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09/05/2018 | FRANCE | N°17PA02435

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 mai 2018, 17PA02435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de les décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1604101/2-2 du 17 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2017, M. et Mme B..., représentés par LPA CGR avocat

s, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1604101/2-2 du 17 mai 2017 du Tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de les décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1604101/2-2 du 17 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2017, M. et Mme B..., représentés par LPA CGR avocats, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1604101/2-2 du 17 mai 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- l'acquisition réalisée par le nu-propriétaire (SCI de l'Astrolabe) a bien été faite en vue de l'acquisition de revenus à terme et la déduction des intérêts est justifiée sur le fondement des articles 13 et 31 du code général des impôts ;

- les intérêts d'emprunt litigieux n'ont pas été déduits par la société Chevreuse courtage, qui détient l'usufruit de l'immeuble ;

- l'acquisition du bien immobilier donne lieu à une exploitation commerciale par 1'usufruitier, et la déduction des intérêts est justifiée par les articles 13 et 31 précités et la doctrine administrative (paragraphe 170 BOI-RFPI-BASE-20-80) ;

- les deux conditions posées par la doctrine administrative, d'une location au niveau de l'usufruitier et d'une taxation dans la même catégorie de revenu, sont illégales dès lors que l'acquisition de revenus prévue aux articles 13 et 31 du code général des impôts peut se faire au travers d'une exploitation commerciale de l'usufruit ;

- le déficit fiscal calculé suivant les règles applicables aux revenus fonciers remontant de la SCI, sujet fiscal, aux associés ne doit pas être retraité à leur niveau conformément aux dispositions de l'article 8 du code général des impôts ;

- l'article 31-l-1°-d du code général des impôts est contraire à la Constitution ;

- l'article 31-1-1°-d du code général des impôts est illégal au regard du régime des aides d'Etat et des articles 107 et 108 du TFUE (II-3-6) ;

- il est porté une atteinte au droit de la propriété protégé par l'article 1 du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- à titre subsidiaire les intérêts d'emprunt dont la déduction est refusée doivent pouvoir s'imputer sur les revenus futurs du bien immobilier ou venir augmenter le prix d'acquisition du bien pour le calcul de la plus-value.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 6 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 mars 2018 à 12 heures.

Par un mémoire distinct, enregistré le 19 mars 2018, M. et Mme B... demandent à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat, à fin de saisine du Conseil constitutionnel, la question portant sur la conformité à la Constitution des dispositions du d) du 1°) du I de l'article 31 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 82 de la loi N° 2008-1443 du

30 décembre 2008 portant loi de finances rectificative pour 2008 et plus particulièrement des dispositions aux termes desquelles " y compris celles sont le contribuable est nu propriétaires et dont l'usufruit appartient à un organisme d'habitations à loyer modéré mentionné à l'article

L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, à une société d'économie mixte ou à un organisme disposant de l'agrément prévu à l'article L. 365-1 du même code " ; .

Ils font valoir que :

- la disposition contestée est applicable au litige ;

- elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

- la question présente un caractère sérieux, ces dispositions, portant atteinte au principe d'égalité devant l'impôt posé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; subsidiairement elles portent atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques, posé par l'article 13 de la Déclaration ; la rédaction approximative de ces dispositions porte atteinte aux principe de l'obligation d'exercice de sa compétence par le législateur et de la légalité des délits et des peines, qui sont protégés respectivement par les articles 34 de la Constitution et l'article 8 de la déclaration susmentionnée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son premier protocole additionnel, notamment son article 1er ;

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que l'administration fiscale a remis en cause les déficits fonciers déclarés au titre des exercices 2011 à 2013 par la société civile immobilière (SCI) de L'Astrolabe dont M. B...détient 45% des parts sociales et est le gérant, au motif que celle-ci avait indument imputé des intérêts d'emprunt sur ses bénéfices ; qu'à la suite du contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme B...au titre des années 2011 à 2013, des propositions de rectifications leur ont été adressées selon la procédure contradictoire les 17 et

24 octobre 2014, pour les informer que le service vérificateur envisageait, en application de l'article 8 du code général des impôts, de rectifier leurs bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, en conséquence du rehaussement des résultats de cette société et au prorata des parts détenues par M. B...; que M. et MmeB..., après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux, ensemble des pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, pour un montant de

17 656 euros, relèvent régulièrement appel du jugement n° 1604101/2-2 du 17 mai 2017 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande ;

Sur le bien fondé de l'imposition au regard de la loi fiscale :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 13 du code général des impôts : " Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu " ; qu'aux termes de l'article 14 du même code : " (...) sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : 1° Les revenus des propriétés bâties (...) "; qu'aux termes de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété " ; et qu'aux termes de l'article 31 du code : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : (...) d) Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sauf disposition législative spécifique, seuls les intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition de biens ou droits immobiliers destinés à procurer des revenus fonciers sont déductibles du revenu brut foncier ;

3. Considérant, d'autre part, que conformément aux dispositions de l'article 8 du code général des impôts, les associés d'une SCI, sont, lorsque cette société n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; que les revenus résultant de la location immobilière non meublée relèvent de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers en ce qui concerne les associés personnes physiques ; qu'en cas de possession par une SCI de la nue propriété d'un immeuble qui n'est pas destiné à générer des revenus fonciers, les intérêts d'emprunts contractés pour financer l'acquisition de cette nue-propriété ne peuvent être regardés comme une charge exposée en vue de l'acquisition ou la conservation d'un revenu au sens de l'article 31 précité du code général des impôts ; qu'en conséquence, les associés de la SCI ne sauraient prétendre à l'imputation, pour la part correspondant à leurs droits dans la SCI, desdits intérêts d'emprunts, sur les revenus fonciers qu'ils percevraient à raison d'autres biens ou droits immobiliers ;

4. Considérant, en premier lieu, que les charges d'intérêt litigieuses sont afférentes à des emprunts contractés par la SCI l'Astrobale pour l'acquisition de la nue propriété d'un l'immeuble situé 30 rue de Messine à Paris (8ème), l'usufruit étant détenu par une autre société, la société Chevreuse Courtage ; qu'il est constant que la société Chevreuse courtage dont M. B... est actionnaire, détient l'usufruit de l'immeuble en cause dont elle conserve en partie la jouissance pour l'exercice de son activité professionnelle ; qu'elle déclare à l'impôt sur les sociétés les produits résultant de la location des locaux restants et relève à ce titre des dispositions des articles 205 et suivants du code général des impôts et non de celles des articles 1 A à 204 relatives à l'impôt sur le revenu des personnes physiques ; que dès lors, l'immeuble en cause n'étant pas productif de revenus fonciers, les intérêts de l'emprunt contracté pour l'acquisition de la nue- propriété de cet immeuble ne sont pas déductibles des revenus fonciers provenant d'autres immeubles ; que les requérants ne sauraient, à cet égard, utilement prétendre, sans au demeurant l'établir, que l'acquisition du bien aurait été faite par la SCI en vue de la perception, dans le futur, de revenus tirés de cet immeuble, le présent litige ne portant que sur les impositions supplémentaires afférentes aux années 2012 et 2013 ; qu'ils ne sauraient davantage utilement faire valoir l'absence de déduction, des résultats de la société Chevreuse usufruitière de l'immeuble, des intérêts afférents à une dette contractée par une personne morale distincte, à savoir la SCI l'Astrobale, pour l'acquisition de la nue propriété de cet l'immeuble, et ne constituant pas un passif exigible de la société Chevreuse courtage ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si les requérants ont entendu soutenir que, dans la mesure où M. B... exerce son activité au sein de la société Chevreuse courtage et bénéficie, pour ce motif, de revenus d'activité et de dividendes, l'usufruit de l'immeuble dont jouit ladite société participe de l'acquisition de son revenu, ce moyen ne peut, toutefois, qu'être écarté, dès lors les revenus en cause ne sont pas des revenus fonciers ;

6. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions du d) du 1°) du I de l'article 31 du code général des impôts, rappelées ci-dessus, qui permettent aux particuliers de déduire de leurs revenus fonciers les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés, instaureraient une aide d'Etat, au sens des articles 107 et 108 du Traité de fonctionnement de l'Union Européenne relatifs aux aides d'Etat, dès lors que ce dispositif n'est pas susceptible d'affecter les échanges entre les Etats membres, ni de fausser ou de menacer de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts (...) " ; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ;

8. Considérant que l'impossibilité pour un contribuable de déduire les intérêts d'emprunts contractés pour l'acquisition de la nue-propriété d'un immeuble ne générant aucun revenu foncier, des revenus fonciers provenant d'autres immeubles en sa possession, ne saurait être considérée comme une atteinte au droit de propriété contrevenant aux stipulations susénoncées ;

9. Considérant, enfin, que M. et Mme B...ne peuvent utilement faire valoir, à titre subsidiaire, que les intérêts d'emprunt dont la déduction leur a été refusée doivent pouvoir s'imputer sur les revenus futurs du bien immobilier ou venir augmenter le prix d'acquisition du bien pour le calcul de la plus-value future, dès lors que sont seules en litige, devant la Cour, les impositions mises à leur charge au titre des années 2012 et 2013 ;

Sur la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du

7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution :

" Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat... le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office. " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat ... " ;

13. Considérant que M. et Mme B... soutiennent que les dispositions du d) du 1°) du I de l'article 31 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de l'article 82 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 portant loi de finances rectificative pour 2008 portent atteinte au principe d'égalité devant l'impôt ou au principe d'égalité devant les charges publiques, posés par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que l'article 82 de la loi de finances rectificative pour 2008 a ajouté aux dispositions susénoncées du d) du 1°) du I de l'article 31 rappelées ci-dessus les termes " y compris celles dont le contribuable est nu-propriétaire et dont l'usufruit appartient à un organisme d'habitations à loyer modéré mentionné à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, à une société d'économie mixte ou à un organisme disposant de l'agrément prévu à l'article L. 365-1 du même code ; " ;

14. Considérant, que le principe d'égalité garanti par les dispositions constitutionnelles précitées ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il y soit dérogé pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

15. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 2 régissant l'imposition des revenus fonciers que, sauf disposition législative spécifique, seuls les intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition de biens ou droits immobiliers destinés à procurer des revenus fonciers sont déductibles du revenu brut foncier ; que la réintégration des charges afférentes à l'emprunt contracté par la SCI a été opérée, non pas au motif que celui-ci avait servi à l'acquisition de la seule nue-propriété de l'immeuble mais au motif, indépendant du démembrement de propriété et notamment de la qualité de nu-propriétaire, tiré de ce que l'immeuble en cause n'était pas susceptible de générer des revenus fonciers ; que, par suite, si les requérants ont entendu soutenir que les dispositions d) du 1°) du I de l'article 31 du code général des impôts entraineraient une rupture d'égalité entre d'une part, les nus-propriétaires d'un immeuble dont l'usufruitier tirerait de l'exploitation du bien des revenus fonciers imposables entre ses mains à l'impôt sur le revenu et les nus-propriétaires d'un bien dont l'usufruitier tirerait de l'exploitation commerciale du bien des revenus imposables à l'impôt sur les sociétés, ou encore que les contribuables qui détiennent la nue-propriété d'un immeuble ne peuvent pas déduire les charges constatées concernant ce bien dans des conditions aussi favorables que s'ils avaient la pleine propriété de ce celui-ci et que le nu propriétaire et l'usufruitier d'un immeuble sont, à capacité contributive comparable, plus taxés que le contribuable détenteur de la pleine propriété d'un bien immobilier, la contestation en ces termes de la conformité des dispositions du d) du 1°) du I de l'article 31 du code général des impôts au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Constitution est dépourvue de caractère sérieux ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question de la conformité aux articles 6 et 13 de la Constitution des dispositions contestées est dénuée de caractère sérieux ; que si les requérants font valoir que le législateur, en adoptant ces dispositions trop imprécises, se serait abstenu, en violation de l'article 34 de la Constitution, d'exercer sa compétence, la question de la conformité à cet article des dispositions en cause, qui ne comportent aucune ambiguïté, est tout aussi dépourvue de caractère sérieux ; que, dès lors, en vertu des dispositions précitées du 3° de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, la demande de transmission au Conseil d'Etat, à fin de saisine du Conseil constitutionnel, de la question de la constitutionnalité posée par les requérants doit être rejetée ;

Sur le bénéfice de la doctrine :

19. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'instruction fiscale référencée

BOI-BIC-CHAMP-70-20-10-20 du 12 septembre 2012 : " 150. La prise en compte des déficits fiscaux réalisés par la société revient de droit au nu-propriétaire qui, en tant qu'associé, doit répondre des dettes sociale" ; qu'à supposer que les requérants aient entendu se prévaloir des dispositions de l'article L. 80.A du livres des procédures fiscales, il ne saurait, en tout état de cause, invoquer la doctrine susmentionnée dès lors que n'est pas en cause dans le présent litige, l'imputation d'un déficit de la SCI dont M. B... est associé, mais le montant dudit déficit et même son existence ;

20. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme B...se prévalent du rescrit n° 2007/535FP) du 11 décembre 2007, repris au paragraphe n° 170 de la doctrine administrative référencée BOI-RFPI-BASE-20-80 publiée le 19 septembre 2012 ; que toutefois, si ce rescrit indique que " les intérêts d'emprunts effectivement versés par les nus-propriétaires d'immeubles loués, et destinés à financer soit l'acquisition de la nue-propriété, soit les dépenses de réparation, d'entretien ou d'amélioration de ces immeubles, sont déductibles des revenus fonciers provenant, le cas échéant, de leurs autres propriétés ", il ne précise pas que cette déduction serait possible pour des intérêts de dettes contractées par une SCI pour l'acquisition d'immeubles ne procurant pas de revenus fonciers, alors que ladite doctrine prévoit expressément en son paragraphe 50 que : " Seuls les intérêts des dettes contractées pour l'acquisition ou la construction, la reconstruction ou l'agrandissement d'immeubles destinés à procurer des revenus fonciers sont déductibles. " ; que par suite, M. et MmeB..., ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'un rescrit qui ne fait pas du texte fiscal l'interprétation qu'ils lui prêtent ;

21. Considérant, en troisième lieu, que M. et MmeB..., dont les impositions supplémentaires litigieuses résultent de l'application combinées des dispositions législatives rappelées ci-dessus, ne peuvent davantage utilement soutenir, dans le cadre du présent litige, que la doctrine administrative de base référencée BOI-RFPI-BASE-30-20-20, dont ils ne revendiquent pas le bénéfice, serait illégale ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que les conclusions aux fins d'annulation du jugement et de décharge présentées devant la Cour doivent être rejetées ; qu'il en va de même, en conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles relatives aux dépens, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat, à fin de saisine du Conseil constitutionnel, la question portant sur la conformité à la Constitution des dispositions du d) du 1°) du I de l'article 31 du code général des impôts dans leur rédaction issue de l'article 82 de la loi

n° 2008-1443 du 30 décembre 2008.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. et Mme B...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2018

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02435


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02435
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : LPA CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-05-09;17pa02435 ?
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