La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2017 | FRANCE | N°16PA02535

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 28 novembre 2017, 16PA02535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation de la décision en date du 18 février 2015 par laquelle la commune de Montereau-Fault-Yonne a pris à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de service de deux ans avec un sursis de dix-huit mois ;

Par un jugement n° 1503028/9 du 1er juin 2016 le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2016, et des mémoires, enregistrés les

30 octobre et 10 novembre 2017, la commune de Montereau-Fault-Yonne, représentée par la sela...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation de la décision en date du 18 février 2015 par laquelle la commune de Montereau-Fault-Yonne a pris à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de service de deux ans avec un sursis de dix-huit mois ;

Par un jugement n° 1503028/9 du 1er juin 2016 le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2016, et des mémoires, enregistrés les 30 octobre et 10 novembre 2017, la commune de Montereau-Fault-Yonne, représentée par la selarl Woog et associés, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du 1er juin 2016 du Tribunal administratif de Melun et de rejeter la demande de Mme D...devant le Tribunal administratif de Melun ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'instruction ouverte auprès du doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Fontainebleau ;

3°) de mettre à la charge de Mme D...le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de base légale en relevant que la décision contestée méconnaissait les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 modifiée relatif au harcèlement moral au lieu de se référer aux dispositions de l'article 6 ter relatif au harcèlement sexuel ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la décision d'exclusion temporaire de service est sans lien avec les faits de harcèlement sexuel dénoncés par Mme D...en 2008 ; cette décision est fondée sur les manquements aux devoirs de réserve, de loyauté et de respect dont cette dernière a fait preuve à l'égard de l'autorité territoriale et de sa hiérarchie depuis juillet 2008 jusqu'au 23 octobre 2014 ;

- en effet depuis juillet 2008, Mme D...a dressé notamment par voie de presse, un tableau inexact des faits qui se sont déroulés en 2008 de nature à jeter le discrédit sur son administration et à porter gravement atteinte à son image ; Mme D...a également manqué à ses obligations à l'égard de sa hiérarchie notamment en mettant en cause ses compétences et en faisant preuve d'insubordination ; elle ne s'est pas rendue aux deux rendez-vous qu'elle avait sollicités auprès de la direction générale des services et n'a présenté aucune excuse ; elle a adopté une attitude arrogante voire menaçante dans ses relations de travail créant ainsi des tensions au sein du service ; elle a manqué à l'obligation d'assiduité en cumulant les retards et absences injustifiés et à l'obligation de se consacrer exclusivement à l'exercice de ses fonctions ; contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, la commune a fait preuve d'indulgence à l'égard de Mme D...et lui a accordé la protection fonctionnelle qu'elle avait sollicitée le 18 décembre 2010 et son soutien ; la sanction prise à son encontre est motivée par l'ensemble de ces faits ;

- le conseil de discipline par avis du 13 janvier 2015, a considéré que ces manquements étaient constitutifs d'une faute justifiant une sanction de troisième catégorie.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 décembre 2016 et 8 novembre 2017, Mme D..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Montereau-Fault-Yonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Montereau-Fault-Yonne ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me C...pour la commune de Montereau-Fault-Yonne,

- et les observations de Me B...pour MmeD....

Une note en délibéré présentée pour Mme D...par Me B...a été enregistrée le 15 novembre 2017.

1. Considérant que MmeD..., adjointe administrative au sein de la commune de Montereau-Fault-Yonne a été affectée en septembre 2006 au service de la police municipale ; qu'ayant informé sa hiérarchie le 11 février 2008, de la situation de harcèlement sexuel qu'elle subissait , elle a été affectée à l'accueil de la crèche municipale à compter du 14 février 2008, puis à l'issue d'un congé de maladie à " la maison des parents " en janvier 2010 ; que le maire de la commune de Montereau-Fault-Yonne estimant que Mme D...avait notamment manqué à ses devoir de réserve et d'assiduité, et avait eu une attitude menaçante et irrespectueuse envers sa hiérarchie, a prononcé à son encontre une sanction de deux ans d'exclusion temporaire dont dix-huit mois avec sursis ; que la commune de Montereau-Fault-Yonne relève appel du jugement du 1er juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision ;

Sur les conclusions principales de la commune de Montereau-Fault-Yonne :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les erreurs qui auraient été commises par les premiers juges, quant à la base légale et à la qualification juridique des faits, ont trait au bien fondé du jugement attaqué et non à sa régularité ; que ces moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué ne peuvent donc qu'être écartés ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 dans sa version alors en vigueur: " Aucun fonctionnaire ne doit subir les faits : a) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; b) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. (...); Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :1 ° Parce qu'il a subi ou refusé de subir les faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas, y compris, dans le cas mentionné au a, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés ; 2° Parce qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces faits ; 3° Ou bien parce qu'il a témoigné de tels faits ou qu'il les a relatés /... " ;

4. Considérant que pour annuler la décision du 18 février 2015 prise à l'encontre de Mme D..., les premiers juges ont estimé que la commune devait être regardée comme ayant cherché à sanctionner l'intéressée en raison des reproches que celle-ci a adressés à l'autorité territoriale quant à sa réaction par rapport aux faits de harcèlement sexuel qu'elle avait dénoncés en février 2008 et que la commune ne pouvait pas justifier la sanction sur des faits en lien direct avec les faits de harcèlement sexuel, sans méconnaitre les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 modifiée ;

5. Considérant que si Mme D...était fondée à dénoncer les faits de harcèlement sexuel subis en 2008 de la part de son supérieur hiérarchique direct, ces faits ne sauraient justifier les courriers menaçants, injurieux, parfois diffamatoires, envoyés au maire et à sa hiérarchie et adressés en copie à ses collègues jusqu'en 2014, alors que la situation de harcèlement sexuel avait cessé dès le 14 février 2008 soit trois jours après qu'elle l'eut dénoncée ; que les manquements ainsi constitués à l'obligation de réserve et de respect envers sa hiérarchie sont donc sans lien direct avec la dénonciation des faits de harcèlement sexuel ; que les manquements au devoir d'obéissance et d'assiduité résultant notamment de ses absences et retards injustifiées et du refus de respecter les consignes de sa supérieure hiérarchique, sont sans rapport avec les faits de harcèlement sexuel qu'elle a dénoncés ; qu'il s'en suit que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les faits qui ont conduit à la décision contestée étaient sans lien avec les faits de harcèlement dénoncés en 2008 ; que dès lors la commune de Montereau-Fault-Yonne est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges qui se sont au surplus fondés à tort sur l'article 6 quinquies et non sur l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983, ont annulé la sanction litigieuse ;

6. Considérant toutefois qu'il y a lieu pour la Cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...tant en première instance que dans la présente requête d'appel ;

7. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

8. Considérant que plusieurs des faits reprochés à Mme D...relatés au point 5 présentent un caractère fautif et sont de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire ; que toutefois, les absences injustifiées et les manquements au devoir d'obéissance hiérarchique étaient limités ; que si le manquement à l'obligation de réserve est caractérisé, il convient de relever, qu'il est le fait d'une fonctionnaire de catégorie C ; que par ailleurs, si le contexte de dénonciation de harcèlement sexuel n'autorisait pas un tel manquement, comme il a été dit ci-dessus, il pouvait permettre d'en atténuer la gravité ; que, dès lors, une exclusion temporaire de service de deux ans, même assortie d'un sursis de dix-huit mois, revêt un caractère disproportionné ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède la commune de Montereau-Fault-Yonne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Melun a annulé la décision du 18 février 2015 prononçant une sanction disciplinaire à l'encontre de Mme D... ;

Sur les conclusions subsidiaires de la commune de Montereau-Fault-Yonne :

10. Considérant que si l'instruction pénale susvisée ouverte en avril 2011, et qui a ensuite fait l'objet d'un arrêt de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris du 1er juillet 2013 ordonnant le renvoi de la procédure au juge d'instruction, est toujours en cours à la date du présent arrêt, il n'y a pas de lien direct, en tout état de cause, entre cette instance pénale et le présent litige ; que les conclusions subsidiaires de la commune de Montereau Fault Yonne tendant à ce que la Cour sursoit à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance pénale doivent être rejetées ;

Sur les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeD..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Montereau-Fault-Yonne demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Montereau-Fault-Yonne une somme de 1 500 euros à verser à Mme D...sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Montereau-Fault-Yonne est rejetée.

Article 2 : La commune de Montereau-Fault-Yonne versera à Mme D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montereau-Fault-Yonne et à Mme A...D....

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 novembre 2017.

Le rapporteur,

D. PAGESLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 16PA02535


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02535
Date de la décision : 28/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : CABINET WOOG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-28;16pa02535 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award