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12/06/2018 | FRANCE | N°16PA03909

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 12 juin 2018, 16PA03909


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Industry Auctions et Trade a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'Etablissement public du Parc et de la Grande Halle de La Villette (EPPGHV) a refusé de renoncer au bénéfice des astreintes prononcées et liquidées par des ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Paris en date des 9 février 2006, 7 juillet 2006 et 24 septembre 2007 ;

2°) d'annuler les astreintes prononcées et liquidées par les ord

onnances du juge des référés du Tribunal administratif de Paris des 9 février 2006, 7 juill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Industry Auctions et Trade a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'Etablissement public du Parc et de la Grande Halle de La Villette (EPPGHV) a refusé de renoncer au bénéfice des astreintes prononcées et liquidées par des ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Paris en date des 9 février 2006, 7 juillet 2006 et 24 septembre 2007 ;

2°) d'annuler les astreintes prononcées et liquidées par les ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Paris des 9 février 2006, 7 juillet 2006 et 24 septembre 2007 ;

3°) d'ordonner à l'EPPGHV de mettre fin aux mesures d'exécution forcée et aux poursuites engagées en vue du recouvrement de ces créances.

Par un jugement n° 1514990/4-3 du 27 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Industry Auctions et Trade.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2016, la société Industry Auctions et Trade, représentée par la SCP Piwnica etC..., avocats aux Conseils, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 octobre 2016 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la résolution de la vente du 20 juin 2004 a eu pour effet de replacer les parties dans la situation initiale existant avant cette vente, de sorte que la société Industry Auctions et Trade qui n'a jamais été propriétaire de la maison en bois, ne saurait supporter les frais de démolition et le montant de l'astreinte mise à sa charge ; il est insuffisamment motivé sur ce point ;

- il est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a jugé à tort que la société avait la garde effective de l'ouvrage irrégulièrement maintenu sur le domaine public sans rechercher à quel titre elle aurait disposé de la garde de cet ouvrage ; il n'a pas tenu compte de ce que la demande d'expulsion présentée par l'EPPGHV était dirigée contre la seule société Renov ;

- l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 22 février 2013 qui a mis les frais de démolition à la charge du vendeur, la société Renov, restée propriétaire de l'ouvrage, s'oppose à ce que ces frais ainsi que le paiement des astreintes puissent être mis à la charge de l'acquéreur, la société Industry Auctions et Trade, au motif qu'elle aurait eu la garde effective de l'ouvrage ;

- le jugement a, dans ces conditions, été rendu en méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il fait peser sur elle des charges exorbitantes et excessives en méconnaissance de la chose jugée par le juge judiciaire, ce qui rompt le " juste équilibre " entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2017, l'Etablissement public du Parc et de la Grande Halle de La Villette (EPPGHV), représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge du gérant de la société Industry Auctions et Trade le versement d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable puisqu'elle fait suite à une demande préalable de la société présentée par un courrier du 1er avril 2015, au-delà de tout délai raisonnable après les différents commandements de payer et autres mesures d'exécution en discussion ;

- elle est également irrecevable dans la mesure où le contentieux n'est lié que sur le renoncement de l'EPPGHV au bénéfice des astreintes, alors que cet établissement ne peut légalement renoncer à l'exécution d'une décision de justice ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 avril 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel,

- le code civil,

- le code général de la propriété des personnes publiques,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me C...pour la société Industry Auctions et Trade,

- et les observations de Me A...pour l'EPPGHV.

1. Considérant que par convention de mise à disposition temporaire du 23 juin 2003, la société 123 Travaux a occupé un emplacement situé sur le parvis de la Folie Croisement dans le parc de la Grande Halle de La Villette où elle a édifié deux maisons démontables, dont une à ossature de bois, dans le cadre de la manifestation intitulée " Vivre, c'est habiter - 2003 " ; que la maison démontable à ossature de bois a été vendue aux enchères, le 20 juin 2004, par la société 123 Travaux à la société Industry Auctions et Trade ; que la mise à disposition de l'emplacement, qui devait prendre fin le 30 octobre 2004, a été prolongée en dernier lieu jusqu'au 28 février 2005 ; qu'en l'absence d'évacuation de cet emplacement, l'Etablissement public du Parc et de la Grande Halle de La Villette (EPPGHV) a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Paris dans le cadre des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative ; que, par une ordonnance du 9 février 2006, le juge des référés a, d'une part, enjoint à la société Industry Auctions et Trade de libérer l'emplacement occupé par la maison en cause dans un délai de quinze jours sous astreinte de 500 euros par jour de retard et, d'autre part, autorisé l'établissement public, à l'expiration de ce délai, à reprendre possession de cet emplacement, au besoin avec le concours de la force publique, et à faire procéder au démontage de la maison et à l'évacuation des produits de démolition aux frais et risques de la société ; que, par une ordonnance du 7 juillet 2006, après avoir constaté l'inexécution de la mesure d'expulsion du domaine public, le juge des référés du même tribunal a liquidé l'astreinte due par la société Industry Auctions et Trade, à la somme de 53 500 euros pour la période du 22 mars au 7 juillet 2006 et l'a condamnée à verser cette somme à l'EPPGHV ; que l'établissement a finalement dû faire procéder, aux frais de la société, à la démolition de la maison, le 2 juin 2007, pour un coût de 37 890 euros HT ; que, par une ordonnance du 24 septembre 2007, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a condamné M. D...B..., en sa qualité de gérant personnellement responsable de la société Industry Auctions et Trade, à verser à l'EPPGHV la somme de 37 890 euros au titre des frais de démolition ainsi que la somme de 163 500 euros au titre de l'astreinte totale correspondant aux 327 jours d'occupation illégale du domaine public ;

2. Considérant que, par un arrêt du 22 février 2013, la Cour d'appel de Paris a prononcé la résolution de la vente intervenue le 20 juin 2004 entre la société 123 Travaux et la société Industry Auctions et Trade portant sur la maison à ossature de bois démolie le 2 juin 2007 ; que la société Industry Auctions et Trade a sollicité auprès du juge des référés du Tribunal administratif de Paris la rétractation des ordonnances du 9 février 2006, du 7 juillet 2006 et du 24 septembre 2007 dans le cadre des dispositions de l'article L. 521-4 du code de justice administrative ; que sa demande a été rejetée par une ordonnance du 5 juin 2013 devenue définitive, son pourvoi ayant été rejeté par le Conseil d'Etat, le 23 juillet 2014 ; que, par un courrier du 1er avril 2015, la société a demandé à l'EPPGHV de renoncer au bénéfice des astreintes prononcées par les ordonnances des 9 février 2006, 7 juillet 2006 et 24 septembre 2007 ; que l'établissement public a opposé un rejet implicite à cette demande ; que la société Industry Auctions et Trade a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler cette décision ainsi que ces astreintes et d'enjoindre à l'EPPGHV de mettre un terme aux mesures d'exécution et poursuites engagées en vue du recouvrement de sa créance ; que le tribunal administratif a rejeté cette demande par un jugement du 27 octobre 2016, dont la société Industry Auctions et Trade fait appel ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif a expressément répondu au point 6 de son jugement au moyen invoqué par la société Industry Auctions et Trade tiré de la résolution de la vente du 20 juin 2004 prononcée par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 22 février 2013, en se référant aux dispositions de l'article L. 2221-1 du code général de la propriété des personnes publiques et aux principes de la domanialité publique, et en estimant que la société Industry Auctions et Trade avait la garde effective de l'ouvrage maintenu irrégulièrement sur le domaine public, alors même que le juge judiciaire a ultérieurement prononcé la résolution de la vente et que cette décision de justice a un effet rétroactif ; que le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par la société sur ce point ; qu'ainsi, son jugement est suffisamment motivé ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le bien-fondé des réponses que le tribunal administratif a apportées aux différents moyens invoqués par la société est sans incidence sur la régularité de son jugement ;

5. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société Industry Auctions et Trade, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 22 février 2013 a mis à la charge du vendeur, resté propriétaire de l'ouvrage, non les astreintes dont elle demande l'annulation et l'abandon du recouvrement, mais les frais de démolition de la maison irrégulièrement maintenue sur le domaine public ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué du tribunal administratif aurait été rendu en méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il ferait peser une charge sur elle en méconnaissance de la chose jugée par le juge judiciaire ;

Sur le surplus des conclusions de la société Industry Auctions et Trade :

6. Considérant qu'en se bornant à soutenir qu'elle n'entretenait pas la maison à ossature de bois irrégulièrement maintenue sur le domaine public et qu'elle n'en a pas réalisé elle-même la démolition, la société Industry Auctions et Trade ne conteste pas sérieusement en avoir eu la garde ; qu'elle ne saurait utilement soutenir que la demande d'expulsion présentée par l'EPPGHV était dirigée contre la seule société 123 Travaux dès lors que l'injonction prononcée par le juge des référés, de libérer le domaine public, la concernait exclusivement ; qu'elle ne saurait davantage se prévaloir de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 22 février 2013 qui a mis à la charge du vendeur, resté propriétaire de l'ouvrage, non les astreintes dont elle demande l'annulation et l'abandon du recouvrement, mais les frais de démolition de cette maison ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par l'EPPGHV, la société Industry Auctions et Trade n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de l'EPPGHV présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'EPPGHV présentées sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Industry Auctions et Trade est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'EPPGHV, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Industry Auctions et Trade et à l'Etablissement public du Parc et de la Grande Halle de La Villette.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2018.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 16PA03909


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03909
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-03-02 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Protection contre les occupations irrégulières.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SCP PIWNICA-MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-12;16pa03909 ?
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