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12/06/2018 | FRANCE | N°17PA01622

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 12 juin 2018, 17PA01622


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...F...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 avril 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1613093/6-3 du 29 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2017, MmeF..., représentée

par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2016 du Tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...F...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 avril 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1613093/6-3 du 29 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2017, MmeF..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 avril 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- elle a été adoptée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les articles L. 313-11 6° et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle a été adoptée par une autorité incompétente ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 511-4 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et du décret du 28 novembre 1983 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme F...ne sont pas fondés.

Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 31 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeF..., ressortissante congolaise, née le 14 août 1988 à Kinshasa (République Démocratique du Congo), qui soutient être entrée en France le 29 septembre 2013, a présenté une demande d'asile rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 juin 2015 ; que cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 14 mars 2016 ; qu'à la suite de cette décision, le préfet de police, par arrêté en date du 26 avril 2016, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que par un jugement du 29 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le recours en annulation introduit par Mme F...contre cet arrêté ; qu'elle interjette appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que Mme D...C..., attachée d'administration de l'Etat à la préfecture de police de Paris et signataire des décisions contestées, a reçu du préfet de police de Paris, par un arrêté n° 2016-00100 du 17 février 2016 régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 26 février 2016, délégation aux fins de signer notamment les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée ;

4. Considérant en troisième lieu, que la décision de refus de titre de séjour contestée a été adoptée suite à la décision de l'office français de protection des réfugiés et des apatrides rejetant sa demande d'asile, confirmée par une décision de la Cour nationale de droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de police était tenu de lui refuser la délivrance de la carte de résident prévue par l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faveur des étrangers reconnus réfugiés politiques ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ; que, dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée ; qu'en revanche, lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir ;

6. Considérant que Mme F...a sollicité son admission au séjour uniquement sur le fondement de l'article L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le préfet de police n'était pas tenu d'examiner sa demande de titre de séjour au regard des autres dispositions de ce code ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 313-11 6° et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants ;

7. Considérant, en revanche, qu'il ressort des motifs de la décision attaquée que le préfet de police a examiné si Mme F...pouvait se voir délivrer un titre de séjour en application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu, par suite, d'examiner le moyens tiré de la violation de ces stipulations ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme F... est entrée, selon ses déclarations, sur le territoire français en septembre 2013 ; qu'elle a donné naissance à un enfant né en France le 15 septembre 2015 et dont il apparaît compte tenu des pièces fournies devant la cour qu'il est de nationalité française ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme F...entretiendrait des liens conjugaux et familiaux stables et durables avec le père de l'enfant français, Mme F...et son enfant étant hébergés par le Samu Social ; qu'elle ne démontre pas avoir noué en France des liens d'une particulière intensité et y avoir désormais le centre de ses intérêts ; qu'enfin, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment deux de ses enfants, et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans ; qu'en conséquence, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise ; qu'il n'en ressort pas davantage qu'en prenant la décision attaquée le préfet de police n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant ; que, par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour le préfet de police n'a pas méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative au droit de l'enfant ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant la décision attaquée le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'au regard de la nature de la décision contestée, qui n'a pas pour objet d'éloigner Mme F...du territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme F...est mère d'un enfant né le 15 septembre 2015, reconnu par anticipation le 21 juillet 2015 par son père, M. E..., ressortissant français ; qu'eu égard au caractère recognitif de la reconnaissance de paternité, Mme F...devait être regardée, à la date de la décision litigieuse, comme parent d'un enfant français ; que la circonstance que le préfet de police émette des réserves sur l'existence de liens entre la requérante et M. E...et sur les conditions de reconnaissance de paternité de cet enfant ne permet pas d'établir que cette reconnaissance présenterait un caractère frauduleux ; qu'il ressort également des pièces du dossier que cet enfant vit avec sa mère, laquelle doit être regardée comme contribuant effectivement à son entretien et à son éducation depuis sa naissance au sens de l'article L. 511-4 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces dispositions font ainsi obstacle à son éloignement ; que Mme F...est fondée à soutenir que l'autorité préfectorale a méconnu les dispositions précitées au point précédent ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 9 que, compte tenu de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire, il y a lieu d'annuler par voie de conséquence la mesure fixant le pays de destination ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre les décisions du 26 avril 2016 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ; que le surplus de ses conclusions à fin d'annulation doit être rejeté ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Considérant que le présent arrêt , qui annule les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination mais qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de séjour, n'implique pas nécessairement que le préfet de police délivre un titre de séjour à l'intéressée ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions susvisées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat au profit de Me B...une somme de 1 000 euros, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B...renonce à la part contributive de l'Etat ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions du 26 avril 2016 par lesquelles le préfet de police a obligé Mme F... à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé son pays de destination sont annulées.

Article 2 : Le jugement n° 1613093/6-3 du Tribunal administratif de Paris du 29 décembre 2016 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me B...une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B...renonce à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juin 2018.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

N° 17PA01622 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01622
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : PINTO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-12;17pa01622 ?
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