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17/05/2017 | FRANCE | N°16PA01259

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 17 mai 2017, 16PA01259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...F...C...E...a contesté devant le Tribunal administratif de Paris l'arrêté du préfet de police du 2 novembre 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit passé le délai qui lui a été imparti.

Par un jugement n° 1519872/5-2 du 10 mars 2016 le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M.E..., a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de polic

e de délivrer à l'intéressé un titre de séjour temporaire portant la mention "vie privé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...F...C...E...a contesté devant le Tribunal administratif de Paris l'arrêté du préfet de police du 2 novembre 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit passé le délai qui lui a été imparti.

Par un jugement n° 1519872/5-2 du 10 mars 2016 le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M.E..., a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de délivrer à l'intéressé un titre de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 avril 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1519872/5-2 du 10 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E...devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que M. E... ne pouvait bénéficier dans son pays d'un traitement et d'un suivi médical appropriés ; l'arrêté contesté ne méconnaît pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens invoqués par M. E... devant le tribunal administratif devront être également écartés pour les motifs développés par l'administration dans ses écritures de première instance auxquelles il entend se référer expressément.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2016, M. E..., représenté par

Me Koszczanski, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête du préfet de police n'est fondé.

Par ordonnance du 29 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Appèche,

- et les observations de MeA..., substituant Me Koszczanski avocat de M.E....

1. Considérant que M. F...C...E..., de nationalité égyptienne, est entré en France en 2008, selon ses déclarations ; qu'aux termes de l'arrêté contesté du 2 novembre 2015, le préfet de police a refusé de procéder au renouvellement du titre de séjour qui lui avait précédemment été délivré à raison de son état de santé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être éloigné, faute pour lui de quitter la France dans le délai qui lui a été imparti ; que le tribunal administratif de Paris, saisi par M. E..., a, par un jugement n° 1519872/5-2 du 10 mars 2016, prononcé l'annulation de cet arrêté, enjoint à l'administration de délivrer à l'intéressé un titre de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le préfet de police relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que, pour annuler le refus de renouvellement de titre de séjour opposé à M. E..., le tribunal administratif s'est fondé sur le motif, contesté par le préfet de police devant la Cour, tiré de ce que ce refus méconnaîtrait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'intéressé ne pourrait disposer dans son pays d'un traitement et d'un suivi médical appropriés ;

3. Considérant qu'aux termes de L. 313-11 du code susmentionné : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

4. Considérant que M. E..., né le 8 avril 1983 en Egypte, pays dont il est ressortissant, a sollicité et obtenu en 2013 l'autorisation de séjourner en France pour raisons de santé, l'intéressé souffrant d'une pathologie cardiaque ; que sur avis favorable du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, l'intéressé a été mis en possession d'un titre de séjour d'un an valable jusqu'au 15 octobre 2014 ; que consulté à nouveau sur l'état de l'intéressé, après qu'il a été pris en charge médicalement pendant un an, le médecin, chef du service médical a, dans son avis rendu le

3 novembre 2014, estimé que le séjour pour raisons médicales de M. E...n'était plus justifié, dès lors son état de santé était stabilisé et que le traitement et le suivi médical étaient disponibles dans son pays ; que M. E... a produit, il est vrai, un certificat médical, établi postérieurement à l'arrêté contesté, indiquant qu'il a présenté un syndrome coronarien aigu en février 2015, soit antérieurement à cet arrêté, ayant nécessité une angioplastie de la coronaire droite avec pose d'un stent actif ; qu'il ressort toutefois du compte rendu médical relatif à l'hospitalisation de l'intéressé que cet épisode est survenu après que ce dernier a volontairement cessé de prendre le traitement qui lui avait été prescrit ; que si depuis cette intervention, le traitement médical prescrit à M. E... comprend sept médicaments, deux sont des antiagrégants plaquettaires, l'un dénommé Kardégic, dont la molécule principale est l'acétylsalicylate de lisine, communément appelé aspirine et largement répandu, l'autre, dénommé Elfiant, étant comme cela ressort des documents versés au dossier par le préfet de police, commercialisé en Egypte, de même que le Clopidogrel, sous une autre appellation ; qu'il résulte également des documents produits par le préfet de police que les autres médicaments composant le traitement prescrit en France à M.E..., comprenant un bêtabloquant, un hypolipidémiant, un diurétique et un antisécrétoire gastrique, sont commercialisés sous des dénominations différentes en Egypte tout comme le Ramipril présent en Egypte sous le nom deD... ; que si les attestations médicales produites par M. E..., établies le

23 novembre 2015 et les 12 et 23 novembre 2015, indiquent que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que ni le traitement ni le suivi, ni les structures sanitaires nécessaires à sa prise en charge ne sont disponibles en Egypte, ces documents, alors même qu'ils émanent d'un médecin de l'institut de cardiologie du groupe hospitalier Pitié-Salpétrière pour le premier et d'un médecin agréé par l'agence régionale de santé pour les deux autres, ne comportent, au-delà de cette affirmation générale, aucune indication précise sur les médicaments et le suivi indispensables à l'intéressé et sur l'absence de ceux-ci et de tout produit de substitution en Egypte ; que les autres certificats produits, rédigés en termes généraux ne suffisent pas à remettre en cause l'existence, en Egypte, de médicaments substituables à ceux prescrits en France à l'intéressé ; que ces documents ne sont, en conséquence, pas de nature à invalider les justificatifs produits devant la Cour par le préfet de police concernant tant les médicaments disponibles en Egypte que les structures sanitaires de ce pays dotées de services de cardiologie ; que la seule circonstance que les services dont l'Egypte dispose en vue de la prise en charge et du transport en urgence des patients, ne seraient pas aussi performants que le service d'aide médicale urgente (SAMU) ne saurait suffire à faire regarder M. E... comme ne pouvant bénéficier dans son pays d'un traitement approprié au sens des dispositions rappelées ci-dessus ; que dès lors, et alors même que le syndrome coronaire aigu dont est atteint l'intéressé aurait une origine héréditaire et que plusieurs membres de sa famille, qui en étaient atteints, seraient décédés, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour opposé à M. E... contrevenait aux dispositions rappelées ci-dessus et qu'ils ont, pour ce motif, annulé son arrêté ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens invoqués tant en première instance que devant elle par M. E... ;

6. Considérant que l'arrêté litigieux comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles son auteur s'est fondé pour refuser de délivrer à M. E... le titre qu'il sollicitait ; qu'il est, ainsi, suffisamment motivé ; qu'il ressort des termes mêmes de cet arrêté qu'il a été pris après qu'il a été procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé ;

7. Considérant que le préfet de police a versé au dossier de première instance l'avis émis par M.B..., médecin, chef du service médical de la préfecture de police, lequel était bien compétent, en vertu des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 rappelées ci-dessus ; que dans cet avis, le médecin chef a apporté, avec une précision suffisante compte tenu des obligations résultant du secret médical auquel il est soumis, toutes les informations requises par l'article 4 de l'arrêté susvisé du 9 novembre 2011 ; que la date à laquelle a été émis cet avis est sans influence sur la régularité de celui-ci ; qu'il suit de là que les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de cet avis et de l'irrégularité dudit avis doivent être écartés comme non fondés ;

8. Considérant, par ailleurs, que M. E... ne faisait état d'aucune circonstance humanitaire ou exceptionnelle sur laquelle le préfet de police aurait pu recueillir l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé, l'ancienneté de la présence en France de l'intéressé et le fait qu'il ait exercé une activité professionnelle, ne constituant pas des circonstances justifiant la consultation de cette autorité ;

9. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus au point 4 sur la disponibilité d'un traitement médical approprié en Egypte, et eu égard à l'absence de tout élément au dossier faisant état d'une contre indication au voyage de l'intéressé, que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français, dont est assorti le refus de titre de séjour, serait intervenue en méconnaissance de dispositions du 10° de l'article L. 511-4 rappelées ci-dessus doit être écarté comme non fondé;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si M. E... fait valoir qu'il vit en France depuis 2008 et qu'il a le centre de ses intérêts dans ce pays, il est constant qu'il n'a été admis à séjourner en France qu'en raison de son état de santé et dans le but de s'y faire soigner, ce qui ne lui donnait pas vocation à s'installer durablement dans ce pays, qu'il est célibataire sans charge de famille ; qu'en tout état de cause, il ne soutient ni ne démontre, être démuni d'attaches dans son pays, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans ; que par suite, eu égard à l'ensemble de sa situation et notamment aux conditions et à la durée de son séjour en France, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite contreviendrait aux stipulations énoncées ci-dessus ;

11. Considérant que pour les même motifs que ceux développés ci-dessus aux points 4, 9 et et 10, M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'eu égard à son état de santé, en décidant qu'il pourrait être éloigné d'office à destination de son pays, l'Egypte, l'autorité préfectorale l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants, en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas davantage fondé, en tout état de cause, à invoquer une méconnaissance des stipulations de l'article 2 de ladite convention ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté, lui a enjoint de délivrer à M. E... un titre de séjour temporaire portant la mention

"vie privée et familiale" et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il est en droit d'obtenir l'annulation dudit jugement et le rejet de la demande présentée devant ce tribunal par M. E... ; que l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement devant la Cour par M. E... ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1519872/5-2 du 10 mars 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... F...C...E....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2017, à laquelle siégeaient :

Mme Brotons, président de chambre,

Mme Appèche, président assesseur,

M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 mai 2017.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01259
Date de la décision : 17/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-05-17;16pa01259 ?
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