Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 8 avril 2015 par laquelle le président-directeur général de la société Orange l'a suspendu de ses fonctions à compter du 28 avril 2015 et de mettre à la charge de la société Orange la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1504361/2 du 11 août 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 octobre et 23 décembre 2016, M. B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1504361/2 du 11 août 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision en date du 8 avril 2015 par laquelle le président-directeur général de la société Orange l'a suspendu de ses fonctions à compter du 28 avril 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la société Orange le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, faute pour le rapporteur public d'avoir mis à disposition des parties, dans un délai raisonnable, le sens des conclusions lues lors de l'audience publique du 7 juillet 2016 ;
- le jugement est entaché de dénaturation des pièces du dossier, dès lors qu'il a considéré que constituait une " présomption de faute grave ", au sens de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, l'allégation selon laquelle il aurait réalisé des consommations téléphoniques, sur son terminal de service, d'un montant total de 5 289,20 euros, alors même qu'il n'a jamais été démontré, par les pièces du dossier, que ces montants auraient réellement été payés par la société Orange ;
- la décision du 8 avril 2015 est entachée d'erreur de fait, les montants allégués n'étant aucunement établis par la seule production d'un listing que la société Orange a édité à partir de ses propres documents et logiciels internes ;
- cette décision est entachée d'erreur de droit, faute pour la société Orange de disposer du pouvoir de prolonger la suspension de l'agent au-delà d'un délai de quatre mois, délai qui avait, en l'espèce, expiré le 28 août 2015, date au-delà de laquelle il est pourtant resté suspendu encore plusieurs mois.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2017, la société Orange, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la Poste et à France Télécom ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai,
- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
- et les observations de MeD..., représentant la société Orange, et de MeC..., représentant M. B....
1. Considérant que M. B..., fonctionnaire de l'Etat rattaché à France Télécom en application de l'article 29-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, a été exclu temporairement de ses fonctions pour des manquements à la probité pour une durée de douze mois, à compter du 28 mars 2014, par une décision du 10 mars 2014 du président-directeur général de la société Orange ; que, par une décision du 8 avril 2015 de la même autorité, il a été suspendu de ses fonctions à compter du 28 avril 2015 ; que par un jugement n° 1504361/2 du 11 août 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. B... demandant l'annulation de cette décision du 8 avril 2015 ; que par la présente requête, M. B... relève régulièrement appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que l'article L. 5 du code de justice administrative dispose que : " l'instruction des affaires est contradictoire " ; qu'aux termes de l'article L. 7 de ce code : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent " ; que les règles applicables à l'établissement du rôle, aux avis d'audience et à la communication du sens des conclusions du rapporteur public sont fixées, pour ce qui concerne les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, par les articles R. 711-1 à R. 711-3 du code de justice administrative ; que l'article R. 711-2 indique que l'avis d'audience mentionne les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public ; que le premier alinéa de l'article R. 711-3 du même code dispose que : " si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ;
3. Considérant que le principe du caractère contradictoire de l'instruction, rappelé à l'article L. 5 du code de justice administrative, qui tend à assurer l'égalité des parties devant le juge, implique la communication à chacune des parties de l'ensemble des pièces du dossier, ainsi que, le cas échéant, des moyens relevés d'office ; que ces règles sont applicables à l'ensemble de la procédure d'instruction à laquelle il est procédé sous la direction de la juridiction ; que le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement ; que l'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction ; qu'il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public - qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites - n'ont à faire l'objet d'une communication préalable aux parties ; que celles-ci ont en revanche la possibilité, après leur prononcé lors de la séance publique, de présenter des observations, soit oralement à l'audience, soit au travers d'une note en délibéré ; qu'ainsi, les conclusions du rapporteur public permettent aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier, de connaître la lecture qu'en fait la juridiction et de saisir la réflexion de celle-ci durant son élaboration tout en disposant de l'opportunité d'y réagir avant que la juridiction ait statué ; que s'étant publiquement prononcé sur l'affaire, le rapporteur public ne peut prendre part au délibéré ; qu'ainsi, en vertu de l'article R. 732-2 du code de justice administrative, il n'assiste pas au délibéré devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel ; que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions citées au point 2 de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ; que, pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs, susmentionnés, de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir ; que la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision ; que le rapporteur public qui, après avoir communiqué le sens de ses conclusions, envisage de modifier sa position doit, à peine d'irrégularité de la décision, mettre les parties à même de connaître ce changement ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le rapporteur public d'avoir mis à disposition des parties, dans un délai raisonnable, le sens des conclusions lues lors de l'audience publique du jeudi 7 juillet 2016, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier de première instance qu'il a été mis en ligne le mardi 5 juillet 2016 ;
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire (...), l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline (...) Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement (...) Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. (...) " ;
6. Considérant, en premier lieu, que la mesure de suspension de ses fonctions prise à l'encontre d'un fonctionnaire prévue par les dispositions susvisées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; qu'elle peut être prononcée lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité ; qu'il résulte des pièces du dossier que la décision attaquée a été prise au motif que M. B... aurait utilisé abusivement à des fins personnelles son téléphone professionnel entre octobre 2014 et décembre 2014, soit pendant son exclusion temporaire de fonctions ; que M. B... relève, en premier lieu, que la société Orange admet avoir accepté qu'il conservât, dans un premier temps, l'usage de son téléphone et de son abonnement professionnels pour lui permettre de poursuivre son activité syndicale, alors même qu'il était exclu de ses fonctions, en deuxième lieu, que, se trouvant en Asie entre le 2 octobre et le 17 décembre 2014, il n'a pu recevoir le courrier de la société Orange en date du 31 octobre 2014 l'informant qu'il n'était plus possible qu'il continuât à bénéficier de son abonnement téléphonique professionnel, qu'elle suspendrait prochainement sa ligne et qu'elle lui demandait de restituer les terminaux mobiles associés à celle-ci, en troisième lieu, que les règles internes du groupe tolèrent un usage des téléphones et abonnements professionnels à des fins personnelles ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que cette tolérance ne vaut que s'il en est fait un usage raisonnable, tandis que l'intéressé reconnaît avoir usé de son téléphone professionnel notamment pour communiquer avec ses proches alors qu'il se trouvait en Asie pour un voyage d'agrément et qu'il en a résulté des factures de téléphone d'un montant total de 5 289,20 euros ; qu'averti par onze mini messages de son opérateur de sa consommation de données mobiles depuis la zone Asie-Moyen-Orient, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'il pensait utiliser une application lui permettant de communiquer gratuitement vers le monde par le réseau interne sans fil, que les circonstances, à les supposer établies, que la société Orange ne justifierait pas avoir effectivement payé le montant des facturations qui lui sont imputées alors qu'elle est elle-même opérateur de téléphonie, et que le montant de facturation du mégaoctet dans la zone Asie serait abusif et contraire aux préconisations des instances européennes, sont sans incidence sur le caractère fautif du comportement de l'intéressé, alors qu'il lui appartenait, à réception des mini messages lui indiquant que son téléphone professionnel consommait des données mobiles, de déconnecter celui-ci et de privilégier l'usage de son téléphone personnel ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient le requérant, les faits relevés à son encontre, qui présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité, étaient de nature à justifier une mesure de suspension de ses fonctions ;
7. Considérant, en second lieu, que M. B... soutient que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit faute d'être limitée à quatre mois, en méconnaissance des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ; que, toutefois, la légalité d'une décision s'apprécie à la date de son édiction et les dispositions invoquées n'imposent pas à l'administration d'indiquer la durée prévisible de la mesure de suspension de fonctions ; que, dès lors, le requérant ne saurait utilement soutenir à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation du jugement contesté et de cette décision qu'elle est entachée d'une erreur de droit à défaut d'indication d'une durée de sa suspension limitée à quatre mois, et quand bien même la suspension aurait duré plus de quatre mois ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande visant à annuler la décision du 8 avril 2015 de la société Orange, par laquelle il a été suspendu de ses fonctions à compter du 28 avril 2015 ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... une somme à verser à la société Orange au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Orange visant à mettre à la charge de M. B... une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B...et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2017 à laquelle siégeaient :
M. Auvray, président de la formation de jugement,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
M. Legeai, premier conseiller,
Lu en audience publique le 7 juillet 2017.
Le rapporteur,
A. LEGEAI
Le président,
B. AUVRAY
Le greffier,
C. RENE-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03106