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01/02/2018 | FRANCE | N°16PA02003

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 février 2018, 16PA02003


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2015 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 1602692 du 30 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une r

equête enregistrée le 23 juin 2016, M. B..., représenté par Me Koenig, demande à la Cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2015 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 1602692 du 30 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 juin 2016, M. B..., représenté par Me Koenig, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602692 du 30 mai 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2015 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le même délai, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

M. B...soutient que :

- l'arrêté du préfet de police est insuffisamment motivé ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est le père de l'enfant français Ndeye-Magatteseye et qu'il justifie contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de celle-ci ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'il réside en France de manière habituelle depuis plus de huit ans à la date de l'arrêté et vit de façon continue avec sa compagne en situation régulière et leurs trois enfants mineurs depuis le début de l'année 2014, pour lesquels il justifie contribuer à leur entretien et à leur éducation ;

- le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant puisque l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français conduirait à priver ses quatre enfants mineurs de leur père ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté sur sa situation personnelle au regard des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 dite circulaire Valls puisqu'il justifie résider en France depuis plus de cinq ans à la date de l'arrêté et vivre depuis plus de dix-huit mois avec une étrangère en situation régulière.

Vu l'ordonnance en date du 12 septembre 2016 du président de la 2ème chambre rejetant comme manifestement insusceptible d'entraîner l'infirmation du jugement attaqué la requête de M. B... et l'arrêt du 8 décembre 2016 n°16PA03031 rendu par la 5ème chambre de la Cour qui a déclaré cette ordonnance nulle et non avenue et a rouvert l'instruction dans l'instance n° 16PA02003.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 11 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Formery a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. B..., ressortissant sénégalais, entré en France en 2006 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 1er septembre 2015, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ; que M. B...relève appel du jugement du 30 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; et, qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " la motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

3. Considérant que l'arrêté du préfet de police vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il précise que M. B...a sollicité un titre de séjour en tant que père d'un enfant français sur le fondement de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il mentionne qu'il ne remplit pas les conditions prévues par l'article précité puisqu'il ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant français ; qu'il indique également que l'intéressé est célibataire et père de deux autres enfants mineures scolarisées en France pour lesquels il ne justifie pas la prise en charge de leur entretien et de leur éducation ; qu'il mentionne, enfin, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale ; que l'arrêté comporte ainsi les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que, dans ces conditions, les décisions en litige sont suffisamment motivées au regard des exigences des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté doit être écarté ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant justifie résider habituellement depuis le début de l'année 2014 avec sa compagne mauritanienne, en situation régulière comme cela ressort des nombreuses pièces figurant au dossier et libellées à leur adresse commune ; que le couple vit avec leurs trois filles mineures dont deux sont scolarisées ; que l'intéressé ne dispose plus d'attaches familiales proches dans son pays d'origine ; que, par suite, il démontre que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France ; qu'ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, l'arrêté du 1er septembre 2015 a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2015 du préfet de police ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à M. B... ; que les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte ne peuvent dès lors qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de la situation administrative de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Koenig, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Koenig de la somme de 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602692 du Tribunal administratif de Paris en date du 30 mai 2016 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de police en date du 1er septembre 2015 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B...dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Koenig, avocat de M.B..., une somme de 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Koenig renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Lescaut, premier conseiller,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er février 2018.

L'assesseur le plus ancien,

C. LESCAUTLe président rapporteur,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. RENE MINELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA02003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02003
Date de la décision : 01/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Simon-Louis FORMERY
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : KOENIG

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-02-01;16pa02003 ?
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