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31/05/2018 | FRANCE | N°17PA02825

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 31 mai 2018, 17PA02825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...G...E...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 octobre 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son patronyme celui de " D... ".

Par un jugement n° 1520776 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2017, M.E..., représenté par Me Daudé, demande à la Cour :

1°) d'annuler

le jugement n° 1520776 du 24 mars 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...G...E...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 octobre 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son patronyme celui de " D... ".

Par un jugement n° 1520776 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2017, M.E..., représenté par Me Daudé, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1520776 du 24 mars 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 22 octobre 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé son changement de nom ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à venir.

Il soutient que :

- il justifie d'un intérêt légitime à changer de nom au sens de l'article 61 du code civil, dès lors que sa demande repose sur un motif d'ordre affectif et qu'il a fait un usage constant et continu du nom de sa mère,D... ;

- la décision attaquée a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 16 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nguyên Duy,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- et les observations de Me Daudé, avocat de M.E....

1. Considérant que, par requête publiée au Journal officiel de la République française le 3 juillet 2014, M. E...a sollicité le changement de son nom, qui est celui de son père, en " D... ", qui est le nom de sa mère ; que le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande par une décision du 22 octobre 2015 contre laquelle l'intéressé a formé un recours en annulation devant le tribunal administratif de Paris ; que les premiers juges ont rejeté ce recours par un jugement du 24 mars 2017 dont le requérant interjette régulièrement appel ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / (...) Le changement de nom est autorisé par décret " ;

3. Considérant, en premier lieu, que des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ;

4. Considérant que, pour demander l'annulation de la décision attaquée, M.E..., né en décembre 1957, soutient que reconnu à sa naissance seulement par sa mère, Mme A... D..., il a porté le nom de celle-ci jusqu'au mariage de cette dernière, en décembre 1959, avec M. F... E...qui l'a alors reconnu et légitimé ; que si M. E... soutient que le mari de sa mère n'est pas son père biologique, qu'il a entretenu avec lui des rapports conflictuels et a souffert de son désintérêt à son égard, ayant été élevé, ainsi que son jeune frère, par ses grands-parents paternels, l'attestation de sa mère, qui se borne à indiquer que le requérant ne serait pas le fils biologique de M. F...E..., et celle de son frère, qui fait état des conflits fréquents l'opposant à son père et des souffrances subies par le requérant pendant son enfance, ne sauraient toutefois suffire à établir les manquements graves de M. F...E...à ses devoirs parentaux et à caractériser des circonstances exceptionnelles justifiant un changement de nom ; que, par ailleurs, si le requérant fait également valoir qu'il a été autorisé par le juge judiciaire à changer de prénom afin de refléter les nouvelles attaches qu'il a nouées en Polynésie, d'où serait originaire son père biologique et où il a été adopté par une famille maorie, le patronyme dont le port est sollicité est sans lien avec les liens affectifs du requérant en Polynésie ; que, dans ces conditions, M. E...ne peut être regardé comme justifiant de circonstances exceptionnelles de nature à caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour porter le nom de "D... " pour un motif d'ordre affectif ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si M. E...fait valoir qu'il utilise le nom de D...ou de D...-E... depuis plus de dix ans et que ce double nom est inscrit sur son passeport à titre de nom d'usage, les quelques documents administratifs qu'il produit à l'appui de ses allégations, ne portent toutefois, pour les plus anciens, que sur l'année 2013 et ne sont donc pas suffisants pour établir que l'intéressé aurait fait un usage suffisamment long et constant du nom de " D... " dans sa vie personnelle et professionnelle ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas entaché sa décision d'une erreur dans l'appréciation de l'intérêt légitime du requérant à changer de nom ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'en refusant dans les circonstances qui viennent d'être rappelées d'autoriser le changement de nom sollicité par M.E..., le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...G...E...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 mai 2018.

Le rapporteur,

P. NGUYEN DUY La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. C...La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02825
Date de la décision : 31/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Pearl NGUYÊN-DUY
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : DAUDE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-31;17pa02825 ?
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