Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet de police du 27 mai 2015 en tant qu'il porte à son encontre obligation de quitter le territoire français et d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans un délai de trois mois à compter du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1520166/2-3 du 31 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à sa demande en annulant la décision du 27 mai 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire français et en enjoignant au préfet de police, sans assortir cette injonction d'une astreinte, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2016, le préfet de police, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1520166/2-3 du 31 mars 2016 en tant que le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme D...A... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de Mme A...contrevenait aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée, à sa dernière adresse connue, à Mme D...A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Appèche a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le préfet de police doit être regardé comme relevant appel du jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1520166/2-3 du 31 mars 2016 en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande présentée devant lui par Mme D...A..., en annulant son arrêté du
27 mai 2015 en tant qu'il porte à l'encontre de l'intéressée obligation de quitter le territoire français et en lui enjoignant de délivrer à celle-ci une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans un délai de trois mois ;
2. Considérant que les premiers juges ont annulé l'obligation de quitter le territoire français faite à MmeA..., motif pris que cette obligation méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce que conteste le préfet de police ;
3. Considérant que MmeA..., ressortissante togolaise, née à Lomé, le 4 mai 1995 soutenait devant le tribunal administratif être entrée en France le 12 mars 2013, soit moins de deux mois avant sa majorité ; qu'elle a sollicité le 21 mai 2013 la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 28 août 2014, et la Cour nationale du droit d'asile, le 9 avril 2015, ont refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié, estimant que les allégations de Mme A...selon lesquelles elle aurait quitté son pays en vue de se soustraire à un mariage forcé voulu par sa famille, étaient peu crédibles, ces instances relevant notamment que le père de MmeA..., entrepreneur dans la capitale du Togo avait permis à l'intéressée d'y poursuivre des études secondaires jusqu'au baccalauréat et avait lui-même organisé la venue et financé le voyage en France de l'intéressée et de sa jeune soeur ; que suite à ces refus d'octroi de la qualité de réfugié ainsi que du bénéfice de la protection subsidiaire, le préfet de police, qui ne pouvait que rejeter la demande d'admission au séjour au titre de l'asile de MmeA..., a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant que Mme A...n'a pas sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions susénoncées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que toutefois, en se prévalant de ces dispositions, elle doit être regardée comme soutenant faire partie des étrangers qui, remplissant les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour, ne peuvent légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
6. Considérant que Mme A...était âgée de 20 ans à la date de la décision contestée et n'était alors arrivée en France, dans les conditions susdécrites, que depuis deux ans ; qu'elle est célibataire, sans charge de famille ; que si, entrée en France moins de deux mois avant sa majorité, elle a été prise en charge par le bureau de l'aide sociale à l'enfance de Paris en qualité de mineure non accompagnée à compter du 14 mars 2013 et a été scolarisée à compter de septembre 2013 en vue de préparer le certificat d'aptitude professionnelle de coiffure puis un brevet professionnel de coiffure, ces circonstances ne sauraient suffire à démontrer qu'elle avait tissé en France des liens personnels particulièrement anciens, profonds et intenses ; que la circonstance qu'elle aurait, postérieurement à l'arrêté contesté, conclu un contrat de professionnalisation pour la période du
1er septembre 2015 au 30 juin 2017, est sans incidence que la légalité de cet arrêté ; que, par ailleurs, si Mme A...est entrée en France avec une soeur cadette, qui a été prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance, il est constant qu'à la date de la décision contestée, Mme A...ne vivait, en tout état de cause, pas avec sa soeur alors âgée de dix-sept ans ; que Mme A...a des attaches familiales fortes dans son pays où vivent ses parents ainsi que ses soeurs ainées ; qu'ainsi, et comme le soutient le préfet de police, il ne résulte pas de l'ensemble de la situation susdécrite de Mme A...et notamment de ses conditions d'entrée et d'existence en France, que l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte telle qu'elle serait disproportionnée au regard des buts poursuivis par l'autorité préfectorale, et, par suite, contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossiers que Mme A...remplissait les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions législatives énoncées ci-dessus ; que par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif susanalysé pour annuler l'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de MmeA... ;
7. Considérant toutefois qu'il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués devant le tribunal administratif par Mme A...à l'encontre de cette mesure d'éloignement ;
8. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2014-00739 du 1er septembre 2014, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 5 septembre suivant, le préfet de police a donné à M. C...B..., signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait et doit être écarté ;
9. Considérant, que dans l'arrêté contesté, le préfet de police énonce, de manière suffisamment précise et complète, les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde pour prendre son arrêté, qui satisfait, dès lors, aux exigences de motivation posées par les dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que de cette motivation il ressort que cet arrêté a été pris après un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée ;
10. Considérant que MmeA..., qui a eu la possibilité d'être entendue par les services préfectoraux, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour en qualité de réfugié, et qui ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de cette demande, elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, a, contrairement à ce qu'elle soutient dans ses écritures produites devant le tribunal administratif, également eu la possibilité de faire valoir son point de vue de manière utile et effective concernant non seulement sa demande de titre séjour mais également son éventuel éloignement ;
11. Considérant, qu'eu égard à l'ensemble des éléments caractérisant sa situation et rappelés ci-dessus notamment aux points 3 et 6, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre procèderait d'une appréciation manifestement erronée des conséquences d'une telle mesure sur sa situation personnelle ;
12. Considérant, enfin, que si Mme A...invoque une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle ne justifie pas qu'elle serait, en cas de retour dans son pays, exposée à des risques personnels de traitements inhumains et dégradants, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile n'ayant, d'ailleurs, pas accordé de crédit à ses allégations sur ce point ; que le moyen susanalysé ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
13 Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de police est fondé à obtenir l'annulation du jugement n° 1520166/2-3 du 31 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande présentée devant lui par MmeA..., en annulant l'arrêté préfectoral du 27 mai 2015 en tant qu'il porte à l'encontre de l'intéressée obligation de quitter le territoire français et en enjoignant à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur la situation de l'intéressée dans un délai de trois mois, ainsi que le rejet de la demande présentée en première instance par Mme A...;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1520166/2-3 en date du 31 mars 2016 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D...A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er février 2017, où siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 février 2017
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S.DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01509