Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui verser la somme de 60 459, 53 euros, augmentée des intérêts à compter de la date de réception par l'administration de sa demande préalable, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non-respect des lois régissant les procédures d'expulsion et de l'inaction alléguée des services de police opposée à ses multiples demandes de dépôt de plainte, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1401225 du 29 avril 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 16PA02273 les 15 juillet 2016 et 4 janvier 2017, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 avril 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur rejetant son recours préalable ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a à tort, jugé que les juridictions de l'ordre judiciaire étaient seules compétentes pour connaître des conclusions tendant à mettre en cause la responsabilité de l'Etat en raison de l'inaction des services de police, alors que le juge administratif est compétent pour connaître de la responsabilité de l'Etat du fait des actions de police administrative, et que le refus d'enregistrer ses plaintes et celles de son fils révèle un dysfonctionnement des services de police constitutif d'une faute lourde ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de la participation des services de police à l'expulsion illégale de sa famille le 15 septembre 2008, intervenue alors que la procédure d'expulsion n'avait pas été respectée ;
- l'Etat engage aussi sa responsabilité du fait de l'absence de proposition de relogement de sa famille, ce qui est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les fautes de l'administration présentent un lien de causalité certain avec les préjudices qu'elle a subis résultant de la perte de l'ensemble des biens qui se trouvaient dans la maison ;
- le tribunal a à tort, jugé que le préjudice allégué n'était pas établi.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 22 décembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 janvier 2018.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 17PA0054 le 4 janvier 2017, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 avril 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur rejetant son recours préalable ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a à tort, jugé que les juridictions de l'ordre judiciaire étaient seules compétentes pour connaître des conclusions tendant à mettre en cause la responsabilité de l'Etat en raison de l'inaction des services de police, alors que le juge administratif est compétent pour connaître de la responsabilité de l'Etat du fait des actions de police administrative, et que le refus d'enregistrer ses plaintes et celles de son fils révèle un dysfonctionnement des services de police constitutif d'une faute lourde ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de la participation des services de police à l'expulsion illégale de sa famille le 15 septembre 2008, intervenue alors que la procédure d'expulsion n'avait pas été respectée ;
- l'Etat engage aussi sa responsabilité du fait de l'absence de proposition de relogement de sa famille, ce qui est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les fautes de l'administration présentent un lien de causalité certain avec les préjudices qu'elle a subis résultant de la perte de l'ensemble des biens qui se trouvaient dans la maison ;
- le tribunal a à tort, jugé que le préjudice allégué n'était pas établi.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 octobre 2016.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de MmeA....
Une note en délibéré, enregistrée le 14 mars 2018, a été présentée par Mme A....
1. Considérant que par un jugement du 6 mars 2008, le Tribunal de grande instance de Melun a déclaré les consorts B...adjudicataires d'un immeuble situé au 3 square Paul Laondowski à Roissy-en-Brie, saisi au préjudice de la SCI Landowski dont Mme A...est la gérante ; que la familleB..., qui possédait déjà la maison voisine de l'immeuble en cause, a engagé une procédure tendant à l'expulsion de Mme A...et de son fils qui se maintenaient dans les lieux, après avoir entrepris de contester le jugement du 6 mars 2008 ; que les différents et altercations entre les protagonistes les ont conduit à déposer de nombreuses plaintes auprès du commissariat de police ; qu'il est constant que le 15 septembre 2008, alors que le jugement d'expulsion n'était pas encore intervenu, la famille B...s'est introduite dans la maison, dans laquelle résidait encore le fils de MmeA..., alors absent, et a fait changer les serrures ; que les forces de police sont intervenues lors du retour de M.A... ; que la mère de celui-ci a alors formé le 12 septembre 2009 auprès du ministre de l'intérieur une demande préalable d'indemnisation en invoquant les préjudices résultant, d'une part, de l'inertie alléguée des forces de police opposée aux multiples dépôts de plaintes dans les mois ayant précédé l'incident du 15 septembre 2008 et, d'autre part, du concours apporté selon elle à cette date aux consorts B...pour procéder à ce qu'elle considère être une expulsion, qui aurait été suivie de la destruction par ceux-ci de ses biens personnels contenus dans la maison ; que le ministre a rejeté sa demande le 9 décembre 2012 ; qu'elle a dès lors saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande indemnitaire que celui-ci a rejetée par jugement du 29 avril 2016 dont elle interjette appel ;
2. Considérant que la requête n° 17PA00054 est en réalité un mémoire de régularisation de la requête n° 16PA02273 ; que, par suite, il y a lieu de radier la requête n° 17PA00054 des registres du greffe de la Cour et de verser les productions des parties enregistrées sous ce numéro au dossier de la requête enregistrée sous le n° 16PA02273 ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que pour tenter d'établir que la responsabilité de l'Etat serait engagée, les forces de police ayant selon elle prêté leur concours, le 15 septembre 2008, à son expulsion et à celle de son fils de leur maison dans des conditions irrégulières, Mme A...fait notamment valoir que cette action aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que celles-ci, telles qu'interprétées par la Cour européenne des droits de l'homme, imposent qu'en cas d'expulsion, l'Etat entreprenne des actions positives de relogement, ce qui n'aurait pas été fait ; que le tribunal, s'il ne s'est pas prononcé sur ce moyen, a jugé que les forces de police n'étaient pas intervenues le 15 septembre 2008 dans le cadre d'une expulsion forcée mais au titre de leur mission de secours aux personnes ; que le moyen tiré de la méconnaissance des obligations découlant des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales résultant de cette prétendue mise en oeuvre des procédures d'expulsion était donc inopérant, et le tribunal, qui a bien visé ce moyen, n'était pas tenu d'y répondre ; que la requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que ce jugement serait irrégulier pour défaut de réponse à ce moyen ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant, en premier lieu, que pour tenter d'engager la responsabilité pour faute de l'Etat du fait de l'inertie alléguée des services de police au cours des mois ayant précédé l'incident du 15 septembre 2008, Mme A...invoque notamment l'absence de suites données à ses diverses plaintes au commissariat pendant cette période, et dénonce dès lors le fonctionnement des services de police judiciaire ; que, par suite, c'est à juste titre que le tribunal a décliné sa compétence pour connaître de ce grief en retenant qu'il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître d'actions mettant en cause la responsabilité de l'Etat pour faute du fait d'une opération de police judiciaire ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les forces de police auraient manqué aux obligations de protection des biens et personnes qui leur incombent dans l'exercice de leurs missions de police administrative et commis de ce fait des fautes dont le juge administratif aurait été compétent pour connaître ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de " l'évènement de main-courante " de la police en date du 15 septembre 2008, relatant son intervention à cette date, que les consorts B...avaient pris l'initiative de changer les serrures alors que la maison était vide, et que le fils de Mme A...est ensuite arrivé sur place et a contesté cette mesure ; qu'il résulte du même document qu'après avoir fait valoir qu'il estimait pouvoir résider dans cet immeuble jusqu'à l'intervention du jugement d'expulsion, le fils de Mme A...a décidé " quand même de quitter les lieux et de récupérer ses affaires pour aller vivre chez son amie (...) le tout sans incident " ; qu'ainsi, les forces de police n'ont pas concouru à une expulsion, mais se sont bornées à constater le changement de serrure opéré par les acquéreurs et à s'entremettre entre eux et le fils de la requérante, qui a accepté de quitter les lieux ; que si, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il peut être tenu pour établi, du fait des mentions de cet " évènement de main-courante ", que les forces de police avaient été appelées par MmeB..., il n'en résulte pas que leur concours aurait été sollicité pour procéder à une expulsion plutôt que pour mettre fin, comme à plusieurs reprises au cours des mois précédents, à la confrontation entre les consorts B...et M.A... ou sa mère et prévenir ainsi un risque de trouble à l'ordre public ; que, dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a jugé que la requérante n'était pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat du fait d'une faute de la force publique résultant de ce qu'elle aurait prêté son concours à une expulsion menée dans des conditions irrégulières et qu'il a, en conséquence, rejeté ses demandes indemnitaires ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du non-respect allégué des lois régissant les procédures d'expulsion et du défaut de suites réservées à ses diverses plaintes ; que sa requête doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'indemnisation et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mars 2018.
Le rapporteur,
M-I. LABETOULLELe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 16PA02273-17PA00054
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