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07/07/2017 | FRANCE | N°16PA03122

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 07 juillet 2017, 16PA03122


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 8 décembre 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1608154/5-2 du 15 septembre 2016 le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 8 décembre 2015 et enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A... une carte

de séjour temporaire dans un délai de trois mois à compter de la notification du juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 8 décembre 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1608154/5-2 du 15 septembre 2016 le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 8 décembre 2015 et enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Stambouli en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Stambouli renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1608154/5-2 du 15 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision pour erreur manifeste d'appréciation dès lors que Mme A...ne justifie pas des circonstances de sa séparation d'avec son époux, ni de l'impossibilité de poursuivre sa scolarité et de se réinsérer dans son pays d'origine.

Sur les autres moyens présentés par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris :

- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante est suffisamment motivée ;

- Mme A...ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-7 et R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et cette décision de refus de délivrance de titre n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2017 et complété le 18 mai 2017, Mme A..., représentée par Me Stambouli, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat en faveur de Me Stambouli la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Mme A...conserve de plein droit le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me Stambouli, avocat de MmeA....

1. Considérant que MmeA..., née le 16 mai 1995, de nationalité marocaine, est entrée pour la dernière fois, sur le territoire français, le 11 octobre 2012, sous couvert d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjointe de français valable jusqu'au 31 janvier 2013 ; qu'à l'expiration de ce visa, Mme A...a présenté une demande de renouvellement de son titre de séjour mention " vie privée et familiale " ; que par un arrêté du 30 janvier 2014, le préfet de police a refusé d'y faire droit au motif, notamment, qu'elle était séparée de son époux ; que le Tribunal administratif de Paris a rejeté le recours de Mme A...dirigé contre ce refus par un jugement du 6 novembre 2014 confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 17 mars 2016 ; que, par arrêté du 8 décembre 2015, le préfet de police a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement du 15 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 décembre 2015 et lui a enjoint de délivrer à Mme A...une carte de séjour temporaire d'un an ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que pour annuler sur le fondement de l'erreur manifeste d'appréciation l'arrêté de refus de délivrance de titre de séjour pris à l'encontre de MmeA..., les premiers juges ont pris en compte les circonstances très particulières de son arrivée en France et les conditions dans lesquelles elle y est demeurée avec le soutien de l'association d'entraide féminine de Paris (ANEF) ; que, toutefois, les faits de violences conjugales allégués par Mme A..., sa séquestration par sa belle famille domiciliée ...le 13 août 2012 faisant suite à sa séparation d'avec son mari, ne sont pas suffisamment établis ainsi que la Cour de céans l'a jugé par arrêt du 17 mars 2016 ; que si Mme A... indique être revenue en France le 11 octobre 2012 en évoquant les difficultés auxquelles elle serait exposée en raison de sa condition de femme répudiée au Maroc, elle ne produit à l'appui de ses allégations aucun justificatif démontrant la réalité de ses craintes et n'établit pas avoir rompu ses liens avec ses parents et sa fratrie y résidant ; qu'au demeurant, elle ne produit aucun jugement de répudiation ; que si elle a bénéficié d'une prise en charge par une structure d'accueil et d'hébergement financée par l'aide sociale à l'enfance dès son retour en France en octobre 2012 et a suivi avec succès un parcours scolaire en CAP puis Bac professionnel, elle ne remplissait pas à la date de l'arrêté attaqué les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étudiante ; qu'en outre, elle ne démontre pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa formation en " Hygiène, propreté et stérilisation " dans son pays d'origine ; qu'en conséquence, c'est à tort que le tribunal a annulé pour le motif précité l'arrêté attaqué ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes de la décision contestée qu'elle énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, le préfet de police ayant procédé à un examen complet de la situation de Mme A...avant de lui opposer un refus de délivrance de titre sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de ladite décision manque en fait ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. / La carte ainsi délivrée donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-10 du même code dans sa version en vigueur : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 3° de l'article R. 313-1 : 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; 2° L'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de seize ans et qui y poursuit des études supérieures. A l'appui de sa demande, l'étranger doit justifier du caractère réel et sérieux des études poursuivies. " ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...fait valoir qu'en dépit de sa séparation d'avec son époux, elle a été scolarisée en France dès l'âge de seize ans puis de manière continue à l'âge de dix-sept ans au titre de l'année 2012-2013 avec le soutien de l'ANEF ; qu'elle a notamment obtenu un CAP " Assistante technique en milieu familial et collectif " et est inscrite en bac professionnel ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme A...a fait l'objet d'un premier refus de titre de séjour le 30 janvier 2014 confirmé par la Cour de céans ; qu'à la date de sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiante, elle séjournait en situation irrégulière sur le territoire français ; que, par ailleurs, nonobstant sa réussite scolaire entre 2012 et 2015, sa formation " Bac professionnel Hygiène, propreté et stérilisation " ne peut être assimilée à la poursuite d'études supérieures ; que, dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 313-7 du code susvisé ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si Mme A...fait valoir qu'elle est parfaitement insérée dans la société française, il ressort des pièces du dossier qu'elle est séparée de son époux depuis, au moins, avril 2012 et qu'elle est sans charge de famille en France ; qu'elle n'allègue ni n'établit être dans l'impossibilité de poursuivre ses études dans son pays d'origine et ne démontre pas qu'en cas de retour au Maroc où réside sa famille, elle y serait isolée ; que, dans ces conditions, la décision contestée, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de Mme A... à la date à laquelle elle a été prise, n'a pas porté au droit à la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en dernier lieu, que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision, invoquée à l'appui des conclusions de Mme A...dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ; que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressée, qui reprennent ce qui a été développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 décembre 2015 refusant de délivrer un titre de séjour à MmeA..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme A...devant la Cour sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1608154/5-2 du 15 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 7 juillet 2017.

Le rapporteur,

A. MIELNIK-MEDDAH

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03122
Date de la décision : 07/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : STAMBOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-07;16pa03122 ?
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