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30/05/2017 | FRANCE | N°16PA03920

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 30 mai 2017, 16PA03920


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté en date du 11 janvier 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 1601153/6 du 6 décembre 2016 le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 décembre 2016, Mme D..., représentée par M

e Matingou, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601153/6 du 6 décembre 2016 du Tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D...a demandé au Tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté en date du 11 janvier 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par jugement n° 1601153/6 du 6 décembre 2016 le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 décembre 2016, Mme D..., représentée par Me Matingou, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601153/6 du 6 décembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer soit une autorisation provisoire de séjour en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article 911-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte, en application de l'article L. 911-3 du même code ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet du Val-de-Marne n'a pas apporté la preuve de ce que le signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français disposait d'une délégation de signature ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;

- le Tribunal administratif de Melun a méconnu les dispositions des articles L. 121-3, L. 121-4, L. 121-5° et, L. 122-1, alinéa 2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 2.2 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 dès lors qu'en qualité de membre de famille de citoyen de l'Union européenne, elle dispose d'une liberté de circulation et peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;

- le préfet du Val-de-Marne a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle doit être considérée comme parent d'une citoyenne communautaire qui la prend en charge ;

- ses droits de la défense ont été méconnus car elle n'a pas eu l'occasion de présenter ses observations en méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et elle ne pouvait pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français fondée sur un refus de titre illégal ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

- le préfet du Val-de-Marne a méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'en tant que membre de famille d'un citoyen européen, elle ne pouvait pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée le 6 février 2017 au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les observations de Me Matingou, avocat de MmeD....

1. Considérant que Mme D..., née le 27 décembre 1950 à Emongo Manda, de nationalité congolaise, entrée en France le 3 août 2008 sous couvert d'un visa " ascendant de Français non à charge ", relève régulièrement appel du jugement du 6 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 11 janvier 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ;

2. Considérant que l'arrêté attaqué a été signé, ainsi que l'a relevé le tribunal, par M. A... C..., directeur de l'immigration et de l'intégration à la préfecture du Val-de-Marne, qui dispose d'une délégation de signature en vertu de l'arrêté n° 2013/405 du 5 février 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 6 février suivant, pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour assorties de l'obligation de quitter le territoire français mentionnée aux articles L. 511-1 à L. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière, manque en fait ;

3. Considérant que la décision portant refus de titre de séjour comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui la fondent et doit être regardée comme suffisamment motivée, alors même que toutes les indications relatives à la situation privée et familiale de Mme D...n'y sont pas mentionnées ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auquel elle se réfère, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de titre de séjour en application du 7ème alinéa de l'article précité ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que cette deuxième décision serait insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté dès lors que la décision portant refus d'admission est, comme il vient d'être dit, suffisamment motivée ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes ; / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) 4° S'il est un (...) ascendant direct à charge, (...), accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le ressortissant d'un Etat tiers ne dispose d'un droit au séjour en France en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant de l'Union européenne que dans la mesure où ce dernier remplit lui-même les conditions posées aux 1° et 2° de l'article L. 121-1 du code précité ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française (...) ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) " ;

6. Considérant que Mme D... se prévaut des dispositions des articles

L. 121-3 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles de l'article 2.2 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 pour faire valoir qu'elle est membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, qu'elle dispose ainsi d'une liberté de circulation et peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour ; que, toutefois, Mme D...ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles susvisés dès lors qu'elle n'entre pas dans la situation qu'elles visent, faute d'être à charge d'un citoyen de l'Union européenne ayant

lui-même exercé son droit de libre circulation ; qu'elle relève, en revanche, des dispositions du 2° de l'article L. 314-11 du code précité, dont elle ne remplit pas les conditions en l'absence de visa d'une durée supérieure à trois mois ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait au demeurant sollicité un titre de séjour en qualité d'ascendant de Français à charge ; que, par suite, et comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le moyen tiré de ce qu'en ne lui reconnaissant pas un droit au séjour, le préfet aurait commis une erreur de droit doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant que Mme D...soutient que, veuve depuis 1997, elle est à la charge de ses enfants, de nationalité française, et ne constitue pas une charge pour la société française ; que toutefois pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6,

Mme D...ne peut utilement se prévaloir de sa qualité de membre de famille d'un ressortissant de l'Union européenne ; que si plusieurs de ses enfants sont de nationalité française, Mme D...ne conteste pas avoir vécu dans son pays d'origine jusqu'en 2008, soit onze ans après le décès de son époux survenu en 1997 ; que, par suite, l'intéressée, entrée en France le 3 août 2008, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le préfet du Val-de-Marne n'a par suite pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant que Mme D...soutient qu'elle n'a pas eu l'occasion d'être entendue préalablement à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'en outre, elle soutient que la décision portant refus de titre de séjour est illégale et que le préfet du Val-de-Marne ne pouvait dès lors pas lui faire obligation de quitter le territoire français ; que, toutefois, les moyens soulevés par la requérante contre la décision de refus de titre de séjour ont été écartés pour les motifs exposés aux points 6 et 8 ; qu'il s'en suit que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français prise concomitamment au refus de titre doit être écarté ; que le droit d'être entendu n'impliquait pas que l'administration eût l'obligation de mettre l'intéressée à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'elle a pu être entendue avant l'intervention de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté ; que contrairement aux allégations de la requérante, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

10. Considérant que Mme D...ne peut utilement se prévaloir de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 pour soutenir que le préfet du Val-de-Marne a méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui énumèrent les catégories de ressortissants étrangers qui ne peuvent légalement pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire national ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

M. Pagès, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 30 mai 2017.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03920


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03920
Date de la décision : 30/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : MATINGOU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-05-30;16pa03920 ?
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