La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2018 | FRANCE | N°16PA03952

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 12 juin 2018, 16PA03952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 juillet 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours administratif préalable obligatoire tendant à l'annulation de la décision du 29 novembre 2013 portant non agrément de sa demande d'habilitation " secret - défense ", et d'enjoindre au ministre de la défense de procéder à la déclassification et à la communication des motifs ayant conduit au non agrément de sa demande d'habilitation " secret - déf

ense ".

Par un jugement n° 1420638/5-1 du 8 octobre 2015, le Tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 juillet 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours administratif préalable obligatoire tendant à l'annulation de la décision du 29 novembre 2013 portant non agrément de sa demande d'habilitation " secret - défense ", et d'enjoindre au ministre de la défense de procéder à la déclassification et à la communication des motifs ayant conduit au non agrément de sa demande d'habilitation " secret - défense ".

Par un jugement n° 1420638/5-1 du 8 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris, avant dire droit sur la demande de M.B..., a ordonné la production par le ministre de la défense, après avoir pris l'avis de la commission consultative du secret de la défense nationale dans les conditions prévues par le code de la défense et après avoir le cas échéant déclassifié les informations en cause, des précisions sur les motifs ayant justifié le refus d'habilitation " secret - défense " opposé à M. B..., et, dans le cas où le ministre estimerait que certaines de ces informations ne pourraient être communiquées au tribunal, de tous les éléments sur la nature des informations non communiquées et les raisons pour lesquelles elles sont classifiées, de façon à permettre au tribunal de se prononcer en connaissance de cause, sans porter directement ou indirectement atteinte au secret de la défense nationale.

Par un mémoire, enregistré le 26 mai 2016, le ministre de la défense a communiqué au Tribunal administratif de Paris l'avis de la commission consultative du secret de la défense nationale, défavorable à la déclassification du document permettant de connaitre les motifs de la décision de refus d'habilitation " secret - défense " de M.B..., et la décision du 4 mai 2016, par laquelle il a refusé de déclassifier le document en cause.

Par un jugement n° 1420638/5-1 du 15 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2016, M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 15 décembre 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du ministre de la défense du 29 novembre 2013 et du 17 juillet 2014 mentionnées ci-dessus.

Il soutient que :

- le jugement du Tribunal administratif de Paris est irrégulier dans la mesure où il méconnait les stipulations de l'article 6, paragraphe 1 et de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le droit au juge garanti par la Constitution et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ;

- la décision du 17 juillet 2014 est entachée d'un défaut de motivation et a été adoptée en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- cette décision est fondée sur un motif discriminatoire en violation des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de la Constitution ; il y a lieu pour la Cour de diligenter une mesure d'instruction supplémentaire sur ce point ;

- la décision attaquée est entachée d'erreurs de fait et de droit ;

- les dispositions nationales relatives au " secret-défense " ne sont pas compatibles avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaissent la Constitution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2017, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré d'une violation de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel est irrecevable en l'absence de mémoire distinct soulevant une question prioritaire de constitutionnalité ;

- les autres moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 25 août 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la défense ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

1. Considérant que M.B..., enseigne de vaisseau de 1ère classe de réserve, a adressé une demande d'habilitation " secret - défense " au ministre de la défense ; qu'à la suite d'une enquête préalable, le ministre de la défense a, par décision du 29 novembre 2013, refusé de lui accorder l'habilitation demandée ; que, le 20 janvier 2014, M. B...a formé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires à l'encontre de cette décision ; que, par une décision du 17 juillet 2014, le ministre de la défense a, après avis de la commission des recours des militaires, rejeté son recours ; que M. B... a alors demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler ces décisions ; que, par un jugement avant dire droit du 8 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a demandé, dans les conditions prévues par la loi, la production par le ministre de la défense de précisions sur les motifs ayant justifié le refus d'habilitation " secret - défense " opposé à M. B..., et, dans le cas où le ministre estimerait que certaines de ces informations ne pourraient être communiquées, de tous les éléments sur la nature des informations écartées et les raisons pour lesquelles elles sont classifiées ; que le ministre de la défense a communiqué au tribunal l'avis de la commission consultative du secret de la défense nationale, défavorable à la déclassification du document permettant de connaitre les motifs de la décision de refus d'habilitation " secret - défense " de M. B...et la décision du 4 mai 2016, par laquelle il a refusé de déclassifier le document en cause ; qu'il a également indiqué au tribunal la nature des informations écartées et les raisons pour lesquelles elles sont classifiées ; que par un jugement du 15 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B... ; que M. B... fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'en se prononçant sur un recours dirigé contre un refus d'habilitation " secret - défense ", le tribunal administratif ne se prononce ni sur une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil, ni sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale ; que le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est donc inopérant ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...qui n'invoque aucun droit consacré par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auquel la décision lui refusant l'habilitation " secret - défense " aurait porté atteinte, ne peut utilement, alors même qu'il n'a pas eu connaissance des motifs de ce refus, invoquer les stipulations de l'article 13 de la même convention relatives au droit à un recours effectif, pour contester la régularité du jugement attaqué ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2312-4 du code de la défense : " Une juridiction française dans le cadre d'une procédure engagée devant elle peut demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification. Cette demande est motivée. L'autorité administrative saisit sans délai la Commission consultative du secret de la défense nationale " ; qu'aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : question prioritaire de constitutionnalité " ; que M. B..., qui n'a pas saisi le tribunal administratif, par mémoire distinct, d'une question prioritaire relative à la constitutionnalité des dispositions de l'article L. 2312-4 du code de la défense, n'est pas fondé à contester la régularité de son jugement en soutenant que ces dispositions, dont il a fait application, ne seraient pas conformes à la Constitution ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant, en premier lieu, que M. B..., qui n'a pas saisi la Cour, par mémoire distinct, d'une question prioritaire relative à la constitutionnalité des dispositions de l'article L. 2312-4 du code de la défense, ne saurait utilement soutenir que ces dispositions porteraient atteinte à la séparation des pouvoirs et ne seraient pas conformes à la Constitution ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre le public et l'administration, en vigueur à la date des décisions attaquées : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, alors en vigueur : " I.- Ne sont pas communicables : (...) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : (...) b) Au secret de la défense nationale (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les décisions qui refusent l'habilitation " secret - défense " sont au nombre de celles dont la communication des motifs est de nature à porter atteinte au secret de la défense nationale ; que, par suite, la décision du 17 juillet 2014 par laquelle le ministre de la défense a refusé d'agréer la demande de M. B...tendant à la délivrance de l'habilitation " secret - défense " n'avait pas à être motivée ; que le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit donc être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si M. B...soutient que le principe du contradictoire aurait été méconnu dès lors qu'il n'a pu avoir accès aux documents sur lesquels se fonde la décision attaquée, aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'imposait que l'administration l'invite à prendre connaissance de son dossier avant de prendre sa décision ; qu'au surplus, il ressort de la décision du ministre de la défense du 17 juillet 2014, que M. B...a été mis à même d'être entendu suite aux observations du chef d'état-major de la marine, et a ainsi pu présenter des éléments relatifs à sa situation personnelle et administrative ; que, par suite, le moyen tiré d'une violation du principe du contradictoire doit être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que M. B...ne produit aucun élément de nature à faire présumer qu'ainsi qu'il le soutient, le refus d'habilitation " secret - défense " serait justifié par des motifs discriminatoires tenant à la nationalité russe de sa compagne et de sa fille, alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des mémoires en défense du ministre devant le tribunal administratif et devant la Cour, que ce refus est justifié par son éventuelle " vulnérabilité " eu égard aux " relations " qu'il entretient ; qu'il n'y a donc pas lieu pour la Cour de diligenter des mesures d'instruction supplémentaires sur ce point ; qu'il ne saurait en tout état de cause invoquer utilement les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans faire état de la violation d'aucun autre droit, non plus que d'aucune liberté, protégé par cette convention ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que si M. B...soutient que la décision attaquée serait entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit, et que les dispositions nationales relatives au " secret-défense " ne seraient pas compatibles avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément permettant à la Cour d'apprécier le bien-fondé de ces moyens ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2018.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLET

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03952


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award