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20/11/2018 | FRANCE | N°16PA03661

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 novembre 2018, 16PA03661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mitrychem, représentée par son liquidateur judiciaire, la SCP A... -Hazane a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 25 mars 2015, par laquelle l'inspectrice du travail a refusé de lui accorder l'autorisation de procéder au licenciement de Mme C...E...et d'enjoindre à l'administration de lui accorder cette autorisation.

Par un jugement n° 1504189 du 5 octobre 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mitrychem, représentée par son liquidateur judiciaire, la SCP A... -Hazane a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 25 mars 2015, par laquelle l'inspectrice du travail a refusé de lui accorder l'autorisation de procéder au licenciement de Mme C...E...et d'enjoindre à l'administration de lui accorder cette autorisation.

Par un jugement n° 1504189 du 5 octobre 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2016, la SCP A...-Hazane, prise en la personne de MeA..., liquidateur judiciaire de la société Mitrychem, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'inspecteur du travail du 25 mars 2015 refusant d'autoriser le licenciement de Mme E...;

3°) de mettre à la charge de Mme E...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 2 mars 2015 qui prononçait la liquidation judiciaire sans poursuite d'activité autorisée impliquait la fermeture de la société et le licenciement collectif pour motif économique de la totalité du personnel dans le délai impératif de 15 jours à compter de ce jugement ;

- s'agissant du premier motif de la décision, la consultation du comité d'entreprise, au titre de ses attributions générales et en application de l'article L. 2323-15 du code du travail, sur un projet de restructuration et de compression d'effectifs était dépourvue de portée et d'effet utile dès lors que la cessation définitive de l'activité était la conséquence d'un jugement de liquidation judiciaire antérieur à sa désignation ;

- s'agissant du second motif, la prise en charge par l'AGS des soldes de tout compte des salariés protégés, conditionnée par la saisine de l'inspecteur du travail d'une demande de licenciement dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation judiciaire, exigeait une procédure extrêmement rapide ;

- par ailleurs, les dispositions des articles R.2421-8 et R.2421-9 du code du travail ont été respectées.

Par un mémoire enregistré le 10 mars 2017, Mme C...E..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et conclut à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la motivation de la décision de refus de licenciement est suffisante ;

- le comité d'entreprise n'a pas été réuni au titre de ses attributions générales en matière économique, puis au titre de la procédure propre au projet de licenciement économique envisagé, en méconnaissance de l'article L. 1233-58 du code du travail ;

- les lettres de convocation à l'entretien préalable au licenciement ont été envoyées le

4 mars 2015 alors que les procédures d'information et de consultation du comité d'entreprise sur le licenciement n'ont eu lieu que le 11 mars 2015.

Le ministre du travail, à qui la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

1. Considérant que par jugement du 2 mars 2015, le tribunal de commerce de Meaux a prononcé la liquidation, sans poursuite d'activité autorisée, de la société Mitrychem qui exerçait une activité de recherche, de développement et de production de principes actifs pharmaceutiques ; que par décision du 25 mars 2015, l'inspecteur du travail, qui s'est fondé sur une irrégularité entachant les procédures générales de consultation du comité d'entreprise et sur une irrégularité entachant la procédure spéciale de licenciement d'un salarié protégé, a refusé à MeA..., liquidateur judiciaire de la société Mytrichem, l'autorisation de licencier pour motif économique Mme C...E..., membre suppléant de la délégation unique du personnel ; que la SCP A...-Hazane, prise en la personne de MeA..., liquidateur judiciaire de la société Mitrychem, relève appel du jugement du 5 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur le non-lieu :

2. Considérant que si, par une décision du 27 avril 2015, l'inspecteur du travail a accordé, au terme d'une nouvelle procédure, l'autorisation de licencier le salarié protégé qu'il avait initialement refusée par la décision contestée du 25 mars 2015, la seconde décision a fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'elle a été annulée par le tribunal administratif de Melun par un jugement du 5 octobre 2016 ; que la Cour statue par arrêt de ce jour sur l'appel soulevé par la société Mitrychem contre ce jugement ; que la décision du 27 avril 2015 n'ayant pas acquis un caractère définitif, la demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2015 n'est pas, dès lors, dépourvue d'objet contrairement à ce qu'a soutenu l'administration en première instance ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié ; qu'à ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire ;

S'agissant de l'irrégularité entachant les procédures générales de consultation du comité d'entreprise :

4. Considérant que d'une part, aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en oeuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles

L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel dans les conditions prévues à l'article L. 2323-15 (...) " ; que s'agissant de la consultation générale du comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel au titre de ses attributions générales, l'article L. 2323-15 code du travail, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que : " Le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs. / Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi. " ;

5. Considérant que d'autre part, s'agissant de la consultation des institutions représentatives du personnel relative aux licenciements envisagés, l'article L. 1233-28 du même code dispose que : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte, selon le cas, le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, dans les conditions prévues par le présent paragraphe. " et son article L. 1233-29 que : " Dans les entreprises ou établissements employant habituellement moins de cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte les délégués du personnel. / Ces derniers tiennent deux réunions, séparées par un délai qui ne peut être supérieur à quatorze jours. " ;

6. Considérant que la consultation du comité d'entreprise sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, prévue par les dispositions citées au point 4, et la consultation du même comité, sur un projet de licenciement collectif pour motif économique, prévue par les dispositions citées au point 5, constituent deux procédures distinctes qui, si elles peuvent être conduites de manière concomitante, doivent être respectées l'une et l'autre ;

7. Considérant que l'ordre du jour de la réunion unique du comité d'entreprise fixée le 11 mars 2015 à 11 heures prévoyait en premier lieu une information du comité d'entreprise sur le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 2 mars 2015 qui avait prononcé la conversion en liquidation judiciaire sans poursuite d'activité autorisée de la société Mitrychem, en second lieu une information du comité d'entreprise sur les incidences de ce jugement sur le volume et les activités de la société, c'est-à-dire la fermeture totale et la suppression de la totalité des trente-sept postes de travail, et en troisième lieu une information et une consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement pour motif économique des trente-cinq salariés titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée et le projet de rupture anticipée du contrat d'apprentissage des deux autres salariés ; qu'il ressort du procès-verbal de cette réunion que le comité d'entreprise a émis un seul avis, en l'espèce défavorable, qui portait uniquement sur le projet de licenciement de l'intégralité des effectifs au titre du troisième point de l'ordre du jour ; qu'il ne ressort pas en revanche de ce procès-verbal qu'il aurait été consulté et qu'il aurait exprimé un avis au titre de ses attributions générales, le deuxième point de l'ordre du jour n'ayant donné lieu qu'à une simple information ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le comité d'entreprise n'ayant pas été consulté et n'ayant pas pu formuler d'avis au titre de ses attributions générales en méconnaissance des dispositions du code du travail citées au point 4, la procédure suivie était entachée d'irrégularité ; que la liquidation judiciaire prononcée par le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 2 mars 2015 n'a pu avoir légalement pour effet de faire échec à l'application de ces dispositions du code du travail ; que du seul fait que cette phase de la procédure préalable à sa saisine du cas de MmeE..., qui devait lui être soumis en sa qualité de salarié protégé, a été, de la sorte, entachée d'irrégularité, c'est à bon droit que l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne a refusé à MeA..., liquidateur judiciaire de la société Mitrychem, l'autorisation qu'il avait sollicitée de licencier ce salarié pour motif économique ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que s'il n'avait retenu que ce motif, l'inspecteur du travail aurait pris la même décision à l'égard de la demande du liquidateur judiciaire ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé du motif tiré de l'irrégularité de la procédure spéciale de licenciement d'un représentant du personnel, la SCP A...-Hazane, liquidateur judiciaire de la société Mitrychem n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E...la somme que réclame la SCP A...-Hazane, liquidateur judiciaire de la société Mitrychem, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante la somme de 300 euros à verser à Mme E...sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCP A...-Hazane, liquidateur judiciaire de la société Mitrychem, est rejetée.

Article 2 : La SCP A...-Hazane versera à Mme E...la somme de 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP A...-Hazane, liquidateur de la société Mitrychem, à Mme C...E...et au ministre du travail.

Copie en sera adressée pour information à l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de Seine-et-Marne (direction régionale des entreprises, de la concurrence de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France).

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 16PA03661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03661
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SCA AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-20;16pa03661 ?
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