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28/03/2017 | FRANCE | N°16PA02334

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 28 mars 2017, 16PA02334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Artistique Caumartin a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, en premier lieu, la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes, qui lui ont été assignés au titre de la période courue du 1er janvier 2008 au 31

décembre 2010, en deuxième lieu, de prononcer la réduction de la taxe sur les véhic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Artistique Caumartin a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, en premier lieu, la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes, qui lui ont été assignés au titre de la période courue du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, en deuxième lieu, de prononcer la réduction de la taxe sur les véhicules de société qui lui a été assignée au titre des années 2008 à 2010, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise comptable et financière visant à procéder à l'examen de la régularité de sa comptabilité.

Par un jugement n° 1506649/1-3 du 20 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de 87 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés respectivement le 20 juillet 2016 et le 28 février 2017, la société Artistique Caumartin, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'ordonner une mesure d'expertise de sa comptabilité au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 dans les conditions prévues à l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement n° 1506649/1-3 du Tribunal administratif de Paris en date du 20 mai 2016 en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande et de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que sa comptabilité a été rejetée comme dénuée de valeur probante ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée sont mal fondés faute de faire application du taux de 2,1% aux 140 entrées de premières représentations et dès lors qu'ils sont assis sur un montant de recettes avant la répartition résultant des contrats de coréalisation, les quotes-parts contractuellement définies n'étant pas constitutives d'un acte anormal de gestion ; en outre, la théorie de l'acte anormal de gestion ne trouve pas à s'appliquer en matière de TVA ;

- la taxe sur la valeur ajoutée déductible a été intégralement justifiée ;

- les suppléments d'impôt sur les sociétés sont également mal fondés dès lors que les apports en compte courant de Mme D...sont justifiés, les rétrocessions de recettes doivent s'analyser comme un partage de recettes résultant de contrats de coréalisation, les frais de publicité doivent être retenus comme charges déductibles, d'autant que ces recettes ont été soumises à l'impôt sur les sociétés au nom des coréalisateurs, de même que les frais de réception et les frais d'entretien, dans la mesure où les factures correspondantes ont été présentées, les droits d'auteur Laure C...doivent être déduits de son résultat pour les trois exercices vérifiés, ces droits ayant par ailleurs été soumis à l'impôt sur le revenu, l'amortissement de 20 000 euros relatif au film Gigola doit également être admis en déduction dans la mesure où les droits cinématographiques sont amortissables dans les conditions, remplies en l'espèce, prévues par la doctrine administrative référencée 4 D-2661, § 37, et BOI 4 D-1-87, et le profit sur le Trésor doit être abandonné par voie de conséquence de la décharge de l'ensemble des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la majoration qui assortit le rappel de taxe sur les véhicules de société est mal fondée dès lors que la société a, à tort mais de bonne foi, estimé que du fait de l'âge du véhicule en cause, plus de 30 ans en l'espèce, il n'était pas passible de cette taxe, ce qui était le cas jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 14 de la loi n° 2005-1719 du 30 octobre 2005.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n°16PA02335 du 25 janvier 2017.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que la société anonyme Artistique Caumartin, qui exploite le théâtre de la Comédie Caumartin, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période courue du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des suppléments d'impôt sur les sociétés ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et sur les véhicules de société ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

2. Considérant que lors des opérations de contrôle, le vérificateur a relevé l'absence de détail des recettes, lesquelles étaient globalisées, sans indication des moyens de paiement ni ventilation par taux de taxe sur la valeur ajoutée ; que le vérificateur a également constaté que les recettes ainsi globalisées ne correspondaient ni aux recettes de la billetterie, ni à celles déclarées, que les bordereaux de répartition des recettes devant revenir à la société requérante et celles destinées à ses trois coréalisateurs, la Compagnie du Préau, la société Marie Amélie Production et la société Productions du Daunou, présentés sans récapitulatif et comportant de nombreuses anomalies, voire des lacunes, ne correspondaient pas aux recettes déclarées comme ayant été reversées à ses trois coréalisateurs, ni à celles déclarées par ces derniers ; qu'en outre, le service a relevé qu'aucun apport ni retrait en espèces n'était comptabilisé, ne permettant pas le contrôle des opérations en numéraire et qu'aucun détail des immobilisations n'était présenté ; que, dans ces conditions, le vérificateur a regardé la comptabilité de la contribuable comme irrégulière et dénuée de valeur probante ;

3. Considérant que, pour contester l'appréciation portée par le vérificateur sur sa comptabilité, tenue manuellement, la société Artistique Caumartin se prévaut d'un rapport effectué par un expert près la Cour d'appel de Paris ; que si cet expert conclut au caractère régulier et probant de la comptabilité qui lui a été présentée, il ressort notamment de son rapport que le grand-livre n'étant pas totalisé annuellement, il n'est pas possible d'effectuer directement un rapprochement avec le livre journal, ce qui nécessite de recourir à la balance générale, que la taxe sur la valeur ajoutée est tenue de façon extra-comptable et, surtout, que le chiffre d'affaires est porté au bilan net des quotes-parts revenant aux coréalisateurs et des droits versés à la Société de Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD), tandis que la balance générale les inclut, de sorte que les montants comptabilisés ne correspondent pas aux montants déclarés ; qu'il résulte de l'instruction que, pour asseoir les suppléments d'impôt contestés, l'administration n'a en réalité pas procédé à une reconstitution des recettes de la requérante ; qu'ainsi, et en tout état de cause, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à ce que la Cour, faisant usage des pouvoirs qu'elle tient de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, ordonne une mesure d'expertise de sa comptabilité au titre des exercices vérifiés ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) V. L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés " ; qu'aux termes de l'article D. 7122-1 du code du travail : " Les entrepreneurs de spectacles vivants sont classés en trois catégories : (...) 2° Les producteurs de spectacles ou entrepreneurs de tournées qui ont la responsabilité d'un spectacle et notamment celle d'employeur à l'égard du plateau artistique ; 3° Les diffuseurs de spectacles qui ont la charge, dans le cadre d'un contrat, de l'accueil du public, de la billetterie et de la sécurité des spectacles, et les entrepreneurs de tournées qui n'ont pas la responsabilité d'employeur à l'égard du plateau artistique " ;

5. Considérant que la société Artistique Caumartin a produit, à l'appui des observations qu'elle a formulées après avoir reçu la proposition de rectification du 12 décembre 2011, copie des contrats de coréalisation qu'elle avait conclus avec la société Productions du Daunou et la société Marie Amélie Production pour la représentation de différents spectacles vivants dans le théâtre qu'elle exploite, le contrat la liant à la Compagnie du Préau ayant quant à lui été présenté durant les opérations de contrôle ; qu'il est constant que la société requérante n'a pas inclus dans son chiffre d'affaires la fraction, déterminée contractuellement, devant revenir à chacun de ses coréalisateurs et qu'il résulte des écritures mêmes de l'intéressée qu'elle a encaissé la totalité des recettes ; que si le service a accepté de ne pas réintégrer dans l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée assignée à l'intéressée la fraction, égale à 50%, des recettes devant revenir à la Compagnie du Préau, laquelle a présenté au vérificateur son compte client ouvert au nom de la requérante, il a en revanche réintégré la part des recettes destinées aux sociétés Productions du Daunou et Marie Amélie Production ;

6. Considérant que si la société Artistique Caumartin soutient que cette réintégration est mal fondée au motif qu'elle a encaissé les recettes destinées aux sociétés Productions du Daunou et Marie Amélie Production en vertu d'un mandat, l'intéressée n'établit, ni même n'allègue, qu'elle aurait agi au nom de ces dernières ; que, dans ces conditions, la société requérante, qui doit être regardée comme ayant en tout état de cause agi en son nom propre, est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée due à raison des recettes qu'elle a encaissées pour ces deux sociétés, en vertu du V de l'article 256 du code général des impôts ; qu'à supposer que la société Artistique Caumartin puisse être regardée comme ayant fait application de la doctrine exprimée dans l'instruction fiscale du 3 février 2005 référencée 3 A-2-05, qui prévoit en effet que chaque partie à un contrat de coréalisation est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée pour la seule quote-part de la recette devant lui revenir, il résulte de l'instruction que la société Productions du Daunou était seulement chargée de la fourniture d'un logiciel de paie et de traiter les déclarations fiscales et sociales de la requérante et que la société Marie Amélie Production devait mettre un bureau à la disposition de l'intéressée ; que, dans ces conditions, et comme le relève l'administration, ces deux sociétés, du reste liées à la requérante notamment pour avoir le même dirigeant et au moins un actionnaire commun, ne peuvent être regardées comme des producteurs de spectacles au sens des dispositions de l'article D. 7122-1 du code du travail ; que, par suite, la société Artistique Caumartin n'entre pas dans les prévisions de la doctrine référencée 3 A-2-05 ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 279 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5% en ce qui concerne : (...) b bis. Les spectacles suivants : théâtres (...) " ; qu'aux termes de l'article 281 quater de ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 2,1% en ce qui concerne les recettes réalisées aux entrées des premières représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques, lyriques, musicales ou chorégraphiques nouvellement crées ou d'oeuvres classiques faisant l'objet d'une nouvelle mise en scène (...) " ; qu'aux termes de l'article 290 quater du même code : " I. Sur les lieux où sont organisés des spectacles comportant un prix d'entrée, les exploitants doivent délivrer un billet à chaque spectateur ou enregistrer et conserver dans un système informatisé les données relatives à l'entrée, avant l'accès au lieu du spectacle (...) " ;

8. Considérant que la société Artistique Caumartin soutient que c'est à tort que, pour les rappels litigieux de taxe sur la valeur ajoutée, le service a fait application du taux normal, alors fixé à 19,6%, dès lors que son activité était éligible au taux de 5,5%, voire au taux de 2,1% pour certaines représentations ;

9. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de la proposition de rectification du 12 décembre 2011, que le vérificateur a soumis au taux de 5,5%, voire de 2,1%, les rappels assis sur la fraction du chiffre d'affaires issue de la billetterie correspondant à la part des recettes devant échoir aux sociétés Marie Amélie Production et Productions du Daunou, soit 858 542 euros, 1 132 678 euros et 683 461 euros au titre des périodes coïncidant, respectivement, avec les années 2008, 2009 et 2010 ; que le service n'a fait application du taux de 19,6% que pour les rappels qui, selon les documents produits par la contribuable, ne pouvaient être rattachés à des recettes issues de la billetterie, soit un chiffre d'affaires de 89 610 euros, 125 982 euros et 107 088 euros pour ces mêmes périodes ; que, dans ces conditions, la société Artistique Caumartin, qui n'apporte aucune précision quant à la nature de cette fraction de chiffre d'affaires pour laquelle les dispositions de l'article 290 quater n'ont au demeurant pas été respectées, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a fait application du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession (...) desdites factures (...) " ; qu'aux termes du 2 de l'article 269 de ce code : " La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services (...), lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits " ;

11. Considérant, en premier lieu, que le vérificateur, ayant constaté un écart entre les montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible figurant dans les livres d'achat et ceux portés sur les déclarations CA 3, a procédé aux rappels à due concurrence de ces écarts ; qu'en se bornant à relever que ces écarts résultent du décalage existant entre les factures reçues et les factures réglées, la société Artistique Caumartin ne critique pas utilement les rappels en cause, soit 1 476 euros pour 2008 et 6 952 euros pour 2010, le rappel de 76 euros pour 2009 étant " négatif ", dès lors que ces rappels sont fondés sur le constat qu'en méconnaissance du II de l'article 271 du code général des impôts, la TVA déduite par la contribuable excède celle mentionnée sur les factures qu'elle a pu présenter ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions, citées au point 10, du 2 du II de l'article 271 du code général des impôts, le service a remis en cause le droit de la requérante de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des factures qu'elle n'a pas produites, soit des rappels de 640 euros, 675 euros et 3 992 euros respectivement au titre des années 2008, 2009 et 2010 ; que si la société Artistique Caumartin soutient avoir produit certaines de ces factures, il résulte de l'instruction que, lors de la réponse aux observations du contribuable, le service a tenu compte des factures ainsi produites et a, en conséquence, ramené les rappels litigieux respectivement à 355 euros, 312 euros et 3 945 euros ;

13. Considérant, en troisième lieu, que la société Artistique Caumartin fait grief au service d'avoir remis en cause son droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la facture établie le 17 décembre 2010 par la société Productions du Daunou pour un montant HT de 5 000 euros, les factures établies le 3 janvier 2011 par Fulgoni mentionnant une TVA égale à 9 975,41 euros et la facture établie le 17 décembre 2010 par la SCI des 7 et 9 rue Daunou d'un montant HT de 13 000 euros ;

14. Considérant, toutefois, que l'administration soutient, sans être contredite, qu'aucune des factures mentionnées au point précédent n'avait été payée au 31 décembre 2010, ce qui faisait légalement obstacle à la naissance du droit à déduction durant la période vérifiée et qu'est à cet égard sans incidence la circonstance, invoquée par la requérante, tirée de ce que les travaux facturés par Fulgoni auraient été exécutés avant le 31 décembre 2010 dès lors que, s'agissant de prestations de services, l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée chez le prestataire, qui conditionne la naissance du droit à déduction chez le preneur, intervient lors de l'encaissement du prix et non point à l'achèvement des prestations ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 14 que c'est à juste titre que l'administration a procédé aux rappels litigieux de taxe sur la valeur ajoutée déductible ;

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

Quant au passif injustifié :

16. Considérant que le vérificateur a constaté que le compte courant dont dispose Mme D... dans les écritures de la société Artistique Caumartin avait été crédité de 7 495 euros et de 19 750 euros, respectivement au cours des exercices clos en 2009 et en 2010 ; qu'ayant estimé que la société requérante n'établissait pas la réalité de sa dette à l'égard de son associée, le vérificateur a rapporté ces sommes aux résultats imposables de la société au titre des exercices clos en 2009 et en 2010 ;

17. Considérant qu'il incombe toujours au contribuable, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, de justifier de la réalité et du bien-fondé des créances de tiers qu'il a inscrites à son bilan ;

18. Considérant que, s'agissant de la somme de 7 495 euros créditée au cours de l'année 2009 sur le compte courant de MmeD..., la société requérante, en se bornant à soutenir qu'il s'agit d'une erreur comptable liée à une annulation de chèque, ne justifie pas l'existence d'une dette de ce montant à l'égard de son associée ;

19. Considérant que, s'agissant de la somme globale de 19 750 euros créditée au cours de l'année 2010, la requérante soutient qu'elle résulte d'apports en numéraires effectués par son associée, MmeD..., pour 6 400 euros en janvier, 5 850 euros en mars, 2 500 euros en juin, 2 500 euros en juillet et 2 500 euros en août, apports destinés selon elle à rembourser les retraits que cette dernière effectuait avec la carte bancaire de la société ; qu'outre que les retraits opérés par MmeD..., tels qu'ils sont retracés par les relevés du compte dont la société Artistique Caumartin est titulaire auprès de la Société générale, s'élèvent à 1 250 euros au cours de l'année 2010 et à 5 650 euros au cours des années 2008 à 2010, la requérante n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, que le total des sommes créditées sur le compte courant d'associé de Mme D... au cours de l'année 2010, soit 19 750 euros, proviendrait du patrimoine personnel de cette dernière ; que c'est dès lors à juste titre que le service a procédé aux réintégrations litigieuses ;

Quant aux charges :

20. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production d'éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration fiscale, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

21. Considérant, en premier lieu, que le service a réintégré aux bénéfices imposables de la société Artistique Caumartin les sommes de 551 795 euros, 692 777 euros et 292 147 euros, respectivement au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, correspondant au reversement de ces sommes par l'intéressée aux sociétés Marie Amélie Production et Les Productions du Daunou en vertu de contrats de coréalisation qui, conclus avec ces dernières, fixaient à 10%, voire 15%, la fraction des recettes devant revenir aux deux coréalisateurs précités à raison des représentations données au théâtre exploité par la requérante ;

22. Considérant qu'il est constant qu'en contrepartie de ces pourcentages sur les recettes de billetterie, la société Marie Amélie Production devait mettre un bureau à la disposition de la requérante et la société Les Productions du Daunou un logiciel de paie et traiter les déclarations fiscales et sociales ; qu'outre que, comme il a été dit au point 6, de telles prestations ne correspondent nullement à celles attendues d'un producteur de spectacles, le vérificateur a relevé, d'une part, que la requérante disposait de locaux sis 25, rue Caumartin et n'avait pas l'usage de bureaux situés 7, rue Daunou, d'autre part, que la réalité des prestations rémunérées à la société Marie Amélie Production n'était pas établie, alors surtout que cette société n'a pas de compétence particulière en la matière et que la société Artistique Caumartin faisait appel à un cabinet d'expertise-comptable ; que la société requérante, qui fait valoir qu'elle a produit les contrats de coréalisation en cause avec ces deux sociétés, soutient que les locaux situés rue Daunou lui sont utiles pour sa gestion dès lors que ceux dont elle dispose rue Caumartin sont exclusivement dédiés au théâtre et que les missions du cabinet d'expertise comptable auquel elle fait appel ne s'étendent pas à l'établissement des bulletins de paie des artistes ni aux déclarations sociales y afférentes ; que, toutefois, compte tenu des montants, rappelés au point précédent, de ces " rétrocessions de recettes " par l'intéressée, au regard des services attendus, c'est à juste titre que le service a estimé qu'elles étaient constitutives d'un acte anormal de gestion et qu'il en a, pour ce motif, remis en cause le caractère fiscalement déductible ; que si la société Artistique Caumartin soutient en outre que le refus de déduire de ses résultats la fraction litigieuse de recettes de billetterie présentée comme destinée aux sociétés Marie Amélie Production et Les Productions du Daunou a été imposée au nom de ces dernières, la double imposition alléguée, qui en résulterait, n'est en tout état de cause pas établie ;

23. Considérant, en deuxième lieu, que la société Artistique Caumartin fait grief au service d'avoir remis en cause la déductibilité d'une fraction des frais de publicité qu'elle avait inscrits en comptabilité pour un montant de 47 367 euros au titre de l'exercice clos en 2008 et pour un montant de 73 320 euros au titre de l'exercice suivant, en soutenant que les factures établies par la société Wide Management n'ont pas été retenues par le vérificateur ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le surplus rejeté par l'administration, soit 2 154 euros pour 2008 et 2 801 euros pour 2009 compte tenu d'un dégrèvement en base de 240 euros prononcé le 27 août 2015 durant l'instance devant le tribunal, n'est pas justifié par l'intéressée devant le juge de l'impôt, alors surtout qu'il résulte de l'instruction que, selon les pièces versées aux débats par la requérante, le montant total des 6 factures établies par la société Wide Management au cours de 2008 s'élève à 45 172,76 euros et que le total des 7 factures établies par cette même société au cours de 2009 s'élève à 67 519,25 euros ;

24. Considérant, en troisième lieu, que la société Artistique Caumartin conteste le rejet, par le service, de la déductibilité de frais de mission et de réception à concurrence de 7 501 euros, 8 453 euros et 10 009 euros, respectivement au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, la remise en cause de la déductibilité de droits d'auteur dus à Mme A...C..., pour des montants de 51 346 euros, 43 100 euros et 41 930 euros au titre de ces mêmes exercices et la remise en cause de la déductibilité des frais d'entretien facturés par la SCI des 7 et 9 rue Daunou ; que toutefois, pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter en l'absence d'éléments nouveaux, les prétentions formulées sur ces chefs de rectification par la société Artistique Caumartin doivent être rejetées ;

25. Considérant, en quatrième lieu, que le service a rejeté la déduction d'un amortissement d'un montant de 20 000 euros correspondant à une immobilisation corporelle inscrite à l'actif du bilan de la requérante pour un montant de 44 000 euros ; que l'intéressée soutient qu'il s'agit, en réalité, de l'amortissement des immobilisations incorporelles relatives au premier projet du film Gigola, qui n'a pas pu se faire dans les conditions initialement prévues avec le réalisateur pressenti ; que, toutefois, l'administration relève que les pièces produites par la société Artistique Caumartin consistent en un courrier du 17 janvier 2008 émanant de la société Marie Amélie Production qui ne mentionne en outre ni le titre du film, ni la société requérante ; qu'en outre, faute de produire un contrat ou une facture attestant du bénéficiaire du montant en cause ou du motif du versement, la société Artistique Caumartin ne justifie ni de la nature, ni du montant versé au titre des frais litigieux en se bornant à produire deux contrats qu'elle a conclus le 15 septembre 2009 avec la société Marie Amélie Production, intitulés " accord de coproduction ", et mentionnant un budget total de 5 millions d'euros pour le film Gigola, dont 33% à la charge de la requérante en qualité de coproducteur ; que l'intéressée ne peut utilement se prévaloir de la doctrine relative aux amortissements en matière cinématographique, référencée DB 4 D-2261 et BOI 4 D-1-87 et reprise le 12 septembre 2012 au BOI-BIC-AMT-20-40-60-10, qui permet d'amortir les droits détenus sur chaque film produit à hauteur des recettes nettes provenant de son exploitation au cours de l'exercice, indépendamment de sa durée probable d'exploitation au sein de l'entreprise, dès lors que la requérante n'apporte pas la preuve qu'elle détenait des droits sur ce film, alors surtout qu'elle indique que ce dernier n'a pas été réalisé, ce qui fait obstacle à son exploitation ; qu'enfin, la société Artistique Caumartin n'établit pas que l'avance en cause aurait été exposée dans son intérêt ;

26. Considérant, en cinquième lieu, que le service a remis en cause le caractère déductible de certaines sommes inscrites au compte " autres charges " pour un montant de 13 707 euros au titre de l'exercice clos en 2009 et un montant de 10 959 euros au titre de l'exercice suivant ; que la société Artistique Caumartin soutient que ces sommes correspondent à des parts de la coproduction de la pièce " Maison de Poupée " qu'elle avait avancées à la compagnie Robert Hossein, coproducteur, qui ne l'en a jamais remboursée et qu'elle a par suite passées en pertes ; qu'en se bornant à produire l'affiche de la pièce, la requérante n'établit pas qu'elle aurait prêté ou avancé les sommes en cause à cette compagnie ;

27. Considérant, en dernier lieu, que les conclusions tendant à la décharge des rappels litigieux de taxe sur la valeur ajoutée étant rejetées, celles relatives au profit sur le Trésor procédant de ces rappels ne peuvent qu'être également rejetées ;

En ce qui concerne la taxe sur les véhicules de société :

28. Considérant qu'il est constant que la société Artistique Caumartin, qui avait inscrit un véhicule à l'actif de son bilan, n'a ni acquitté la taxe sur les véhicules de société prévue à l'article 1010 du code général des impôts, ni souscrit la déclaration s'y rapportant au titre des années 2008 à 2010 ; que la requérante, qui ne conteste pas que le véhicule en cause, alors même qu'il était âgé de plus de dix ans, était passible de cette taxe depuis l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2006, de l'article 14 de la loi n° 2005-1719 du 30 octobre 2005, proteste de sa bonne foi et demande à la Cour de prononcer la décharge de la majoration ayant assorti les rappels de taxe ;

29. Mais considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de la proposition de rectification du 12 décembre 2011, que le service n'a pas appliqué à l'intéressée la majoration de 40% exclusive de bonne foi, mais celle de 10% qui, prévue au a. de l'article 1728 du code général des impôts, sanctionne le défaut de déclaration dans les délais légaux en l'absence de mise en demeure de la souscrire ; qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société Artistique Caumartin tendant à la décharge de la majoration appliquée ne peuvent qu'être rejetées ;

30. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Artistique Caumartin n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requérante tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société anonyme Artistique Caumartin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Artistique Caumartin et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de la région d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 14 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 28 mars 2017.

Le rapporteur,

B. AUVRAY

Le président,

J. KRULICLe greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA02334


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