Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...E...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 9 juin 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1605768 du 13 juin 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 13 juin 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 juin 2016 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du préfet du Val-de-Marne est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est illégal en conséquence de l'illégalité de la décision du 21 janvier 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a refusé de lui délivrer une autorisation de travail, cette décision ayant été prise en méconnaissance de l'article R. 5221-20 du code du travail et étant entachée d'erreur de fait ;
- il méconnaît la circulaire NOR IMIK090092C du 24 novembre 2009 relative à la délivrance de cartes de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, ainsi que celle NOR INVT1224696C du 31 mai 2012 relative à l'accès au marché du travail des diplômés étrangers ;
- il méconnaît l'article R. 5221-20 du code du travail ;
- il est entaché d'une erreur de fait ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; c'est à tort que le préfet du Val-de-Marne a refusé de faire usage de son pouvoir de régularisation.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
- l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération Suisse ;
- la circulaire NOR IMIK090092C du 24 novembre 2009 ;
- la circulaire NOR INVT1224696C du 31 mai 2012 ;
- la circulaire NOR INTK1229185C du 28 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet, rapporteur,
- et les observations de Me C...pour MmeB....
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1. Considérant que MmeB..., ressortissante ivoirienne née le 1er octobre 1992 à Tanda (Côte-d'Ivoire), est entrée régulièrement en France le 22 janvier 2011 munie d'un visa étudiant, valable du 19 janvier 2011 au 19 janvier 2012 ; que ce visa a été renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 31 octobre 2015 ; qu'elle a sollicité le 29 octobre 2015 son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 9 juin 2016, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme B...fait appel du jugement du 13 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté son recours en annulation dirigé contre cet arrêté ;
Sur l'exception tirée de l'illégalité de la décision portant refus d'autorisation de travail :
2. Considérant que Mme B...doit être regardée comme excipant, à l'encontre de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 9 juin 2016, de l'illégalité de la décision du 21 janvier 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a refusé de lui délivrer une autorisation de travail pour un emploi d'aide-comptable auprès de la société " Impressions événementielles Paris-Nice colors " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 5221-1 du code du travail : " Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail (...) : 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-20 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, dans la même branche professionnelle ; / 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision prise le 21 janvier 2016 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, que le rapport entre le nombre de demandes d'emploi et le nombre d'offres s'établissait, pour le métier d'aide-comptable, à 17 534 demandes pour 11 338 offres en Ile-de-France au 30 septembre 2015 ; que, si Mme B...produit les résultats d'une enquête sur les besoins de main-d'oeuvre en Ile-de-France en 2015, accessible sur le site Internet de Pôle emploi et qui fait apparaître que plusieurs catégories de métiers connaîtraient des difficultés pour recruter des employés en comptabilité, d'une part, les données contenues dans cette enquête ne concernent pas précisément le métier d'aide-comptable, d'autre part, il n'est pas contesté que cette enquête résulte seulement d'intentions d'embauche recueillies des employeurs dans le cadre d'un sondage ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'emploi sollicité indique qu'il est accessible à partir d'un diplôme d'un niveau inférieur à celui détenu par l'intéressée ne permet pas, à elle seule, d'établir le défaut d'adéquation entre les critères énumérés au 2° de l'article R. 5221-20 du code du travail et l'emploi sollicité ; qu'ainsi, c'est à tort que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a considéré qu'il n'y avait pas adéquation entre le diplôme de niveau Master II dans le domaine " Audit, Comptabilité et Contrôle de Gestion " détenu par Mme B... et le poste proposé qui requiert une qualification de niveau Bac +2 ;
6. Considérant toutefois que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi s'est également fondé pour rejeter la demande de Mme B...sur d'autres motifs tirés du nombre supérieur de demandeurs d'emploi par rapport aux offres disponibles, et de l'absence de recherches préalables sincères de candidats par la société qui souhaitait l'embaucher ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont procédé à la neutralisation de motif critiquée ; que cette neutralisation est sans incidence sur la régularité de leur jugement ;
7. Considérant, en troisième lieu, que, si la décision du 21 janvier 2016 est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle retient que la rémunération proposée par son employeur à MmeB..., qui est de 2 200 euros bruts par mois et non de 1 100 euros, serait inférieure au salaire minimum interprofessionnel de croissance, il ressort des termes de cette décision que son auteur aurait valablement pu se fonder sur les autres motifs retenus ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont procédé à la neutralisation de motif critiquée ; que cette neutralisation est sans incidence sur la régularité de leur jugement ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'annonce de la société " Impressions événementielles Paris-Nice colors " publiée par Pôle Emploi le 2 octobre 2015 que cette société recherchait un " comptable d'entreprise " à plein temps, alors que la demande d'autorisation de travail avait pour objet de recruter Mme B...à temps partiel en qualité d'aide-comptable ; que la circonstance que la société aurait reçu à la suite de la publication de cette offre plusieurs curriculums vitae ne convenant pas au poste vacant, ne suffit pas à établir le caractère sincère de la recherche de candidat effectuée par la société ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'exception tirée de l'illégalité de la décision de refus d'autorisation de travail doit être écartée ;
Sur les autres moyens de la requête :
10. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 9 juin 2016 vise les articles pertinents du code de l'entrée et du séjour des étrangers et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'arrêté est ainsi suffisamment motivé en droit ; qu'en outre, il mentionne notamment que, par une décision du 21 janvier 2016, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a rejeté la demande d'autorisation de travail formulée par l'entreprise " Impressions événementielles Paris - Nice Colors " en faveur de MmeB..., que le nombre de demandeurs d'emplois pour un poste d'aide-comptable est supérieur aux offres disponibles dans la région Ile-de-France, que le diplôme de Mme B...n'est pas en adéquation avec l'emploi qui lui est proposé, que les recherches effectuées par son employeur ne sont pas sincères et que la rémunération mensuelle proposée ne répond pas aux conditions de l'article R. 5221-20 du code du travail ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé au regard des dispositions susmentionnées du code des relations entre le public et l'administration ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2 (...) " ;
12. Considérant que, pour les motifs énoncés aux points 4 à 8 du présent arrêt, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du préfet du Val-de-Marne aurait été pris en méconnaissance de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 5221-20 du code du travail, et qu'il serait entaché d'une erreur de fait en ce qui concerne sa rémunération ;
13. Considérant, en troisième lieu, que MmeB..., ne peut utilement se prévaloir des dispositions des circulaires du 24 novembre 2009 et du 31 mai 2012 qui ne présentent aucun caractère réglementaire ;
14. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...est célibataire et sans charge de famille en France ; que si sa belle-mère adoptive, son demi-frère et sa demi-soeur résident en France, elle ne justifie pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel elle s'est rendue à plusieurs reprises depuis 2011, et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans ; que, dès lors, le préfet du Val-de-Marne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
16. Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que le préfet du Val-de-Marne a cité, dans la motivation de la décision litigeuse, les termes de la décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France ne saurait établir qu'il se serait estimé lié par cette décision, et qu'il aurait refusé de faire usage de son pouvoir de régularisation ;
17. Considérant, en dernier lieu, que les diverses circonstances exposées ci-dessus ne permettent pas de retenir que le préfet du Val-de-Marne aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
M. Niollet, président-assesseur,
Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 juin 2018.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLET
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA02643 2