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30/05/2017 | FRANCE | N°16PA03052

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 30 mai 2017, 16PA03052


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF) à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des agissements de harcèlement moral dont il a été victime, et de mettre à la charge de cet établissement une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1514717/2-1 du 13 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa d

emande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF) à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des agissements de harcèlement moral dont il a été victime, et de mettre à la charge de cet établissement une somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1514717/2-1 du 13 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un courrier enregistrés respectivement le 12 octobre 2016, le 13 avril 2017 et le 8 mai 2017, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1514717/2-1 du 13 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de constater le harcèlement moral dont il a été victime et de condamner le SEDIF à l'indemniser à hauteur de 200 000 euros, soit 40 000 euros au titre du préjudice financier, 100 000 euros au titre du préjudice moral, et 60 000 euros au titre de la perte de chance ;

3°) d'enjoindre au SEDIF de produire l'arrêté de positionnement du requérant sur un poste de chargé de mission, et non plus de chef de service, l'avis de la commission administrative paritaire ainsi que le rapport du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail concernant l'absence de harcèlement moral ;

4°) de mettre à la charge du SEDIF une somme de 7 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'une omission à statuer relative au moyen tiré d'une faute de l'administration liée à l'absence du formalisme juridique requis dont a été entouré son changement d'affectation au 1er septembre 2011 et ce en méconnaissance des dispositions de l'article 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et de la directive européenne n° 2000-7 du 27 novembre 2000 en son article 2-3° ;

- le harcèlement moral dont il a été victime s'est matérialisé par des agissements répétés visant à diminuer sa rémunération, par des comportements et mesures humiliantes ou vexatoires et par des négligences dans la gestion de sa situation administrative ;

- il est fondé à réclamer des indemnités de 40 000 euros, 100 000 euros et 60 000 euros au titre respectivement de son préjudice financier, de son préjudice moral et de sa perte de chance de bénéficier d'une saine gestion de sa situation professionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2017, le SEDIF, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du requérant au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la requête est irrecevable et que les moyens soulevés par

M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 2000/78 CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 93-863 du 18 juin 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant M.C..., et de Me A...représentant le SEDIF.

1. Considérant que M. C..., entré à l'établissement public SEDIF en tant que commis en 1983, attaché territorial depuis 2003, y a été nommé chef du service comptabilité en 2005 ; qu'en tant que chef de service il y a travaillé à temps plein jusqu'au 28 février 2010, alternant ensuite jusqu'à 2013 congés de maladie ordinaire, congés de longue maladie et travail à temps partiel en raison de la dégradation de sa santé physique et psychologique ; que, suite à cette situation, il a été affecté au 1er septembre 2011 sur un poste de chargé de mission entraînant une perte de rémunération et de responsabilité ; que par courrier en date du 25 juin 2015, le SEDIF a refusé sa demande de reconnaissance du harcèlement moral dont il s'estime victime ; qu'il a sollicité le 30 juin 2015 l'octroi du bénéfice de la protection fonctionnelle conformément à l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; qu'il a reçu en date du 16 juillet 2015 une proposition de son administration pour l'ouverture d'une enquête du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'il a demandé le 26 août 2015 au Tribunal administratif de Paris, de condamner le SEDIF à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation des préjudices qu'il aurait subis du fait des agissements de harcèlement moral dont il estime avoir été victime de la part de son employeur ; que par un jugement n° 1514717/2-1 du 13 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que par la présente requête,

M. C... relève régulièrement appel de ce jugement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le SEDIF intimé à la requête d'appel ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 52 de la loi susvisée n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires (...). " ; que M. C... soutient que le jugement

n° 1514717/2-1 en date du 13 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris est entaché d'une omission à statuer relative au moyen tiré d'une faute de l'administration liée à l'absence du formalisme juridique requis dont a été entouré son changement d'affectation au 1er septembre 2011 et ce en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 52 de la loi susvisée n° 84-53 du 26 janvier 1984, et du 3 de l'article 2 de la directive du 27 novembre 2000 relatif au harcèlement, sa situation ayant été modifiée irrégulièrement ; que, toutefois, outre que le Tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments ou aux moyens inopérants qui lui étaient soumis, il résulte des termes mêmes du jugement entrepris qu'il est suffisamment motivé, cette allégation, qui vient à l'appui d'une demande indemnitaire tirée de la supposée illégalité de la décision du 1er septembre 2011, n'ayant pas été assortie des précisions nécessaires et alors que les conclusions de la requête initiale ne visaient pas à remettre en cause la légalité de ladite décision ; qu'en toute hypothèse, dès lors que la mutation interne du requérant sur ce poste de chargé de mission répondait à l'intérêt du service et que le SEDIF aurait pu prendre la même décision s'il avait respecté les procédures dont le requérant soutient qu'elles n'ont pas été suivies, les irrégularités le cas échéant commises n'auraient pas de lien direct avec le préjudice invoqué ;

Sur le bien-fondé :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, en premier lieu, que s'agissant de l'allégation du requérant d'un harcèlement financier, si l'intéressé fait état des baisses survenues dans son régime indemnitaire depuis le 1er mars 2010, il ne résulte pas des pièces du dossier que ces diminutions n'auraient pas procédé d'une exacte application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur compte tenu de son régime d'activité et de sa situation administrative, le requérant ayant, depuis lors, été placé notamment en congé de maladie ordinaire durant plus de 90 jours sur une période d'un an, en congé de longue maladie et à temps partiel thérapeutique, le SEDIF intimé relevant en outre, sans être contredit, que l'intéressé a bénéficié de la revalorisation moyenne la première année de sa reprise, en 2014, et d'une revalorisation moindre au début de l'année 2015, avec un avancement au 12ème échelon en juillet 2014 sur la base d'un avancement à la durée minimale ; que si l'intéressé a cessé, en vertu d'un arrêté du 22 novembre 2011, de percevoir la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er septembre 2011, date de son remplacement dans ses anciennes fonctions de chef du service comptabilité, une telle décision a été prise conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 18 juin 1993 relatif aux conditions de mise en oeuvre de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique territoriale ; que si le requérant fait valoir qu'il n'a pas été autorisé à reporter sur son compte épargne-temps les congés annuels qu'il n'avait pas pris au titre de l'année 2011, année durant laquelle pour la majorité du temps il se trouvait en congé de maladie, l'autorisation de procéder au report desdits congés lui a finalement été accordée ; qu'une telle présomption de harcèlement ne saurait davantage résulter de la seule circonstance que le SEDIF aurait omis de verser au requérant la prime afférente à sa qualité de régisseur suppléant d'avances alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait signalé à son administration cette erreur avant un entretien du 24 juin 2015 ; que, par suite, le moyen de M. C... tiré de ce que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'avait pas fait l'objet d'agissements répétés visant à diminuer le montant de sa rémunération, caractérisant un harcèlement moral, ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que s'agissant de l'allégation du requérant d'une tentative de le déstabiliser dès lors qu'il exerçait avant son départ en congés de maladie les fonctions de chef du service comptabilité et a été affecté à son retour le 1er septembre 2011 sur un poste de chargé de mission, une telle circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à faire présumer l'existence de faits de harcèlement, nonobstant les allégations du requérant non accompagnées des précisions nécessaires selon lesquelles ce repositionnement n'aurait pas respecté une formalité stricte en application des dispositions de l'article 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, alors notamment qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait été opposé à ce changement de fonctions ; que si l'intéressé soutient que ses archives professionnelles ainsi que certaines de ses affaires personnelles ont été fouillées alors qu'il se trouvait en congé de maladie, il résulte de l'instruction que le SEDIF a été conduit à trier les documents laissés par le requérant dans son bureau au moment de son départ en congés et à regrouper ses effets personnels, afin de pouvoir mettre ce bureau à disposition des agents qui l'ont par la suite remplacé ; que ni la circonstance que l'administration du SEDIF aurait imposé à l'intéressé, compte tenu des nécessités du service, de décaler de quinze jours la date de ses congés bonifiés pour 2013, ni plus généralement la gestion de ses demandes de congés annuels par cette administration ne sont de nature à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs du harcèlement allégué ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que les suites données à sa demande du 11 mars 2015 tendant à l'octroi d'un congé maladie pour effectuer une cure thermale du 24 avril 2015 au 15 mai 2015 pourraient faire présumer l'existence de tels faits ; que, par suite, le moyen de M. C... tiré de ce que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il n'avait pas fait l'objet de la part de sa hiérarchie de divers agissements destinés à le déstabiliser et caractérisant un harcèlement moral doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si le requérant invoque diverses négligences et irrégularités dans la gestion de sa situation administrative par le SEDIF, en ce qui concerne notamment la procédure d'évaluation, la tenue de son dossier ou la communication d'informations contenues dans celui-ci, il ne résulte pas de l'instruction que lesdites négligences et irrégularités, à les supposer établies, pourraient être de nature à faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral ni, en tout état de cause, qu'elles seraient à l'origine du préjudice dont le requérant demande à ce titre réparation ; qu'enfin, alors que le requérant a, le 30 juin 2015, sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle, il est constant que sa hiérarchie a fait diligenter une enquête par le comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail dès le mois de juillet 2015, lequel a d'ailleurs conclu à l'absence de harcèlement à l'encontre de l'intéressé ; que, par suite, le moyen de M. C... tiré de ce que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les éventuelles négligences dans la gestion de sa situation administrative pourraient être de nature à faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir du SEDIF, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'indemnisation et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du requérant une somme à verser au SEDIF ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du SEDIF visant à mettre une somme à la charge du requérant au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au Syndicat des Eaux d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 30 mai 2017.

Le rapporteur,

A. LEGEAI

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03052
Date de la décision : 30/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : AZINCOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-05-30;16pa03052 ?
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