Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 788,10 euros avec les intérêts au taux légal et leur capitalisation en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de l'immunité d'exécution dont bénéficient en France les organes des Nations Unies et du refus du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) d'exécuter l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 7 novembre 2006 relatif à son licenciement.
Par un jugement n° 0908076/5-2 du 1er décembre 2011, ce tribunal a condamné l'Etat à lui verser la somme de 19 776 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi, et mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt n° 12PA00444 du 19 juin 2014, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête du ministre des affaires étrangères et européennes contre ce jugement.
Par une décision n° 383835 du 11 décembre 2015, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi du ministre des affaires étrangères et du développement international, annulé l'arrêt n° 12PA00444 du 19 juin 2014 et renvoyé l'affaire à la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et des mémoires complémentaires enregistrés respectivement le 24 janvier et le 14 novembre 2012 et, après cassation, le 8 décembre 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0908076/5-2 du 1er décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser la somme de 19 766 euros à M. B... C..., augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le préjudice allégué par M. C... ne revêt pas un caractère spécial ;
- l'exception du risque accepté s'oppose à l'indemnisation du préjudice de M. C... qui ne pouvait ignorer les privilèges et immunités dont le Haut-commissariat aux réfugiés bénéficiait en tant qu'organisation internationale ;
- le préjudice n'est pas certain dès lors que M. C... aurait pu exercer une voie de droit qui lui était ouverte en application de la section 29 de la convention internationale du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations-Unies et dès lors que le HCR a satisfait à l'obligation de prévoir une voie de droit utile du fait, d'une part, de la proposition d'un mode de règlement amiable des différends avec ses personnels, d'autre part, de la proposition d'un règlement du litige par la voie arbitrale, selon les règles de la CNUDCI, dont la sentence aurait lié les deux parties dès son prononcé en vertu du point 2 de l'article 32 du règlement d'arbitrage de cette commission ;
- M. C... n'a pas accepté les voies de recours qui lui étaient proposées et qui n'étaient manifestement pas vouées à l'échec ;
- l'argumentation de M. C..., selon laquelle seul le droit français est applicable à sa situation dès lors qu'il a exercé des fonctions de nature juridictionnelle en tant que membre du HCR intégré dans le fonctionnement de la Cour nationale du droit d'asile, est inopérante et l'intéressé ne saurait invoquer une quelconque considération tirée du " principe de souveraineté nationale " ;
- le préjudice invoqué par M. C... ne présente pas un lien direct avec la conclusion et l'application de la convention du 13 février 1946 dès lors que cette convention elle-même prévoit l'obligation de mettre en place un mode approprié de règlement des différends qui aurait pu éviter la réalisation de ce préjudice.
Par des mémoires en défense enregistrés respectivement le 22 octobre 2012 et, après cassation, le 28 octobre 2016 et 20 janvier 2017, M. C..., représenté par MeA..., conclut au rejet du recours et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son préjudice est spécial ;
- le HCR, en tant qu'il n'agit pas dans le cadre de son mandat international et qu'il participe à une juridiction administrative française, ne peut bénéficier de l'immunité de juridiction et se trouve soumis au droit français seul applicable en vertu du principe de la souveraineté nationale ;
- aucun texte législatif ou réglementaire ne contient de dispositions permettant à un arbitre d'une commission internationale pour le droit commercial international de s'immiscer dans le fonctionnement d'une juridiction administrative et de connaître du secret du délibéré ;
- le recours à un prétendu arbitre intervenant dans le cadre d'une commission concernant le droit commercial international était juridiquement impossible du fait même de la nature du litige ;
- aucune clause du contrat de travail ne prévoit un éventuel recours à un quelconque arbitrage ;
- l'exception du risque accepté ne peut lui être opposée ;
- son préjudice est certain dès lors que le litige qui a trait au fonctionnement d'une juridiction administrative française ne peut être réglé par une autorité arbitrale étrangère.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations-Unies ;
- l'accord du 18 février 1953 entre le Gouvernement français et le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés en vue de l'installation en France et du fonctionnement en France de la Délégation du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ;
- le règlement d'arbitrage de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international adopté le 15 décembre 1976 ;
- la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 portant création d'un office français de protection des réfugiés et des apatrides ;
- la loi n° 2003-1367 du 31 décembre 2003 autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale ;
- le décret du 26 avril 1947 relatif à l'exécution la convention internationale du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations-Unies ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mielnik-Meddah,
- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.
1. Considérant que M. C... a été recruté par la délégation pour la France du
Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en qualité de juge assesseur auprès de la Commission de recours des réfugiés par un contrat conclu le 6 août 1990 ; qu'il a été licencié le 13 mars 1998 ; que, par un arrêt en date du 7 novembre 2006, devenu définitif, la Cour d'appel de Paris a condamné la délégation du HCR à verser à M. C... la somme de 16 766 euros au titre de ses congés payés, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que la délégation du HCR a refusé d'exécuter cet arrêt en invoquant l'immunité prévue par la section 2 de l'article 2 de la convention internationale du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies à laquelle renvoie le 8° de l'accord conclu le 18 février 1953 entre le Gouvernement français et le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés en vue de l'installation en France et du fonctionnement en France de la délégation du Haut-commissariat ; que M. C... a, le 5 janvier 2009, présenté au ministre des affaires étrangères une demande, à laquelle il n'a pas été répondu, tendant à obtenir la réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi en raison de l'immunité d'exécution dont bénéficient en France les organes des Nations Unies et du refus d'exécution par le HCR de l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 7 novembre 2006 ; que, par un jugement du 1er décembre 2011, le Tribunal administratif de Paris a jugé que la responsabilité de l'Etat français était engagée et a condamné celui-ci à verser à M. C... la somme totale de 19 766 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ; que, par un arrêt du 19 juin 2014, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel du ministre des affaires étrangères et du développement international contre ce jugement ; que, par une décision n° 383835 du 11 décembre 2015 le Conseil d'Etat a, sur pourvoi du ministre des affaires étrangères et du développement international, annulé l'arrêt du 19 juin 2014 et renvoyé l'affaire devant la Cour ;
2. Considérant que la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de conventions conclues par la France avec d'autres Etats ou avec des organisations internationales et incorporées régulièrement dans l'ordre juridique interne, à la condition, d'une part, que ni la convention elle-même ni la loi qui en a éventuellement autorisé la ratification ne puissent être interprétées comme ayant entendu exclure toute indemnisation et, d'autre part, que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés ; que pour déterminer le caractère direct et certain du préjudice, il appartient au juge administratif de rechercher si une autre voie de droit, notamment celle de l'arbitrage, pouvait être exercée par la victime et lui offrir une chance raisonnable de recouvrer sa créance ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort ni des termes de l'accord du 18 février 1953 entre le Gouvernement français et le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, en vue de l'installation en France et du fonctionnement en France de la délégation du Haut-commissariat, ni de la convention du 13 février 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies auquel cet accord renvoie, ni de la loi du 31 décembre 2003 autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale validant la ratification de la convention du 13 février 1946 que les parties auraient entendu exclure toute indemnisation par l'Etat des préjudices nés de leur application ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 8° de l'accord du 18 février 1953 entre le Gouvernement français et le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, la délégation du HCR en France " jouit des avantages et immunités prévus par la convention des Nations Unies du 13 février 1946 " ; qu'aux termes de l'article II de cette convention intitulé " Biens, Fonds et Avoirs " : " Section 2. L'Organisation des Nations Unies, ses biens et avoirs, quels que soient leur siège et leur détenteur, jouissent de l'immunité de juridiction, sauf dans la mesure où l'Organisation y a expressément renoncé, dans un cas particulier. Il est toutefois entendu que la renonciation ne peut s'étendre à des mesures d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article VIII intitulé " Règlement des Différends " de la même convention : " Section 29. L'Organisation des Nations Unies devra prévoir des modes de règlement appropriés pour : / a) les différends en matière de contrats ou autres différends de droit privé dans lesquels l'Organisation serait partie ; (...) " ; que la ratification de cette convention par le décret du 26 avril 1947 relatif à son exécution a été validée par l'article 2 de la loi n° 2003-1367 du 31 décembre 2003 susvisée autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les contrats conclus entre le HCR et M. C... entre 1990 et 1995 ne contiennent aucune clause compromissoire ; qu'au regard de plusieurs courriers, en date des 9 mars, 14 avril et 16 avril 1998 intitulés respectivement " licenciement ", " recours hiérarchique sommaire " et " observations complémentaires tendant à l'annulation d'une décision de M. D... du HCR " M. C... doit être regardé comme ayant recherché, par la présentation de ces demandes gracieuses, une solution amiable au litige en cause ; que, par deux courriers du 4 mai 1998 et du 22 mars 1999, le conseiller juridique du HCR a opposé aux réclamations de M. C..., non seulement l'immunité dont jouit le HCR sur le fondement de l'accord du 18 février 1953 et de la convention du 13 février 1946 précités, mais également l'impossibilité de recourir à une procédure de recours interne et par voie de conséquence de présenter un recours hiérarchique, au motif qu'une telle procédure est réservée aux seuls fonctionnaires de l'organisation ; que le conseiller juridique a notamment indiqué que " s'il s'avérait qu'un accord à l'amiable dans le litige qui vous oppose à la délégation du HCR Paris n'est pas envisageable nous vous proposons selon la pratique des Nations Unies de soumettre le litige (...) à un arbitre désigné d'un commun accord, selon les règles de l'UNCITRAL ", à savoir la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), mais que " Toutefois, selon la pratique constante des Nations Unies une solution doit être si possible considérée avant de recourir à l'arbitrage " ; que par deux notes verbales du 1er mars 2000 et du 24 juin 2002 à l'intention du représentant permanent de la France auprès de l'Organisation des Nations Unies (ONU), le Secrétaire général des Nations Unies et le conseiller juridique du HCR ont réitéré cette position ; qu'ultérieurement, à l'issue d'une procédure devant le conseil de prud'hommes puis devant la Cour d'appel de Paris, ayant donné lieu à deux jugements du 22 février 2000 et du 21 juillet 2004 et deux arrêts du 14 décembre 2000 et du 7 novembre 2006 ainsi qu'à un renvoi préjudiciel devant le Conseil d'Etat sur lequel celui-ci a statué par une décision du 16 juin 2003, le HCR a été condamné par la Cour d'appel de Paris à indemniser M. C... à hauteur de 19 766 euros ; que, par un courrier du 5 janvier 2007 adressé au représentant permanent de la France auprès de l'ONU, le conseiller juridique du HCR a rappelé l'immunité dont jouit le HCR ainsi que la possibilité pour M. C... de recourir à un arbitrage ; que, par un courrier du 27 mai 2008 adressé au représentant permanent de la France auprès de l'ONU, le conseiller juridique du HCR a opposé au commandement de payer adressé par huissier de justice le 20 mai 2008 et relatif à la créance de M. C... l'immunité d'exécution dont bénéficie le Haut-commissariat et rappelé la possibilité de recourir à un arbitrage dans les mêmes termes que ceux des courriers précédents ; qu'enfin, par un courrier du 28 novembre 2008 le ministère des affaires étrangères a informé l'huissier de justice chargé de recouvrer la créance de M. C... que la délégation auprès du HCR bénéficie de l'immunité d'exécution ;
6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'ensemble des éléments rappelés au point précédent, et notamment des courriers que le HCR a adressés à M. C..., que le
Haut-commissariat, en se bornant à se référer aux " règles de l'UNCITRAL " pour la mise en oeuvre de la voie alternative de l'arbitrage n'a jamais informé l'intéressé de la procédure effective et pratique à mettre en oeuvre ; que le HCR n'a pas plus précisé les conditions dans lesquelles une solution amiable pouvait intervenir préalablement, alors que M. C..., en tant qu'agent contractuel du HCR, ne pouvait se prévaloir de la procédure du recours hiérarchique ; que, dans ces conditions, le HCR ne peut être regardé, en l'espèce, comme ayant proposé à M. C... un " mode de règlement approprié " du litige qu'il lui incombait de prévoir selon les termes de la section 29 de l'article VIII de la convention du 13 février 1946 précitée applicable aux litiges opposant le HCR et ses agents contractuels à l'effet de permettre à l'intéressé d'obtenir la reconnaissance d'un droit à indemnisation ; qu'il suit de là qu'il ne peut être valablement reproché à M. C... d'avoir refusé le recours à l'arbitrage, qui lui avait été ainsi proposé de façon purement formelle et que, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères, les seules stipulations de la convention du 13 février 1946 prévoyant l'obligation de mettre en place un mode approprié de règlement des différends n'étaient pas de nature à éviter la réalisation du préjudice ;
7. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des stipulations précitées de la convention des Nations Unies du 13 février 1946 à laquelle renvoie l'accord du 18 février 1953 entre le Gouvernement français et le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés que l'immunité d'exécution dont jouit le HCR est absolue dès lors que cette organisation ne peut y renoncer ; que la seule stipulation du point 2 de l'article 32 du règlement d'arbitrage de la CNUDCI selon laquelle " les parties s'engagent à exécuter sans délai la sentence " ne pouvait valoir à l'égard du HCR renonciation à son immunité d'exécution ; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le Haut-commissariat ait manifesté à un quelconque stade de la procédure qui l'a opposé à M. C... la volonté de renoncer à son immunité d'exécution ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'à supposer même qu'à l'issue de la recherche d'une solution amiable au litige, M. C... ait pu, grâce à une procédure d'arbitrage, bénéficier d'une voie de recours, celle-ci ne lui offrait pas une chance raisonnable de faire valoir ses droits effectifs à indemnisation ; que d'ailleurs la Cour d'appel de Paris a relevé dans son arrêt du 7 novembre 2006 mentionné au point 1 qu'" il n'est pas établi qu'à l'époque de la rupture, intervenue en février 1998, ce dernier [M. C...] disposait au sein de l'Organisation Internationale, d'un tribunal ayant compétence pour statuer sur des litiges de cette nature et par conséquent d'une voie autre que la saisine des juridictions nationales pour faire valoir ses droits " ; qu'en tout état de cause, eu égard à la longueur de la procédure engagée par M. C... depuis plus de seize ans, à laquelle a participé la validation de la ratification de la convention du 13 février 1946 mentionnée au point 4, il n'est pas raisonnable d'exiger de M. C... une nouvelle action par la voie de l'arbitrage ; que par suite, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères, le préjudice invoqué par M. C... présente un caractère direct et certain ;
9. Considérant, en troisième lieu, que le préjudice invoqué par M. C..., qui résulte de l'immunité d'exécution prévue au profit des organes des Nations Unies par les stipulations de la section 2 de l'article II de la convention internationale du 13 février 1946 revêt un caractère de gravité, au demeurant non contesté, de nature à ouvrir droit à indemnisation ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, ce préjudice revêt également un caractère spécial dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il existerait d'autres victimes d'un dommage analogue à celui subi par M. C..., auxquelles le HCR ou d'autres organes des Nations Unies en France auraient opposé l'immunité d'exécution dont ces organisations bénéficient sur le fondement de la convention du 13 février 1946 ; que, par suite, ce préjudice ne peut être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 7 novembre 2006 que M. C... doit être regardé comme ayant été employé par le HCR à compter du 6 août 1990 en vertu d'un contrat de travail, exécuté sur le territoire français, régi par la loi française et qu'il avait ainsi la qualité de salarié ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, un salarié ne peut être réputé avoir par avance accepté le risque résultant de la méconnaissance par son employeur des dispositions d'ordre public applicables à la conclusion, à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail ; que, parmi ces dispositions, figurent celles permettant le recouvrement, même contraint, des créances salariales du salarié sur son employeur en contrepartie du travail effectué et des indemnités pouvant résulter de la rupture de ce contrat par l'employeur ; que par suite, la circonstance que M. C..., recruté en qualité de juge assesseur, aurait eu les connaissances juridiques permettant de prévoir les conditions dans lesquelles le contrat de travail allait être exécuté et les risques susceptibles d'en résulter, alors qu'en tout état de cause la convention par laquelle le HCR bénéficie d'une immunité a dû être ratifiée par une loi de validation du 31 décembre 2003, est sans incidence sur le litige ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a retenu la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques et l'a condamné à indemniser M. C... du préjudice subi par celui-ci ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre des affaires étrangères et du développement international est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des affaires étrangères et du développement international et à M. B... C....
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2017 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
Lu en audience publique le 7 février 2017.
Le rapporteur,
A. MIELNIK-MEDDAH Le président,
J. KRULIC Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre des affaires étrangères et du développement international en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04836