Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 mai 2015 par lequel le préfet de police a refusé son admission au séjour au titre de l'asile et a décidé sa remise aux autorités hongroises.
Par un jugement n° 1509240/5-2 du 10 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 février 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1509240/5-2 du 10 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant ce tribunal.
Il soutient que l'arrêté attaqué n'a pas été pris au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
La requête du préfet de police a été transmise à la dernière adresse connue de M. B... A..., lequel n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 28 novembre 2016 prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Appèche a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., né le 10 juin 1982 en Afghanistan, pays dont il a la nationalité, entré en France selon ses déclarations le 7 décembre 2014, s'est présenté aux services de la préfecture de police le 3 mars 2015 afin de solliciter son admission provisoire au séjour au titre de l'asile et a remis à l'autorité compétente le formulaire de sa demande dûment complété le 10 mars suivant ; que, par un arrêté du 11 mai 2015, le préfet de police a rejeté sa demande, a prononcé sa remise aux autorités hongroises en charge de l'examen de sa demande d'asile et l'a muni d'un laissez-passer européen conformément au règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé ; que le préfet de police relève régulièrement appel du jugement n° 1509240/5-2 du 10 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la demande de M.A... ;
2. Considérant que, pour annuler l'arrêté du préfet de police, les premiers juges ont relevé que M. A...ne s'était vu remettre le document d'informations prévu par les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 que le 10 mars 2015 alors qu'il avait fourni les informations pour déterminer l'Etat membre responsable de sa demande d'asile au plus tard le 3 mars 2015, date à laquelle ont été exploitées ses empreintes digitales, et n'a bénéficié d'aucun entretien individuel ; que les juges de première instance ont dès lors considéré que l'arrêté litigieux avait été pris en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013, ce que conteste le préfet de police dans ses écritures d'appel ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : 1 a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; 1 b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; 1 c) de l 'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; 1 d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; 1 e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ;(...) 1 j) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. 1 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5.FR 29.6.2013 Journal officiel de l'Union européenne L 180/37/3. La commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement précité du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où sa demande de protection internationale est introduite et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : (...) b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable. L'Etat membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1.(...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel.(...) 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les autorités de l'Etat membre doivent, afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable de la demande d'asile, mener un entretien individuel avec le demandeur à l'effet notamment de veiller à ce que celui-ci ait reçu et compris les informations prévues à l'article 4 ; que cet entretien peut, toutefois, ne pas avoir lieu lorsque le demandeur, après avoir reçu les informations visées à l'article 4 du règlement, a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable de sa demande d'asile ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que, si
M. A...s'est présenté aux services de la préfecture de police le 3 mars 2015, ce n'est que le 10 mars suivant que l'intéressé a remis à l'autorité compétente le formulaire d'admission au séjour au titre de l'asile dûment renseigné et signé ; que, dès lors, en vertu des dispositions précitées de l'article 20 du règlement du 26 juin 2013, la demande de protection internationale de M. A... doit être regardée comme ayant été introduite le 10 mars 2015 ; que le préfet de police a remis, à cette date, à l'intéressé, deux notices d'information, rédigées dans sa langue d'origine, dont l'intéressé n'a, en première instance, pas critiqué le contenu ; qu'il est constant que le préfet de police disposait, dès le début de la procédure, grâce à la consultation du fichier Eurodac après le relevé des empreintes digitales de M. A..., d'éléments d'information utiles lui permettant de constater que ce dernier avait déjà déposé une demande d'asile en Hongrie ; que, par ailleurs, M. A...a mentionné, dans sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, les différents pays qu'il avait traversés avant de se rendre en France et d'y solliciter l'asile et qu'il a également donné des indications sur sa situation familiale ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu que l'administration, après le dépôt de sa demande et la remise des notices d'information mentionnées ci-dessus, aurait empêché M. A... ou ne lui aurait pas donné la possibilité de fournir d'autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable du traitement de sa demande d'asile ; qu'ainsi, M. A... entrait dans le champ des exceptions à l'obligation de mener un entretien individuel prévu au b° du 2 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé qu'il avait méconnu ces dispositions ;
8. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du règlement susvisé du 26 juin 2013 :
" 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers (...) dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre (...) " ; qu'aux termes de l'article 23 de ce règlement : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d) c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. (...) 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'Etat membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) " ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le service des étrangers de la préfecture de police a procédé au relevé des empreintes digitales de M. A...le
3 mars 2015 ; que, par une lettre du même jour, le chef de service de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur a informé le préfet de police de ce que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac avaient donné un résultat positif et que les empreintes de M. A... étaient identiques à celles relevées le 10 septembre 2014 par les autorités hongroises sous le numéro HU 1 330008226176 ; que figure au dossier la copie d'un courrier électronique daté du 11 mars 2015 constituant la réponse automatique à une demande formulée au moyen de l'application "DubliNET" dans le cadre du règlement Dublin III ; que l'Etat français a dès lors présenté sa requête de reprise en charge dans le délai de deux mois imparti par les dispositions précitées de l'article 23 du règlement du 26 juin 2013 ; que, par suite, le moyen tiré du non respect de ce délai doit être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à obtenir l'annulation du jugement n° 1509240/5-2 du 10 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 mai 2015, lui a enjoint de réexaminer la demande de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la demande présentée par M. A..., devant le Tribunal administratif de Paris, doit être rejetée ;
DÉCIDE
Article 1er : Le jugement n° 1509240/5-2 du 10 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er février 2017 à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 février 2017.
Le rapporteur,
S. APPECHE
Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00605