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14/03/2017 | FRANCE | N°15PA03081

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 14 mars 2017, 15PA03081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Gazi a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de contribution annuelle sur les ventes de produits alimentaires à consommer sur place ou à emporter qui ont été mis à sa charge au titre de la période correspondant à ces deux exercices, ainsi que des péna

lités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Gazi a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de contribution annuelle sur les ventes de produits alimentaires à consommer sur place ou à emporter qui ont été mis à sa charge au titre de la période correspondant à ces deux exercices, ainsi que des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1414281/1-3 du 19 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2015, la SARL Gazi, représenté par Me Jesslen, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1414281/1-3 du 19 juin 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ainsi que des pénalités y afférentes ;

3°) d'ordonner le sursis à exécution ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification résultant de la modification des motifs des rehaussements dans la décision de rejet de la réclamation contentieuse ;

- la procédure d'imposition est irrégulière pour absence de débat oral et contradictoire et emport de pièces irrégulier durant la vérification de comptabilité, non-respect du principe d'impartialité et de neutralité du service vérificateur et modification des motifs des rehaussements dans la décision de rejet de la réclamation contentieuse ce qui conduit à un défaut de motivation de la proposition de rectification ;

- le service ne pouvait regarder la comptabilité comme dépourvue de caractère probant dès lors que la société a suffisamment justifié les recettes déclarées par la production de relevés mensuels mentionnant le montant des recettes globales journalières ;

- la méthode de reconstitution de ses recettes suivie par l'administration est radicalement viciée et excessivement sommaire dès lors que le service n'a retenu que deux produits, à savoir les frites et les boissons, que les quantités de frites retenues ne sont pas justifiées et qu'il n'a retenu qu'une période témoin de 11 jours sur une période allant de septembre à novembre 2012, alors que la période vérifiée concerne les années 2010 et 2011 durant lesquelles l'exploitation du fonds de commerce a enregistré des pertes du fait des travaux de construction du tramway ;

- en outre l'administration n'a pas pris en compte les obligations en matière d'hygiène et de sécurité alimentaire, ni pris en considération les pertes, les offerts et la consommation du personnel sur l'ensemble de la période ;

- la consommation du personnel a été sous-estimée ;

- les intérêts de retard doivent être limités au montant légal dès lors qu'ils n'ont pas le caractère d'une pénalité ;

- l'administration n'apporte pas la preuve que la contribuable a agi dans l'intention d'éluder l'impôt et n'établit pas par suite le manquement délibéré ;

- la société est fondée à demander le sursis à exécution en attendant l'issue de la procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société Gazi n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- et les observations de Me Jesslen, avocat de la SARL Gazi.

1. Considérant que la société Gazi, qui exploite à Paris un établissement de restauration rapide, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2010 et 2011 ; que les opérations de contrôle se sont déroulées du 12 septembre au 3 décembre 2012 dans les locaux de la société Gazi ; que le vérificateur a écarté comme dénuée de valeur probante la comptabilité présentée et procédé à la reconstitution des recettes tirées de cette activité ; que la société Gazi a demandé la décharge des impositions supplémentaires qui en ont résulté ; qu'elle relève appel du jugement n° 1414281/1-3 du 19 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de contribution annuelle sur les ventes de produits alimentaires à consommer sur place ou à emporter qui ont été mis à sa charge au titre de la période correspondant à ces deux exercices, ainsi que des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la société Gazi soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification résultant de la modification des motifs des rehaussements dans la décision de rejet de la réclamation contentieuse ; que toutefois il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif a, pour fonder sa décision, considéré d'une part que " la proposition de rectification en date du 17 décembre 2012 adressée à la société Gazi expose clairement les motifs de droit et de fait qui fondent les rectifications et, notamment, présente de manière claire et détaillée la méthode de reconstitution des recettes employée et que l'administration, qui a ainsi suffisamment motivé les rectifications apportées aux bases d'imposition de la société requérante, n'avait pas l'obligation de viser les articles du code général des impôts fixant le taux des impositions faisant l'objet de rehaussements ", d'autre part que " l'administration est en droit de modifier les motifs des rectifications sans engager une nouvelle procédure de rectification dès lors que, comme en l'espèce, le montant des rectifications n'a pas été augmenté " ; que, par suite, le jugement attaqué est suffisamment motivé sur ce point ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;

4. Considérant que la société Gazi fait valoir que l'administration fiscale a méconnu les exigences tenant au débat oral et contradictoire de la procédure de vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ainsi que l'obligation d'impartialité et de neutralité qui lui incombe faute d'avoir pu donner des explications sur les éléments retenus pour fonder le redressement ; qu'il est constant que la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la requérante s'est déroulée du 12 septembre au 3 décembre 2012 dans les locaux de la société Gazi où le vérificateur s'est déplacé à neuf reprises ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce dernier se serait, lors de ces interventions, refusé à tout échange de vue avec la contribuable ; que par suite, la société Gazi n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la possibilité d'engager un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ; que la circonstance que le service ait, à l'issue des cinq premiers entretiens, dressé un procès-verbal de défaut de présentation de pièces après avoir constaté que des pièces essentielles pour attester du caractère probant de la comptabilité n'avaient pas été produites ne permet pas de présumer l'absence de débat oral et contradictoire, dès lors que d'autres documents comptables et juridiques ont été mis à disposition de l'administration ; que, par ailleurs, si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ; qu'en l'espèce il résulte de l'instruction que pour effectuer la reconstitution des recettes de la société Gazi, l'administration s'est fondée sur les relevés d'achats et les doubles de factures obtenus auprès des fournisseurs de la contribuable qui ne présentent le caractère de documents comptables que pour ces fournisseurs ; que, dans ces conditions, la société Gazi ne saurait se prévaloir d'une violation de la garantie du débat oral et contradictoire au motif que l'administration n'a pas soumis à un tel débat ces pièces obtenues dans le cadre de son droit de communication auprès de ses fournisseurs dès lors qu'elles ne présentent pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ; que la requérante n'apporte aucune précision quant aux documents qui ne lui auraient pas été communiqués à la suite de sa demande du 29 novembre 2013, alors que l'administration soutient sans être contredite avoir communiqué à la contribuable le 11 décembre 2013 la copie des demandes adressées à ses fournisseurs ainsi que des documents reçus d'eux et utilisés pour la reconstitution des recettes ; qu'enfin, si la société Gazi soutient que le service aurait méconnu l'obligation d'impartialité et de neutralité qui lui incombe, elle ne l'établit pas en se bornant à soutenir, sans apporter la moindre précision à l'appui de ses allégations, que les rectifications auraient été opérées en contradiction avec les éléments réels d'exploitation et que le vérificateur aurait été dans l'incapacité de fournir des explications sur les éléments retenus pour la reconstitution des recettes ; que les moyens susanalysés ne peuvent, dès lors, qu'être rejetés comme manquant en fait ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration, qui en devient ainsi dépositaire ; qu'en ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées ; qu'en outre, cette pratique ne peut avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

6. Considérant que la société Gazi soutient que le vérificateur a vicié la procédure d'imposition en procédant irrégulièrement à l'emport de documents comptables ; qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a demandé en cours de contrôle à la société Gazi, d'une part, de lui communiquer, sous forme de tableaux, les tarifs pratiqués par l'établissement en 2011 et en 2010 pour les différents types de menus ainsi que pour les sandwiches simples sans frites, ni boisson, et les frites seules, d'autre part, de présenter ses observations sur la quantité moyenne de frites retenue par le service pour chaque catégorie de menus ainsi que pour les frites servies seules en fonction du format moyen ou grand ; qu'il est constant que ces documents qui ont été renseignés, s'agissant des tarifs, ou validés, s'agissant des quantités de frites, par le gérant de la société ont été emportés par le vérificateur ; que, toutefois, si les tableaux de tarifs ont été utiles au service pour établir notamment les tarifs moyens de quatre catégories de produits qui ont été appliqués aux ventes réalisées pour la reconstitution des recettes, un document établi postérieurement à la période vérifiée, à la demande du vérificateur et pour les seuls besoins du contrôle, ne peut être regardé comme une pièce comptable se rattachant à la période vérifiée dont l'emport, par le vérificateur, sans demande écrite du contribuable et sans remise d'un reçu, serait de nature à vicier la procédure de contrôle ; que, par ailleurs, s'agissant des relevés journaliers de caisse auxquels il a été demandé au gérant de procéder sur une période de onze jours, comme l'atteste la mention portée en première page de ces documents, le vérificateur n'en a emporté qu'une copie ; qu'il suit de là que la société Gazi ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des règles régissant l'emport de documents établis en dehors du cadre d'une vérification de comptabilité et utilisés lors d'un tel contrôle ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si la société Gazi soutient que l'administration fiscale n'a pas respecté les principes d'impartialité et de neutralité pourtant prévus par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié qui lui est opposable en vertu du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, elle ne l'établit pas en se bornant à relever que le vérificateur n'a tenu compte ni de ses observations, ni des éléments qu'elle lui avait communiqués et qu'il n'aurait pas fourni les explications demandées sur les éléments retenus pour procéder aux redressements en litige ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que la société Gazi soutient que l'administration en modifiant les motifs du rejet de la comptabilité dans sa décision portant rejet de la réclamation contentieuse a entaché la procédure d'irrégularité ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que le service, après avoir mentionné dans la proposition de rectification les articles L. 123-12 et suivants du code de commerce, a notamment indiqué, pour remettre en cause la valeur probante et la sincérité de la comptabilité présentée, que les écritures comptables de recettes sont uniquement appuyées de relevés manuels, établis tous les mois et que ces relevés manuscrits mentionnaient le montant des recettes globales réalisées en fin de journée ; que la proposition de rectification du 17 décembre 2012 précise que si l'article 286-3° du code général des impôts autorise les entreprises à comptabiliser les opérations au comptant correspondant à des ventes au détail ou à des services rendus à des particuliers globalement en fin de journée lorsque leur montant unitaire, taxes comprises, est inférieur à 76 euros, cette faculté n'a pas pour effet de dispenser les entreprises de produire tous les documents justificatifs de recettes tels les brouillards de caisse, bande de caisses enregistreuses, bordereaux de ventes ou bordereaux de banque ; que, dès lors, contrairement aux allégations de la requérante, en reprenant ces éléments dans sa décision du 6 août 2014 pour rejeter la réclamation contentieuse de la requérante, le service n'a pas modifié la motivation du rejet de la comptabilité ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité présente de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Gazi a seulement présenté pour la période vérifiée des relevés établis manuellement tous les mois et constatant les recettes globales réalisées en fin de journée ; qu'ainsi la société requérante, qui n'a pas produit lors du contrôle les bandes de la machine à calculer utilisée au cours des exercices litigieux, n'a pas justifié du détail de ses recettes permettant de vérifier les quantités vendues et les moyens de paiement utilisés ; que l'irrégularité tenant à l'absence de présentation des pièces justificatives suffit à rejeter la comptabilité comme non probante ; que, pour ce seul motif, l'administration était fondée à regarder la comptabilité de la société Gazi comme entachée de graves irrégularités la privant de valeur probante et à reconstituer ses recettes ;

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

11. Considérant que les bases d'imposition de la société Gazi, dont la comptabilité a été écartée comme non probante au regard des irrégularités constatées lors de la vérification, ont été établies conformément à l'avis émis le 9 octobre 2013 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, il appartient à la société requérante, en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition ;

12. Considérant que l'administration a déterminé un échantillon de 3 910 commandes enregistrées au cours d'une période témoin de onze jours répartis sur trois mois en cours de contrôle pour calculer la part des ventes de produits les plus représentatifs de l'activité incluant les formules avec frites et boissons comprises, les frites seules et les boissons vendues à l'unité ; que le service a estimé que cette part des ventes établie à partir des données propres à l'exploitation représente 80% des recettes réalisées par la société, le solde de 20% étant constitué des ventes de sandwichs simples, sans frites, ni boissons, de pièces de poulet et nuggets à la pièce, de cafés, desserts et salades ; que pour déterminer les recettes afférentes aux produits les plus représentatifs de l'activité, le service a évalué, d'une part, les achats de frites et de boissons réalisés auprès des fournisseurs, d'autre part, les quantités vendues, en kilogrammes s'agissant des frites et en fonction de différents volumes s'agissant des boissons, après prise en compte des stocks à l'ouverture et à la clôture de chaque exercice vérifié, des pertes en poids, pendant et après cuisson des frites, évaluées à 14% et des pertes et offerts évalués à 2% ; qu'il a déduit le nombre de menus vendus de la quantité de boissons vendues, par application de la proportion constatée lors de la période témoin, puis la quantité de frites vendues avec un menu par application à ce nombre de menus de la quantité de frites servie avec chaque type de menu ; qu'il a enfin déduit de cette quantité de frites vendues avec un menu, par différence d'avec la quantité totale de frites vendues, la quantité de frites vendues seules ; qu'il en a résulté, par application des prix indiqués par le gérant, les recettes totales résultant des ventes de produits les plus représentatifs de l'activité incluant les frites ou les boissons, puis, par application de la proportion de ces recettes dans les recettes totales, le chiffre d'affaires de la société Gazi une fois déduites les consommations du personnel telles qu'enregistrées en comptabilité ;

13. Considérant qu'en se bornant à soutenir que l'administration n'a retenu que deux produits, à savoir les frites et les boissons, sans démontrer que la méthode mise en oeuvre ne serait pas pertinente et que les quantités de frites retenues ne sont pas justifiées, alors au demeurant qu'elle a pris en compte les affirmations de son gérant en cours de contrôle, la société Gazi ne justifie aucunement du caractère erroné des valeurs utilisées pour le calcul de ses recettes ; que, comme l'ont relevé les premiers juges, en proposant diverses hypothèses alternatives pour illustrer l'approximation inhérente à toute reconstitution, sans justifier les hypothèses de pertes qu'elle propose de retenir, lesquelles au demeurant seraient issues de publications et ne seraient donc pas des constats de la réalité de l'exploitation, la société Gazi n'établit pas davantage le caractère exagéré des recettes reconstituées ; que la période témoin en cours de contrôle n'ayant servi qu'à déterminer la proportion dans les ventes totales des ventes de produits les plus représentatifs de l'activité incluant les frites et les boissons et non à déterminer les recettes totales par extrapolation des recettes constatées au cours de cette période, la circonstance qu'elle n'a couvert que onze jours n'est pas de nature à rendre la méthode de reconstitution des recettes excessivement sommaire ; que le montant allégué des consommations du personnel, près de trois fois supérieur à celui comptabilisé par la société à ce titre en 2010 et 2011, n'est aucunement justifié par elle ; que dès lors que les recettes ont été reconstituées à partir des achats revendus de matières premières, la méthode prend nécessairement en compte les effets des travaux ayant entrainé une diminution de la fréquentation du restaurant exploité par la société requérante pendant la période sous contrôle ; que si la société requérante soutient que l'administration n'a pas pris en compte les obligations en matière d'hygiène et de sécurité alimentaire, ni pris en considération les pertes, les offerts et la consommation du personnel sur l'ensemble de la période, elle n'apporte aucun justificatif susceptible de remettre en cause la reconstitution à laquelle a procédé le service ; que les propositions de reconstitution que la requérante a soumises à la commission départementale des impôts et au tribunal administratif aboutissent à des chiffres d'affaires proches de ceux déclarés au bilan des exercices en litige ; que dès lors qu'elles se fondent sur le coefficient d'achat revente résultant du bilan, lequel n'est pas probant du fait du rejet de la comptabilité, ces propositions de reconstitution ainsi que l'analyse des différentes pertes reposant sur des données théoriques étrangères aux conditions d'exploitation de la société ne peuvent être regardées comme constituant des méthodes alternatives pertinentes ; qu'ainsi, la société Gazi n'établit pas le caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire de la méthode de reconstitution de ses recettes ;

Sur les pénalités et intérêt de retard :

14. Considérant que l'intérêt de retard prévu par les dispositions du I de l'article 1727 du code général des impôts, qui s'applique indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable, vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'il suit de là que la société Gazi ne peut utilement soutenir que le taux annuel de l'intérêt de retard doit être limité au taux annuel de l'intérêt légal ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré " ;

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 17 décembre 2012, qu'eu égard à la nature même des manquements, consistant en des omissions de recettes, à leur importance et à leur répétition sur les deux exercices vérifiés, alors que la société Gazi, qui n'a pas comptabilisé l'intégralité de ses achats et n'a pas conservé les bandes de machine à calculer susceptibles de justifier de la consistance de ses recettes, ne pouvait ignorer les graves irrégularités dont sa comptabilité était entachée, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'intention de la société requérante d'éluder l'impôt ; qu'il suit de là que la société Gazi n'est pas fondée à demander la décharge de la majoration qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ;

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement attaqué :

17. Considérant que, dès lors que, par le présent arrêt, il est statué sur le fond du litige, les conclusions de la SARL Gazi tendant au prononcé du sursis à l'exécution du jugement du 19 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris sont, à les supposer recevables, devenues sans objet ; qu'il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la société Gazi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de sa requête tendant à l'annulation dudit jugement et à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de contribution annuelle sur les ventes de produits alimentaires à consommer sur place ou à emporter qui ont été mis à sa charge au titre de la période correspondant à ces deux exercices, ainsi que des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SARL Gazi tendant au sursis à l'exécution du jugement.

Article 2 : Le surplus de la requête de la société Gazi est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Gazi et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques (direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris - pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 28 février 2017 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

Lu en audience publique le 14 mars 2017.

Le rapporteur,

A. MIELNIK-MEDDAH

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA03081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03081
Date de la décision : 14/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : JESSLEN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-14;15pa03081 ?
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