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11/10/2017 | FRANCE | N°17PA00634

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 11 octobre 2017, 17PA00634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2015 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 1603089/4-1 du 29 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2017, et par un mémoire enregistré le 22 septembre 2017, M. B...C...représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°)

d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 septembre 2016 ;

2°) d'enjoindre au préfe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2015 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 1603089/4-1 du 29 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2017, et par un mémoire enregistré le 22 septembre 2017, M. B...C...représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 29 septembre 2016 ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui restituer son document d'identité dans un délai de 15 jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros, au profit de MeA..., en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'expulsion :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et n'a pas donné lieu à un examen particulier des circonstances de l'espèce ;

- il méconnait les dispositions de l'article L. 521-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il repose sur une erreur d'appréciation en ce qui concerne la menace que sa présence représenterait pour l'ordre public ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un vice de procédure, en ce qu'elle méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et du décret du 28 novembre 1983 ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. B...C...ne sont pas fondés.

M. B...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à hauteur de 25% par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 20 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n°2000-321 du 12 avril 2000;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour M. B...C....

1. Considérant que, par un arrêté du 4 décembre 2015, pris après avis défavorable de la commission d'expulsion en date du 5 novembre 2015, le préfet de police a prononcé l'expulsion du territoire français de M. D...B...C..., ressortissant portugais, né le 21 février 1966 à Salvada Beja (Portugal), entré en France, selon ses déclarations, en 1991 ; que M. B...C...fait appel du jugement du 29 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, que M. B...C...reprend en appel le moyen qu'il avait soulevé devant le tribunal administratif, tiré de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé ; qu'il y a lieu de l'écarter par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué n'aurait pas donné lieu à un examen particulier des circonstances de l'espèce ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en l'espèce : " Les mesures d'expulsion prévues aux articles L. 521-1 à L. 521-3 peuvent être prises à l'encontre des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne (...) si leur comportement personnel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. / Pour prendre de telles mesures, l'autorité administrative tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée de leur séjour sur le territoire national, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle dans la société française ainsi que l'intensité des liens avec leur pays d'origine. "

5. Considérant que les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour un intérêt fondamental de la société ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B...C...a été condamné quatre fois entre 1996 et 2001 par le Tribunal correctionnel de Nanterre pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique, et condamné le 19 mai 2010 par la Cour d'Assises des Hauts-de-Seine-Nanterre pour meurtre, à 16 ans de réclusion criminelle ; que, eu égard à la nature des faits commis par le requérant, ainsi qu'à leur gravité croissante, à la circonstance que seule une abstinence totale de consommation d'alcool pourrait permettre d'éviter une récidive, le préfet de police a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation que le comportement de l'intéressé constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société justifiant qu'une procédure d'expulsion du territoire français soit mise en oeuvre à son encontre, nonobstant l'avis défavorable émis par la commission spéciale d'expulsion instituée par les articles L. 522-1 et L . 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lors de sa séance du 13 octobre 2015, alors même qu'il bénéficie depuis le 27 janvier 2015, en raison de son bon comportement en détention, d'un aménagement de peine sous le régime d'une libération conditionnelle avec semi-liberté probatoire et malgré son engagement dans un projet professionnel, sa prise en charge éducative, psychiatrique et en alcoologie ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. " ;

7. Considérant que si M. B...C..., soutient résider en France depuis 1991, il ne l'établit pas ; que, s'il fait valoir qu'il est père d'un enfant français mineur qu'il a eu avec son épouse, de nationalité française, il ne justifie pas contribuer à l'entretien de son enfant et ne démontre pas, par la seule production de son livret de famille, d'une attestation de son épouse et du bail dont ils sont titulaires, l'unité de la cellule familiale ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins vingt-cinq ans ; que dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que dès lors que, par les dispositions des articles L. 521-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative auxquelles sont soumis les arrêtés d'expulsion ainsi que les décisions qui les accompagnent, telle la décision fixant le pays de destination, le requérant ne saurait utilement invoquer à l'encontre de telles décisions les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et en tout état du cause du décret du 28 novembre 1983 abrogées à la date de la décision attaquée ;

9. Considérant, en sixième lieu que, contrairement à ce que soutient M. B...C..., et nonobstant sa situation personnelle et familiale en France, son retour dans son pays d'origine ne serait pas constitutif d'un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de police, M. B...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. D...B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 octobre 2017.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 17PA00634


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00634
Date de la décision : 11/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : PINTO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-11;17pa00634 ?
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