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28/02/2017 | FRANCE | N°16PA01208

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 28 février 2017, 16PA01208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 11 septembre 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1516987/2-2 du 7 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 11 septembre 2015 et enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. E..

. dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E...a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté en date du 11 septembre 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1516987/2-2 du 7 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 11 septembre 2015 et enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. E... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer durant cette période une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1516987/2-2 du 7 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision au motif que M. E... justifiait de sa présence habituelle et continue en France depuis le 22 mai 2008, que quand bien même l'ancienneté de son séjour aurait été démontrée, sa situation professionnelle et privée n'était pas constitutive de considération humanitaire ou motif exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant la délivrance d'un titre de séjour ;

- il renvoie à ses écritures de première instance en ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. E....

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2016, complété par la production de pièces nouvelles enregistrées le 20 décembre 2016 et le 3 janvier 2017, M. E... représenté par Me A...C...conclut au rejet de la requête du préfet de police et demande à la Cour d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou de la décision fixant le pays de destination et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les moyens de la requête du préfet de police ne sont pas fondés ;

- il maintient ses écritures de première instance.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 7 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,

- les observations de MeD..., représentant M. E...,

- et les observations de M.E....

1. Considérant que, par arrêté du 11 septembre 2015, le préfet de police a refusé de délivrer à M. E..., né le 14 novembre 1973 à Douala, de nationalité camerounaise, un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement du 7 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé ledit arrêté et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. E... dans un délai de trois mois ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision contestée au motif que le préfet de police avait commis une erreur de fait en fondant son refus sur l'absence de justificatifs de présence habituelle en France de M. E... depuis au moins le 22 mai 2008 et qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur cette circonstance erronée ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. E... ne justifie de ses premières démarches en préfecture qu'à partir du 22 mai 2008 ; qu'il a bénéficié du 29 juin 2011 au 28 juin 2012 d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, renouvelé jusqu'au 28 juin 2013 ; que n'ayant pas été en mesure de démontrer sa participation à l'entretien de son enfant née le 29 août 2007 en Guadeloupe, il a fait l'objet d'un refus de titre le 4 décembre 2013 ; que s'il a produit à l'appui de sa nouvelle demande de titre un contrat de travail en tant qu'agent de surveillance, il est célibataire et n'établit pas, par les pièces qu'il produit, participer à l'entretien et à l'éducation de son enfant et ne conteste pas que cette dernière vit en Guadeloupe avec sa mère ; qu'ainsi, il ne ressort pas de l'ensemble de sa situation qu'il répondait à la date de l'arrêté contesté à des considérations humanitaires ou motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ; qu'ainsi le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté pour erreur de fait en estimant, alors que la présence en France de l'intimé était établie depuis au moins l'année 2008, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé sur cette circonstance erronée ;

3. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la Cour ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2015-00612 du 20 juillet 2015 du préfet de police, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du 21 juillet suivant, M. Laurent Stirnemann, conseiller d'administration de l'intérieur et de

l'outre-mer, a été habilité à signer tous actes et arrêtés dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités ; que la simple publication de cette délégation est suffisante pour en assurer l'opposabilité aux tiers ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté du 11 septembre 2015 n'aurait pas été titulaire d'une délégation régulière doit être écarté comme manquant en fait ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que M. E... fait valoir qu'entré en France en septembre 2004, il s'y maintient depuis plus de dix ans ; que toutefois, il n'établit pas sa présence habituelle en France avant 2008 en se bornant à produire un seul document par an pour les années 2005 et 2006 et quatre documents pour l'année 2007, composés d'une attestation d'aide médicale de l'Etat du 26 mars, d'un bulletin d'hospitalisation assorti du compte rendu afférent des 18 et 20 septembre et d'une ordonnance médicale du 3 octobre 2007 ; que M. E... se prévaut également d'un contrat de travail à durée indéterminée dans le métier d'agent de sécurité et de sa parfaite insertion professionnelle depuis mai 2011 ; que, toutefois, s'il a travaillé de manière habituelle durant dix-sept mois du 26 mai 2011 au 19 septembre 2012, son activité professionnelle est limitée à six mois pour l'année 2013 et à un mois pour les années 2014 et 2015 ; qu'au vu de l'ensemble des éléments de sa situation, la circonstance qu'il dispose d'un contrat de travail ne suffit pas à lui conférer un droit au séjour au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, cette activité professionnelle d'agent de sécurité ne revêt pas de spécificités particulières ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle doit être écarté ;

6. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que M. E... se prévaut de son ancienneté de présence en France, de son insertion sociale et professionnelle, des liens personnels intenses qu'il y a créés et de l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine suite au décès de ses deux parents ; que toutefois, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, M. E..., dont la présence habituelle en France n'est pas établie avant 2008, comme il a été dit au point 5, et qui ne justifie que de deux feuilles de paie pour les année 2014 et 2015, ne produit à l'appui de ses allégations aucun justificatif démontrant l'existence d'attaches familiales en France, ayant lui-même reconnu que sa fille française vivait auprès de sa mère, et ne fournit pas non plus les actes de décès de ses parents, alors qu'il a déclaré sur la feuille de salle complétée par ses soins le 21 janvier 2014 que sa mère résidait au Cameroun ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. E... ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant que l'ensemble des moyens dirigés contre les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de ces décisions, ne peut qu'être rejeté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 septembre 2015 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. E... ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. E..., de même que celles qu'il a présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1516987/2-2 du 7 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... E.... Copie en sera adressée au préfet de police

Délibéré après l'audience du 7 février 2017 à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président de la formation de jugement,

M. Pagès, premier conseiller,

M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique le 28 février 2017.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

B. AUVRAY

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 16PA01208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01208
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : BEN YAHMED

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-02-28;16pa01208 ?
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