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21/12/2017 | FRANCE | N°14PA01656

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 décembre 2017, 14PA01656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1307870 du 11 février 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2014, et des mémoires enregistrés le 25 n

ovembre 2014, le 22 septembre 2015, le 3 février 2016, le 20 mars 2017 et le 5 octobre 2017, M. e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1307870 du 11 février 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2014, et des mémoires enregistrés le 25 novembre 2014, le 22 septembre 2015, le 3 février 2016, le 20 mars 2017 et le 5 octobre 2017, M. et Mme B..., représentés par Me Derouin, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307870 du 11 février 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes ;

3°) d'ordonner le remboursement des sommes versées, assorti des intérêts de droit ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B...soutiennent que :

- en écartant le rapport d'évaluation du commissaire aux comptes, le tribunal a méconnu le droit des parties à un procès équitable ; le rapport d'évaluation du commissaire aux comptes et toutes pièces y relatives sont admissibles comme éléments de preuve, sauf à méconnaître l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le droit au procès équitable et à l'égalité des armes s'applique dans le contentieux fiscal devant la juridiction administrative ;

- aucun avis de vérification, accompagné de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, n'a été reçu avant le début du contrôle ; le principe des droits de la défense et du débat oral et contradictoire avec l'assistance d'un conseil s'applique même en l'absence de texte lorsque l'administration procède, dans le cadre du contrôle prévu à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, à des investigations en vue de recueillir des documents ou informations qui ne figurent pas au dossier personnel du contribuable ; l'administration a procédé à des investigations relatives notamment à l'historique de la société KRM et a recueilli des informations sur les classements professionnels pratiqués dans la publicité ; aucun élément n'a été communiqué ;

- les garanties prévues à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ; l'administration s'est fondée dans la proposition de rectification sur des nombreux renseignements dont elle n'a indiqué ni l'origine ni la teneur, provenant probablement des vérifications de comptabilité des sociétés KR Media France et KR Media Holding ;

- sur la condition de détention de 25 % des droits dans les bénéfices sociaux, l'administration a fait masse des participations détenues directement ou indirectement dans la société KR Media dont les titres ont constitué l'actif essentiel de la société Financière RKW Holding, alors que les principes dégagés pour l'application de l'article 160 du code général des impôts sont transposables à la réglementation des plans d'épargne en actions, conformément aux travaux préparatoires de la loi ; pour l'application du 3 du I de l'article 163 quinquies D du code général des impôts, la jurisprudence précise que, pour apprécier la détention indirecte de droits dans les bénéfices sociaux, il n'y a lieu de tenir compte que des participations majoritaires dans les sociétés interposées ; l'administration n'apporte pas la preuve que sa participation excèderait ce seuil ; si M. B...était l'un des dirigeants de la société Financière RKW Holding, il ne détenait que 25 % du capital et des droits de vote ; cette société n'est pas une société interposée par l'intermédiaire de laquelle auraient été détenus des droits dans la société KR Média ; il ne peut ainsi être fait masse de sa participation directe de 25 % dans la société KR Média et de la participation de la société Financière RKW Holding dans cette dernière, ni du taux " hybride " de participation proposé par le ministre ;

- le seuil de 25 % s'apprécie en termes de droits dans les bénéfices sociaux et non dans le capital social, ce que confirment la doctrine 5 B-623 n° 5 et la jurisprudence ; dès lors que le droit à répartition des bénéfices n'est acquis qu'après l'approbation des comptes sociaux et la décision de répartition, il ne peut ainsi s'agir que des droits dans la société à la date de clôture de l'exercice ; la notion de droits dans les bénéfices sociaux ne peut avoir un sens différent selon le texte applicable ; dans la mesure où la société KR a clos son premier exercice le 31 décembre 2005, personne ne pouvait antérieurement détenir de droits dans les bénéfices sociaux ; la société KR, devenue KR Media, ayant clos son premier exercice, déficitaire, le 31 décembre 2005, les articles 160 et le 3 du II de l'article 163 quinquies D du code général des impôts sont inapplicables ; il ne peut par suite y avoir d'abus de droit ;

- à titre subsidiaire, à supposer même que la condition de détention indirecte de plus de 25 % des droits dans les bénéfices s'applique globalement à la société dont les titres figurent au plan d'épargne en actions et à ses filiales après multiplication des pourcentages de participation sans considération de leur caractère minoritaire ou non et doive s'apprécier au regard de la détention du capital avant la clôture du premier exercice, l'imposition de la plus-value de cession réalisée en 2008 serait justifiée par application de la loi, excluant tout abus de droit ;

- l'abus de droit par interposition de personne suppose que cette personne ne soit qu'un prête-nom ou un mandataire et est exclu lorsque la constitution de la société répond à une réalité économique ; il en est ainsi de la création des sociétés holding intermédiaires constituées pour détenir ou gérer des participations financières ; la société Financière RKW Holding a pour fonction d'associer le groupe WPP et MM. B...et C...dans la détention d'une participation quasi égalitaire dans le capital de la société KR Media et dans le financement de cette dernière au moyen de fonds prêtés par le groupe sans conférer à ce dernier un pouvoir quelconque dans cette société ; il n'était pas souhaité de confier à la société WPP une détention directe qui l'aurait mise en situation d'information et d'intervention ; l'organisation retenue a servi à préserver l'indépendance de la société KR Media et la faculté de se présenter comme une agence indépendante, avec notamment des avantages en termes de conflits d'intérêts et d'engagements de non-concurrence envers les clients ; l'indépendance de la société KR Media a été d'autant mieux assurée que la majorité de son capital a été détenue par une holding distincte, RK Private ; l'indépendance résultant de la participation indirecte a présenté de multiples avantages ; les enjeux de gouvernance opérationnelle ont également rendu nécessaire la création de la société Financière RKW Holding ; la constitution de la société a permis d'aménager les relations de pouvoir et de contrôle entre les participants, ce que n'aurait pas permis une détention directe des actions de la société KR Media ; l'organisation des pouvoirs et des droits respectifs des parties dans les sociétés Financière RKW Holding, RK Private et KR Media est une justification économique suffisante de l'existence de ces sociétés ; la centralisation des fonctions d'animation, d'assistance et de rémunération des dirigeants du groupe auprès de la société KR Media Holding ne retire pas leur raison d'être aux deux sociétés holdings, qui était de réunir dans un cadre juridique approprié deux catégories d'investisseurs choisis comme associés avec M.C... ;

- la société Financière RKW Holding a exercé une activité en consentant une avance en compte courant à sa filiale pendant sa période de démarrage ; le rôle essentiellement financier d'une société intermédiaire n'implique pas un montage artificiel ; la constitution d'une holding entre investisseurs sous la forme d'une société par actions simplifiée est conforme à l'intention du législateur de contractualiser cette forme du droit des sociétés ; l'abus de droit est par ailleurs exclu lorsque l'entité prétendument interposée supporte l'aléa et la charge des risques ; le fonctionnement de la société a été conforme à ses règles statutaires et ce n'est pas en méconnaissance de son objet social que la société n'a pas fait d'autres acquisitions ; le moyen d'appel tiré du portage des titres est sans portée, en l'absence de portage des titres de la société KR Média par la société Financière RKW Holding ;

- dès lors qu'il a été jugé que l'acquisition, au travers d'un plan d'épargne en actions, de titres qui appartenaient déjà au contribuable ne constitue pas un abus de droit, en l'absence de méconnaissance de l'objectif de la loi qui est d'encourager les ménages à constituer une épargne à long terme et d'orienter cette épargne vers l'entreprise, de même, il n'y a pas d'abus de droit à souscrire, au moyen du numéraire disponible dans un plan d'épargne en actions, des actions de la société Financière RKW Holding appelée à acquérir des actions de la société KR Media lui appartenant déjà ;

- sur la valorisation des titres, les cessions d'actions de la société KR Média et des sociétés holdings intervenues à l'époque de la souscription au capital de la société Financière RKW Holding ont été réalisées à un prix de cession égal à la valeur nominale des titres de la société KR Média qui ont constitué son actif essentiel ; le prix résultait du jeu normal de l'offre et de la demande ; la méthode d'évaluation par comparaison avec d'autres transactions est prioritaire ; des transactions de référence sont disponibles ; le ministre ne peut utilement soutenir que ces transactions ont eu lieu dans un périmètre restreint, les sociétés acquéreuses étant détenues par des tiers ; la référence à la cession de juin 2008 retenue par l'administration est tardive et dépourvue de pertinence ; il n'y a aucune raison d'écarter la référence aux prix de cession de valeurs d'apport en numéraire retenus dans les transactions intervenues à l'époque de la souscription des actions en litige, fin décembre 2004 ;

- en cas de recours aux méthodes subsidiaires d'évaluation, telles que celle de l'actif net, de la valeur de rentabilité et des perspectives d'avenir, le prix de cession ne serait pas substantiellement différent ; le ministre ne critique pas les valeurs d'actif net et de rentabilité de la société KR Media et la combinaison de leurs résultats et propose seulement de faire abstraction du risque contentieux en 2004, ce qui ne peut être retenu ; la méthode de l'administration, qui repose sur un seul critère et ne tient pas compte des charges, est incertaine et excessivement sommaire ; le seul critère tiré du volume d'achat d'espaces est hypothétique et revient à valoriser un potentiel de recettes perçues pour le compte des supports publicitaires à un taux de 6 % alors que les taux de commission réels de l'agence sont de l'ordre de 2 % et sans tenir compte des charges exposées ; l'administration compare un volume d'achat constaté en 2008 à un volume seulement envisagé et espéré fin 2004 ; à supposer suivie la méthode de l'administration consistant à évaluer les perspectives d'avenir qu'ouvraient les achats d'espaces des clients pressentis, la réalité de la valorisation des contrats, la prise en compte de la situation nette négative et la prise en compte du risque judiciaire en cours montrent que la valeur de la société KR Media a été correctement évaluée ; dans ces conditions, la minoration alléguée du prix de souscription des titres de la société Financière RKW Holding n'est pas établie, ce que confirme l'évaluation du commissaire aux comptes ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 juin 2014, le 28 janvier 2015, le 7 janvier 2016, le 16 mars 2017 et le 11 juillet 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête de M. et MmeB....

Le ministre soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poupineau ;

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;

- et les observations de Me Derouin, avocat de M. et MmeB....

1. Considérant que M. B...a créé, le 28 décembre 2004, avec M. C...et la société Cavendish Square Holding BV, la société Financière RKW Holding, qui avait pour objet l'acquisition et la gestion de titres sociaux ; que le même jour, il a cédé à cette société 462 titres de la société par actions simplifiée KR Media France (KRM), qu'il avait constituée le 7 janvier 2004 avec M.C..., et qui exerce l'activité de centrale d'achats d'espaces publicitaires ; qu'il a également inscrit pour leur valeur nominale les 925 titres qu'il détenait de la société Financière RKW Holding au compte-titres de son plan d'épargne en actions ; que le 20 juin 2008, M. B...a cédé l'intégralité de sa participation dans la société Financière RKW Holding à la société Cavendish Square Holding BV au prix de 3 801 121 euros ; que, par un courrier du 2 novembre 2010, les époux B...ont informé l'administration fiscale qu'en raison de l'inscription, le 28 décembre 2004, des titres de la société Financière RKW Holding sur le plan d'épargne en actions de M.B..., la plus-value d'un montant de 3 791 871 euros, réalisée à l'occasion de la cession de ces titres était exonérée d'impôt, en application du 5 bis de l'article 157 du code général des impôts, ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme B..., le service a remis en cause, en recourant à la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'exonération dont avaient ainsi entendu bénéficier les intéressés au double motif d'une part, que la société Financière RKW Holding avait été interposée afin de permettre à M. B... de respecter en apparence la condition, mentionnée au I de l'article 163 quinquies D du code général des impôts, relative à la détention directe ou indirecte des droits dans les bénéfices sociaux inférieure ou égale à 25 %, et que la valeur des titres de la société Financière RKW Holding avait été volontairement minorée lors de leur inscription sur le compte-titres du plan d'épargne en actions de M.B..., pour assurer le respect formel du plafond de 132 000 euros applicable pour bénéficier de l'exonération des produits et plus-values procurés par des placements effectués dans le cadre d'un plan d'épargne en actions ; que M. et Mme B...ont, en conséquence de cette rectification, été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008, majorées des intérêts de retard et de pénalités de 80 % pour abus de droit sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ; qu'ils font appel du jugement en date du 11 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, si les requérants font valoir que les premiers juges ont méconnu leur droit à un procès équitable garanti par les stipulations du paragraphe 1er de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en relevant qu'ils ne pouvaient utilement se prévaloir du rapport établi par le cabinet d'expertise comptable Abergel, au motif que ce rapport était postérieur à l'inscription des titres en litige au plan d'épargne en actions de M.B..., l'appréciation ainsi portée par les premiers juges sur la valeur probante de ce document n'est, en tout état de cause, pas de nature à affecter la régularité du jugement attaqué, mais seulement, le cas échéant, son bien-fondé ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu (...) ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 10 de ce livre, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des différents actes de procédure transmis par les parties au Tribunal et à la Cour, et notamment des mentions de la proposition de rectification du 13 décembre 2011 adressée à M. et MmeB..., que les impositions mises à la charge de ces derniers procèdent d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal, et non d'un examen de leur situation fiscale personnelle, le service n'ayant pas entrepris des démarches visant à lui permettre d'effectuer le contrôle de cohérence globale entre l'ensemble des revenus déclarés par les contribuables et leur situation de trésorerie, leur situation patrimoniale ou leur train de vie ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir que la procédure d'imposition est irrégulière en l'absence d'envoi préalable d'un avis de vérification et de remise de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, ces garanties, prévues par les dispositions précitées des articles L. 47 et L. 10 du livre des procédures fiscales, n'étant pas applicables en cas de contrôle sur pièces ; que, pour le même motif, M. et Mme B...ne sauraient utilement se prévaloir de l'absence de débat contradictoire avant l'envoi de la proposition de rectification ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; que l'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée ; que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé ; que, toutefois, la méconnaissance de ces dispositions par l'administration demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi qu'eu égard à la teneur du renseignement, nécessairement connu du contribuable, celui-ci n'a pas été privé, du seul fait de l'absence d'information sur l'origine du renseignement, de cette garantie ;

6. Considérant que M. et Mme B...reprochent à l'administration de s'être fondée, pour établir les impositions en litige, sur des renseignements obtenus auprès de tiers, sans en avoir toutefois précisé l'origine dans la proposition de rectification du 13 décembre 2011 qui leur a été adressée ; que, toutefois, il ressort des mentions de cette proposition de rectification que les informations concernant la société KRM, et notamment l'évolution et l'importance de son activité à la date de la création de la société Financière RKW Holding, le versement d'avances par le groupe WPP et son positionnement à la 6ème place du marché des agences médias en France en 2005, sont issues de la vérification de comptabilité de cette société réalisée au cours de l'année 2010 et de différents articles de presse dont les références sont précisées, et, pour le dernier renseignement, d'un article de presse paru sur le site internet du journal " Le Figaro " le 6 janvier 2006 ; que le ministre soutient sans être contredit que les éléments de la méthode de valorisation des entreprises du secteur de la publicité, qui ont permis au service de déterminer la valeur des titres KRM à la date du 28 décembre 2004, n'émanent pas de tiers ; que, contrairement à ce que font valoir les requérants, le service a exposé dans la proposition de rectification en litige le contenu de cette méthode et les détails de son application à l'évaluation des titres de la société KRM ; que, si aucune des pièces de procédure notifiées aux contribuables avant la mise en recouvrement des suppléments d'impôts contestés ne comporte de précisions sur la provenance des renseignements ayant permis à l'administration de considérer que la société Financière RKW Holding n'avait exercé aucune activité économique sur la période vérifiée ni rendu de prestations de services à la société KRM, il résulte de l'instruction que, eu égard notamment à la teneur même de ces renseignements et à la qualité d'actionnaire et de directeur général de la société Financière RKW Holding de M.B..., les contribuables n'ont pas été privés, du seul fait de l'absence de cette information, de la possibilité de demander et d'obtenir la communication des documents contenant les renseignements dont s'agit et de discuter utilement les rectifications envisagées par le service ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le service a adressé à M. et Mme B...une proposition de rectification qui était suffisamment motivée et qu'il a répondu, de façon détaillée, par un courrier en date du 16 mai 2012, à leur contestation des rehaussements envisagés ; que les intéressés ont, par ailleurs, été reçus en entretien par le conciliateur régional, qui a confirmé le bien-fondé de la position du service ; qu'ainsi, les requérants, qui ont bénéficié de l'ensemble des garanties attachées à la procédure de rectification contradictoire, ne sont pas fondés à soutenir que les impositions en litige ont été établies au terme d'une procédure méconnaissant le principe du respect des droits de la défense ;

Sur le bien-fondé des impositions :

8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 163 quinquies D du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables dont le domicile fiscal est situé en France peuvent ouvrir un plan d'épargne en actions dans les conditions définies par la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 modifiée. (...) Le titulaire d'un plan effectue des versements en numéraire dans une limite de 132.000 euros. (...) 3. Le titulaire du plan, son conjoint et leurs ascendants et descendants ne doivent pas, pendant la durée du plan, détenir ensemble, directement ou indirectement, plus de 25 p. 100 des droits dans les bénéfices de sociétés dont les titres figurent au plan ou avoir détenu cette participation à un moment quelconque au cours des cinq années précédant l'acquisition de ces titres dans le cadre du plan (...) " ; qu'aux termes de l'article 1740 septies, devenu à compter du 1er janvier 2006 l'article 1765 de ce code : " Si l'une des conditions prévues pour l'application de la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 modifiée relative au plan d'épargne en actions n'est pas remplie, le plan est clos, dans les conditions définies au 2 du II de l'article 150-0 A et à l'article L.221-32 du code monétaire et financier à la date où le manquement a été commis et les cotisations d'impôt résultant de cette clôture sont immédiatement exigibles. " ; qu'aux termes du II de l'article 150-0 A du même code : " Les dispositions du I sont applicables : (...) 2. au gain net réalisé depuis l'ouverture du plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D en cas de retrait de titres ou de liquidités ou de rachat avant l'expiration de la cinquième année dans les mêmes conditions. (...). " ; qu'aux termes de l'article 157 du même code : " N'entrent pas en compte pour la détermination du revenu global : 5° bis Les produits et plus-values que procurent les placements effectués dans le cadre du plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D ; toutefois, à compter de l'imposition des revenus de 1997, les produits procurés par des placements effectués en actions ou parts de sociétés qui ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, à l'exception des intérêts versés dans les conditions prévues à l'article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération aux titres de capital de sociétés régies par cette loi, ne bénéficient de cette exonération que dans la limite de 10 % du montant de ces placements " ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles " ;

10. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme B...soutiennent que l'administration a fait une inexacte application des dispositions précitées du 3° de l'article 163 quinquies D du code général des impôts en faisant masse, pour apprécier le respect de la condition tenant à l'absence de détention directe ou indirecte de plus de 25 % des droits dans les bénéfices de la société dont les titres figurent au plan d'épargne en actions, de l'ensemble des participations détenues directement et indirectement par M. B...dans la société KRM, alors que seules devaient être prises en compte, selon les requérants, les participations majoritaires et que la participation de M. B...dans le capital de la société Financière RKW Holding était limitée à 25 % ; qu'il résulte, toutefois, des mentions de la proposition de rectification du 13 décembre 2011 que les rehaussements en litige ne sont pas fondés sur la méconnaissance par les contribuables de la condition ci-dessus rappelée de l'article 163 quinquies D, mais sur le respect apparent et artificiel du seuil de 25 % par l'interposition d'une société dépourvue de substance, dans le seul but de permettre à M. B...de percevoir le montant de la plus-value de cession des titres de la société Financière RKW Holding en franchise d'impôt ; que, par suite, le moyen précité, ainsi que celui tiré du bénéfice des énonciations de la documentation administrative référencée 5 B-623 n° 5 à jour au 1er août 2001, doivent être écartés comme inopérants ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que pour considérer que l'opération à laquelle avait participé M. B...était constitutive d'un abus de droit, le service a constaté qu'elle n'avait eu pour autre objet que de faire bénéficier M.B..., par l'interposition de la société Financière RKW Holding lui permettant de réduire artificiellement sa participation dans la société KRM au seuil de 25 % fixé à l'article 163 quinquies D du code général des impôts, de l'exonération d'impôt prévue au 5° bis de l'article 157 du code général des impôts, attachée aux titres inscrits dans un plan d'épargne en actions, pour la réalisation de la plus-value de cession des titres de la société Financière RKW Holding ; que le service a ainsi relevé qu'entre le 28 décembre 2004 et le 20 juin 2008, la société Financière RKW Holding, n'avait, en contradiction avec son objet social, pas acquis d'autres titres sociaux que ceux de la société KR Média France, qu'elle n'avait exercé aucune activité économique, et ne disposait d'ailleurs pas de local ni de moyens matériel et humain pour ce faire, et qu'elle n'avait pas rendu de prestations de services à la société KRM, les prestations de services d'assistance financière, comptable et commerciale étant assurées par la société KR Média Holding ; que les requérants soutiennent que la société Financière RKW Holding avait une réalité économique et que sa constitution, qui avait notamment pour objectif d'associer le groupe WPP à la création et au développement de la société KRM, tout en préservant l'indépendance de cette dernière afin de lui permettre de conclure des contrats avec des clients du groupe WPP sans enfreindre la clause de non concurrence, répondait à des motivations autres que fiscales ; que, toutefois, les pièces versées au dossier par M. et MmeB..., constituées pour l'essentiel d'articles de presse portant sur la création de la société KRM et d'échanges de courriers électroniques, ne suffisent pas à établir la réalité des contraintes juridiques, financières et commerciales justifiant l'interposition d'une société tierce ; qu'il résulte ainsi de l'instruction que les contrats conclus par la société KRM avec les sociétés LVMH, Universal Music France et Bouygues Telecom ont été signés avant la constitution de la société Financière RKW Holding ; que les requérants ne peuvent davantage utilement se prévaloir, au titre des services rendus par cette société à sa filiale, d'une avance en compte courant d'un montant d'un million d'euros, consentie lors du démarrage de la société KRM, dès lors qu'il n'est pas contesté que les fonds constitutifs de cette avance, qui a été réalisée à la demande du groupe WPP et de M. B...notamment, proviennent de la société Cavendish Square Holding BV et n'ont fait que transiter par la société Financière RKW Holding ; que, par ailleurs, s'ils l'allèguent, les contribuables n'établissent pas que le caractère indirect de la participation dans la société KRM aurait permis aux principaux collaborateurs de cette dernière de bénéficier en décembre 2007 d'actions gratuites, ni que cette attribution aurait été impossible en l'absence d'interposition de la société Financière RKW Holding ; qu'en se bornant à produire un message électronique adressé par M. B...et son associé, M. C..., au groupe WPP, qui ne porte que sur les participations de la société KRM, M. et Mme B... ne justifient pas de l'opposition du groupe WPP à l'acquisition par la société Financière RKW Holding d'autres titres que ceux de la société KRM ; qu'ils ne démontrent pas que l'interposition de la holding était rendue nécessaire par les risques générés par le contentieux qui opposait MM. B...et C...à leur ancien employeur ; qu'il résulte, en revanche, de l'instruction que la création et l'interposition de la société Financière RKW Holding, sans consistance économique, a permis à M. B...de réduire de 50 à 25 % le montant de sa participation dans la société KRM au travers de l'acquisition des titres de la société Financière RKW Holding, et ainsi de respecter formellement le seuil de 25 % fixé à l'article 163 quinquies D du code général des impôts lui permettant de bénéficier de l'exonération d'impôt attachée aux titres inscrits dans un plan d'épargne en actions prévue à l'article 157 du même code ; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve qui lui incombe que M. B...a, en créant la société Financière RKW Holding et en inscrivant les titres de cette société à son plan d'épargne en actions, recherché le bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'article 163 quinquies D du code général des impôts, en méconnaissant les objectifs poursuivis par le législateur d'encourager les ménages à constituer une épargne longue et d'orienter cette épargne vers l'entreprise, dans le but exclusif d'éluder l'impôt ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 10, le rehaussement en litige ne procède pas du constat par le service de la méconnaissance par les contribuables des conditions de fonctionnement des plans d'épargne en actions prévues à l'article 163 quinquies D du code général des impôts, mais du respect artificiel de certaines de ces conditions grâce à l'interposition d'une société dépourvue de substance, dans le seul but pour M.B..., par une application littérale des textes en vigueur, de bénéficier d'une exonération d'impôt à laquelle il n'aurait pu prétendre s'il avait dû inscrire directement les titres de la société KRM à son plan d'épargne en actions ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le service ne pouvait pas recourir à la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

13. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que M. et Mme B...font valoir que l'abus de droit ne peut être regardé comme caractérisé, dès lors que M. B...aurait pu inscrire directement les titres de la société KRM sur son plan d'épargne en actions, la condition relative au seuil de 25 % de participation aux bénéfices sociaux, prévue à l'article 163 quinquies D du code général des impôts, ne devant pas s'apprécier au regard de la seule participation de M. B...dans le capital de cette société, qui, à la date du 28 décembre 2004 d'inscription des titres de la société Financière RKW Holding, n'avait pas encore procédé à la clôture de son premier exercice, et, par suite, pris de décision concernant la répartition de ses bénéfices ; que, toutefois, il résulte des termes de l'article 22 des statuts de la société KRM que chaque associé a droit à une part des bénéfices correspondant à sa participation dans le capital de la société ; qu'il est constant que M. B...détenait, le 28 décembre 2004, 50 % du capital de la société KRM et que les dispositions précitées de l'article 163 quinquies D, fixant le seuil de 25 %, s'opposaient à l'inscription des titres de cette société au plan d'épargne en actions de M.B... ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'interposition de la société Financière RKW Holding avait été conçue dans le seul but de permettre à M. B...de bénéficier abusivement de l'exonération d'impôt prévue au 5 bis de l'article 157 du code général des impôts et que cette opération était, dès lors et pour ce seul motif, constitutive d'un abus de droit ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que, par suite, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Ile-de-France (Division juridique Ouest).

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2017.

Le rapporteur,

V. POUPINEAULe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

C. RENE MINELa République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N° 14PA01656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01656
Date de la décision : 21/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Abus de droit et fraude à la loi.


Composition du Tribunal
Président : M.FORMERY
Rapporteur ?: Mme POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : DEROUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-21;14pa01656 ?
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