seule un certain nombre de tâches que les infirmiers ne disposant pas de cette spécialité d'anesthésiste ne pouvaient accomplir. Au surplus, c'est au titre de cette spécialité d'infirmière anesthésiste que Mme A...a été continuellement de service ou d'astreinte à plusieurs périodes de son contrat, les autres infirmiers composant l'équipe médicale n'étant pas compétents pour effectuer l'essentiel des tâches qui lui incombaient. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du 29 août 2005, que MmeA..., qui remplissait ainsi les conditions posées par l'arrêté n° 712 CM du 29 août 2005, est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé de faire droit à sa demande tendant au versement de l'indemnité de sujétions spéciales .

6. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen des plannings du service, que la requérante a exercé seule ses fonctions pour les périodes du 24 juin au 31 août 2014 inclus, durant les mois d'octobre 2014, de mars 2015 et avril 2015 et, enfin, de juin à septembre 2015, soit un total de neuf périodes de trente jours consécutifs. Dès lors, MmeA..., en tant qu'infirmière diplômée d'Etat (groupe 13) est fondée à soutenir qu'elle aurait dû bénéficier de neuf fois la somme de 80 000 F CFP, soit 720 000 F CFP, au titre de l'indemnité de sujétions spéciales.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'indemnisation des jours de récupération :

7. Aux termes de l'article 2 de la délibération n° 96-173 APF de l'Assemblée de la Polynésie française, " Compte tenu des missions qui incombent à la direction de la santé, les personnels médicaux et paramédicaux dont le niveau de compétence répond aux besoins constatés peuvent être amenés à assurer des astreintes ou des gardes par tableaux de service en vertu de dispositions particulières, dès lors que la continuité du service et la permanence des soins l'exigent ". Aux termes de l'article 4 de cette même délibération, " Les agents soumis à une astreinte bénéficient cumulativement, lorsqu'ils exercent seuls dans leur fonction, des compensations suivantes (...) 2°) - une récupération prenant la forme d'une diminution des horaires normaux de travail dans la limite de 9 heures par semaine et de 1,5 jour de repos supplémentaire par mois. En cas d'impossibilité liée à un exercice en poste isolé, ces jours de repos peuvent être cumulés dans des conditions fixées par arrêté pris en conseil des ministres. ". Et, aux termes de l'article 5 : " Les agents soumis à une astreinte bénéficient, lorsqu'ils n'exercent pas seuls dans leur fonction, des compensations suivantes (...) 2) b) une récupération par semaine d'astreinte de trois (3) jours ouvrables consécutifs ou de quatre (4) demi-journées en plus du samedi, à prendre la semaine qui suit. En cas d'impossibilité, ces jours de repos peuvent être cumulés dans des conditions fixées par arrêté pris en conseil des ministres ".

8. Il résulte de l'instruction que, pour répondre à l'exigence de continuité des soins, Mme A... était d'astreinte plusieurs semaines d'affilée et, par suite, n'a pu bénéficier d'une journée de repos hebdomadaire, ni d'une diminution de ses horaires normaux de travail. Toutefois, conformément aux dispositions précitées de la délibération du 19 décembre 1996, les jours de récupération auxquels elle pouvait prétendre ont été cumulés et posés à la fin de son contrat, de sorte qu'elle a effectivement quitté son poste le 10 octobre 2015 pour un terme contractuel initial fixé au 2 mars 2016. Elle a ainsi récupéré 68 jours au cours de son contrat et a ensuite bénéficié de 120 jours de récupération à la fin de celui-ci, comme cela ressort du récapitulatif des astreintes et des courriers de la directrice de l'hôpital versés au dossier, et qui n'est pas contesté par la requérante. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé de l'indemniser au titre des jours de récupération dont elle aurait été privée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté les conclusions de sa demande tendant au versement, par la Polynésie française, d'une somme de 720 000 F CFP au titre de l'indemnité de sujétions spéciales qu'elle aurait dû percevoir.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font obstacle à ce que MmeA..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la Polynésie française une somme au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 200 000 F CFP au titre des frais exposés par MmeA....

DÉCIDE :

Article 1er : La Polynésie française versera à Mme A...une somme de 720 000 F CFP au titre de l'indemnité de sujétions spéciales.

Article 2 : Le jugement n° 1600550 du Tribunal administratif de la Polynésie française du 28 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La Polynésie française versera à Mme A...une somme de 200 000 F CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Lescaut, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.

L'assesseur le plus ancien,

V. POUPINEAULe président rapporteur,

S.-L. FORMERYLe greffier,

C. RENÉ-MINE

La République mande et ordonne au ministre chargé de l'outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 17PA02332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02332
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Simon-Louis FORMERY
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, DOURMIC-SEILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-06;17pa02332 ?
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