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07/07/2017 | FRANCE | N°17PA00405

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 07 juillet 2017, 17PA00405


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 25 mars 2016 par lequel le préfet de police a retiré les décisions portant délivrance de cartes de séjour temporaires valables du 18 septembre 2013 au 17 septembre 2014 et du 18 septembre 2014 au 17 septembre 2015, lui a refusé le maintien de droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1606452

/3-1 du 27 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 25 mars 2016 par lequel le préfet de police a retiré les décisions portant délivrance de cartes de séjour temporaires valables du 18 septembre 2013 au 17 septembre 2014 et du 18 septembre 2014 au 17 septembre 2015, lui a refusé le maintien de droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1606452/3-1 du 27 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 25 mars 2016 et enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 21 février 2017, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1606452/3-1 du 27 décembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- l'examen de la situation de Mme A...révèle un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants pour établir que la reconnaissance de paternité de son enfant par M. B... est une reconnaissance de complaisance dans le but de faciliter l'octroi de la nationalité française à son enfant et de permettre à sa mère d'obtenir la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il renvoie à ses écritures de première instance en ce qui concerne les autres moyens soulevés par MmeA....

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2017, Mme A...représentée par Me Mouberi, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est au préfet d'établir l'existence de la reconnaissance frauduleuse de paternité ;

- les éléments invoqués par le préfet de police ne constituent pas des indices précis et concordants de nature à établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que MmeA..., ressortissante nigériane, née le 6 janvier 1975 à Umuaka, entrée en France en octobre 2008 selon ses déclarations, a obtenu le 18 septembre 2013, à la suite de la reconnaissance de son enfant par un ressortissant français, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de parent d'enfant français, renouvelée jusqu'au 17 septembre 2015 ; que, par décision du 25 mars 2016, le préfet de police, après examen de la situation de MmeA..., a retiré les décisions de délivrance de cartes de séjour dont elle était titulaire depuis 2013 et a refusé de lui accorder un droit au séjour au motif que la reconnaissance de paternité était frauduleuse ; que le préfet de police relève appel du jugement du 27 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) " ;

3. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ou de procéder, le cas échéant, à son retrait ;

4. Considérant que pour retirer à Mme A...ses précédents titres de séjour et refuser de renouveler son droit au séjour, le préfet de police s'est fondé sur le fait que Mme A...n'a jamais vécu avec le père de l'enfant, qui d'ailleurs ne porte pas son nom, qu'il apparaît que le ressortissant français qui a reconnu l'enfant de Mme A...est à l'origine de sept autres reconnaissances de complaisance de paternité, circonstances constituant un faisceau d'indices concordants pour caractériser une fraude à la reconnaissance de paternité ;

5. Considérant toutefois que le préfet de police, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas par ces seuls éléments que le père déclarant ne serait pas le père biologique de l'enfant de MmeA... ; qu'il ne peut utilement se fonder, au regard des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur les circonstances que Mme A...ne vit pas et n'a jamais vécu avec le père de son enfant, avec lequel elle n'aurait pas eu de projet de vie commune, et qu'il n'est pas établi que le père de l'enfant entretiendrait des liens avec son enfant et contribuerait effectivement à ses besoins et à son éducation ; que s'il ressort des pièces du dossier que le père déclarant de l'enfant de Mme A...qui a reconnu sept autres enfants, dont six nés entre 2011 et 2012, de différentes mères de nationalité étrangère en situation irrégulière en France et que le procureur de la République près du Tribunal de grande instance d'Amiens a été saisi par le préfet de la Somme pour reconnaissance de paternité de complaisance, le préfet de police, qui n'a produit aucune enquête concernant la situation de Mme A..., n'apporte cependant pas d'éléments précis et concordants de nature à établir que ce ressortissant français ne serait pas le père biologique de l'enfant de MmeA... ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les éléments invoqués par le préfet de police ne suffisaient pas, à eux seuls, à établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité du père de l'enfant de Mme A..., et qu'ainsi celle-ci était fondée à soutenir que le préfet de police ne pouvait légalement retirer les cartes de séjour précédemment obtenues et lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 mars 2016 par lequel il a retiré les deux cartes de séjour temporaires dont était titulaire MmeA..., lui a refusé le droit au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office et lui a enjoint de délivrer à Mme A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que MmeA..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance, doit être regardée comme demandant le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 susvisé du code de justice administrative ainsi que de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au profit de Me Mouberi, sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Mouberi, avocat de MmeA..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 7 juillet 2017.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 17PA00405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00405
Date de la décision : 07/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : MOUBERI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-07;17pa00405 ?
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