Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner France-Télécom, devenue la société Orange, à lui verser la somme de 213 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'absence d'avancement dans son corps de reclassification.
Par un jugement n° 1310406/5-2 du 21 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2015 et un mémoire enregistré le 25 mai 2016, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 mai 2015 ;
2°) de condamner la société Orange à lui verser la somme de 213 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le grade de reclassification d'agent de maîtrise (II-3) comporte, en vertu du décret statutaire n° 2004-765 des missions de direction, d'animation d'équipes ou de conseil; ayant exercé des responsabilités supérieures, elle aurait dû, en 1993, être reclassifiée dans le grade supérieur, soit en III-2 ; depuis, elle a accepté de nombreuses affectations ; seules des fonctions d'agent d'exécution lui ont été confiées ; depuis 2008, sa situation n'a pas évolué et elle n'a bénéficié d'aucune promotion par reconnaissance de compétence ;
- plusieurs de ses collègues ont bénéficié d'une évolution de carrière plus favorable ;
- elle a refusé deux postes qui lui ont été proposés et qui étaient censés, selon Orange, lui permettre d'accéder ensuite à une promotion pour des raisons légitimes ;
- ainsi, Orange ne lui a jamais fourni un poste correspondant à son grade, ce qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité de cette société ;
- elle a fait l'objet d'une discrimination ;
- elle a subi un préjudice matériel de 113 000 euros et un préjudice moral de 100 000 euros ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2016, la société Orange, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la créance invoquée est prescrite ;
- les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 mai 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 9 janvier 1984 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Petit,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour MmeC....
1. Considérant que MmeC..., fonctionnaire des postes et télécommunications, a été intégrée dans le corps de classification des agents de maîtrise de France Télécom, par décision du 15 janvier 1996, à compter du 31 décembre 1993, à un niveau 2.3, dans le grade d'agent de maîtrise ; qu'elle est demeurée dans ce même grade au même niveau depuis cette date ; que, par lettre du 31 mars 2011, elle a demandé à Orange sa nomination au grade 4.2 avec " reconstitution de sa carrière " ; que par décision du 18 mai 2011, le directeur des affaires réglementaires et statutaires d'Orange a rejeté cette demande ; que, le 27 mars 2013, Mme C... a demandé à Orange de lui verser une indemnité en réparation du préjudice financier et moral qu'elle estime avoir subi du fait du traitement discriminatoire dont elle aurait fait l'objet au cours de sa carrière ; que cette réclamation a été implicitement rejetée ; que par un jugement du 21 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation d'Orange à lui verser la somme de 213 000 euros ; que Mme C...fait appel de ce jugement ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que France-Télécom aurait, compte-tenu notamment des fonctions qu'occupait antérieurement Mme C...et de son grade antérieur de contrôleur divisionnaire, commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant, en 1996, pour sa " reclassification " à compter du 31 décembre 1993, le niveau 2.3 du grade d'agent de maîtrise ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C...ne bénéficiait pas d'un droit à un avancement de grade ; qu'il résulte de l'instruction que la société Orange a proposé à plusieurs reprises à la requérante des affectations dans des emplois susceptibles de la faire bénéficier ensuite d'un avancement, mais que celle-ci a refusé ces changements d'affectation ; que les dispositions de l'article 58 de la loi n° 84-16 du 9 janvier 1984, selon lesquelles l'avancement de grade a en principe lieu de façon continue d'un grade au grade supérieur, ne permettaient pas un avancement direct aux niveaux 3.3 ou 4.2, revendiqués par MmeC... ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait présenté sa candidature à des épreuves de sélection professionnelle susceptibles de la faire accéder au grade immédiatement supérieur au sien ; que les quelques éléments produits par Mme C...concernant son évaluation professionnelle ne permettent pas une comparaison entre ses mérites, sur l'ensemble de la période concernée, et ceux des agents ayant bénéficié d'un avancement de grade ; que, dans ces conditions, le maintien de MmeC..., depuis le 13 décembre 1993 au niveau de classification 2.3 dans le grade d'agent de maîtrise ne peut être regardé comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. [...] " ; qu'il résulte de ces dispositions que, s'il appartient au requérant qui demande réparation du préjudice né du traitement discriminatoire dont il estime avoir été victime de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence de cette discrimination, il incombe au défendeur de soumettre tous ceux permettant d'établir que le traitement dont il a été l'objet repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si le traitement dont le requérant a été l'objet présente un caractère discriminatoire, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; que la circonstance que d'autres agents de même niveau initial ont bénéficié, depuis 1993, contrairement à la requérante, d'un avancement de grade, ne permet pas à elle seule de faire présumer l'existence d'une discrimination ; que dans ces conditions, la société Orange ne peut être regardée comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale opposée par la société Orange, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Orange au titre des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Orange tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 février 2017.
Le rapporteur,
V. PETITLe président,
O. FUCHSTAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02868