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14/12/2017 | FRANCE | N°16PA01564

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 14 décembre 2017, 16PA01564


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite et la décision explicite du 20 avril 2015 par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé le changement de son nom en " D... ".

Par un jugement n° 1509242 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2016, M. F..., représenté par Me I..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l

e jugement n° 1509242 du 21 avril 2016 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite et la décision explicite du 20 avril 2015 par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé le changement de son nom en " D... ".

Par un jugement n° 1509242 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2016, M. F..., représenté par Me I..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1509242 du 21 avril 2016 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite et la décision expresse du 20 avril 2015 par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il ne mentionne ni ne vise les dispositions sur lesquelles le juge s'est fondé pour rejeter sa requête ;

- la décision du 20 avril 2015 est insuffisamment motivée en droit ;

- le garde des sceaux, ministre de la justice a commis des erreurs de fait, de droit et d'appréciation, dès lors qu'il justifie d'un intérêt légitime au sens de l'article 61 du code civil à changer de nom ;

- les décisions attaquées ont méconnu l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 6 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 16 octobre 2017.

Un mémoire présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice, a été enregistré le 24 novembre 2017 après clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... A...,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant que, par requête publiée au Journal officiel de la République française du 28 mai 2010, M. F... a sollicité le changement de son nom en " D... " ; qu'à la suite du rejet implicite de cette requête, M. F... a présenté une nouvelle demande qui a été expressément rejetée par le garde des sceaux, ministre de la justice, par décision du 20 avril 2015 ; que, saisi par M. F... d'un recours tendant à l'annulation de ces deux décisions, le tribunal administratif de Paris a, par jugement du 21 avril 2016, rejeté sa demande ; que M. F... interjette régulièrement appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2 Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) " ;

3. Considérant que les points 2 et 5 du jugement attaqué reproduisent le texte de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 et de l'article 61 du code civil sur lesquels le tribunal s'est fondé pour écarter l'argumentation du requérant ; qu'il comporte ainsi de façon explicite les dispositions législatives et réglementaires dont il fait application et satisfait aux dispositions précitées ; que M. F... n'est donc pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier faute de motivation suffisante en droit ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 20 janvier 1994 : " Le refus de changement de nom est motivé (...) " ; que la décision du 20 avril 2015 mentionne expressément l'article 61 du code civil et précise qu'il ne peut être dérogé aux principes de dévolution et d'immutabilité du nom de famille qu'en vertu d'un intérêt légitime, avant d'indiquer les motifs de fait pour lesquels cet intérêt légitime ne peut en l'espèce être considéré comme démontré ; qu'en l'absence d'autre texte fondant la décision du ministre, qui n'avait pas à rappeler la jurisprudence, le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne serait pas motivée en droit doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 61 du code civil :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom (...) " ; que des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ;

6. Considérant, d'une part, que, né de père inconnu en 1974, M. F... a été élevé par ses grands-parents maternels et a porté le nom de sa mère, D..., jusqu'à ce qu'il soit reconnu, à l'âge de 7 ans, par M. C... F..., l'époux de sa mère ; que si le requérant fait valoir qu'à compter de l'âge de 12 ans jusqu'à son placement au service de l'aide sociale à l'enfance du 11 septembre 1990 au 28 juin 1991, il a été victime de violences physiques et psychologiques de la part de M. C... F..., il ne produit à l'appui de ses allégations sur ses relations avec son père et sur les difficultés qu'il rencontre à porter son patronyme actuel, qu'un certificat médical du 24 avril 1990 faisant état de nombreuses ecchymoses sur son corps et d'un état anxieux, une attestation de consultation d'un psychologue clinicien, expert judiciaire près la Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, et deux attestations très peu détaillées établies par son épouse et la mère de celle-ci, qui ne sont pas suffisants pour établir la réalité des faits qu'il invoque ; qu'en particulier, le jugement du juge des enfants du 7 septembre 1990 ordonnant son placement à l'aide sociale à l'enfance se borne à indiquer que l'intéressé " doit poursuivre une formation et bénéficier d'un soutien éducatif " et à mettre à la charge de ses parents la somme de 500 francs mensuels afin de participer à ses " frais de transport, de véture et d'entretien " ; qu'en outre, si le requérant fait valoir qu'il a refusé de reconnaître ses deux enfants nés en 2015 et 2016 afin qu'ils ne portent pas le nom de F..., il n'apporte aucune explication sur les raisons pour lesquelles il n'a pas fait usage de la possibilité désormais offerte aux parents par l'article 311-21 du code civil d'attribuer aux enfants, même reconnus par leur père, le nom de leur mère ; que, dans ces conditions, M. F... ne peut être regardé comme justifiant de circonstances exceptionnelles de nature à caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour porter le nom de " D... " ; que les moyens tirés des erreurs de fait, de droit et d'appréciation dont seraient entachées les décisions litigieuses doivent par suite être écartés ;

7. Considérant, d'autre part, que si les témoignages et les quelques documents produits par l'intéressé établissent qu'il a utilisé le nom " D... " depuis au moins l'année 1997, ceux-ci ne permettent toutefois pas d'établir que M. F... aurait fait un usage suffisamment ancien et constant de ce nom dans sa vie personnelle et professionnelle, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a utilisé alternativement les noms de " D... ", " F... D... " et " D... F... ", pour constituer un intérêt légitime à abandonner le nom de " F... " pour celui de " D... " ;

8. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 qu'en refusant, dans les circonstances de l'espèce, d'autoriser le changement de nom sollicité par M. F..., le garde des sceaux, ministre de la justice, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite et de la décision expresse du 20 avril 2015 par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom doivent par conséquent être rejetées ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à M. F... la somme qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés pour sa requête ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme H..., présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme G... A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 décembre 2017.

Le rapporteur,

P. NGUYEN A... La présidente,

S. H... Le greffier,

M. E...La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01564


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01564
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Pearl NGUYÊN-DUY
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : ENARD-BAZIRE-COLLIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-12-14;16pa01564 ?
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