Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat des copropriétaires du 23, rue de Richelieu 75001 Paris a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 février 2013 par laquelle le maire de Paris a rejeté sa demande d'autorisation de changement d'usage portant sur des locaux situés 23, rue de Richelieu, présentée pour le compte de la société " En billet à Paris ".
Par un jugement n° 1305104 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du maire de Paris en date du 14 février 2013, enjoint au maire de Paris de procéder au réexamen de la demande d'autorisation de changement d'usage présentée par le syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu 75001 Paris au bénéfice de la société " En billet à Paris " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 18 août 2015, 28 octobre et 12 décembre 2016, la Ville de Paris, représentée par Me Foussard, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1305104 du tribunal administratif de Paris du 25 juin 2015 ;
2°) de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu 75001 Paris ;
3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires du 23 rue Richelieu 75001 Paris la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, d'une part, faute d'avoir été signé conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative et, d'autre part, faute pour les premiers juges de s'être prononcés sur l'un des deux motifs fondant la décision du 14 février 2013, et tiré de ce qu'une compensation doit être demandée par l'administration en raison de la perte du caractère d'habitation du local du fait de son affectation répétée à un usage commercial ;
- la décision du maire de Paris du 14 février 2013 est conforme au règlement municipal fixant les conditions de délivrance des changements d'usage de locaux d'habitation et déterminant les compensations en application de la section 2 du chapitre 1er du titre III du livre VI du code de la construction et de l'habitation, adopté par le conseil de Paris les 7 et 8 février 2011, dès lors qu'il résulte de la combinaison des articles 1er et 3 de ce règlement, tels qu'interprétés au regard de l'intention de ses auteurs, que le maire de Paris a la faculté et non l'obligation d'accorder une autorisation de changement d'usage à titre personnel sans compensation lorsqu'elle porte sur des locaux d'habitation situés en rez-de-chaussée ;
- compte tenu de l'insuffisance du nombre de logements d'habitation dans ce secteur, le maire de Paris a pu légalement opposer un refus à la demande du syndicat des copropriétaires, quand bien même le local en cause se situait en rez-de-chaussée ;
- une compensation devait être demandée par l'administration en raison de la perte définitive du caractère d'habitation du local du fait de ses affectations successives à une activité commerciale.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 12 novembre 2015 et 25 novembre 2016, le syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu 75001 Paris, représenté par son syndic et par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la Ville de Paris de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est régulier ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au Cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nguyên Duy,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me Claude-Loonis, avocat de la Ville de Paris.
1. Considérant que, le 21 octobre 2010, la Ville de Paris a accordé à la SARL
" B de L " une autorisation à titre personnel de changement d'usage en vue de l'exercice d'une activité de décoration et d'architecture d'intérieur, de locaux d'habitation situés au rez-de-chaussée du 23 rue de Richelieu à Paris (75001), précédemment affectés à la loge du gardien ; qu'à la suite de la cession par cette société de son droit de bail à la société " En billet à Paris " en vue d'exercer une activité identique, le syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu à Paris a sollicité la délivrance d'une nouvelle autorisation de changement d'usage de locaux au bénéfice de la société " En billet à Paris " ; que, par une décision du 14 février 2013, le maire de Paris a rejeté cette demande ; que, saisi par le syndicat des copropriétaires, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision par un jugement du 25 juin 2015, dont la Ville de Paris relève appel ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que, pour rejeter la demande du syndicat des copropriétaires du 23 rue Richelieu à Paris par décision du 14 février 2013, le maire de Paris a d'une part, considéré que la société " En billet à Paris " ne remplissait " aucune des conditions fixées par les articles 3 et 4 du règlement municipal qui concernent les dérogations à l'obligation de compensation ", dès lors que " depuis l'ordonnance de 2005, qui a disposé qu'une autorisation avec compensation lui donnait un caractère réel, attaché au local et non à la personne, une compensation doit être demandée par l'administration dans toutes les situations où le local va perdre son caractère d'habitation " et, d'autre part, s'est fondé, compte tenu de la nécessité de préserver dans l'arrondissement un nombre suffisant de logements, sur l'absence d'offre par le demandeur d'une compensation consistant à remettre à l'habitation un local destiné à un autre usage ; qu'il résulte de l'examen des motifs du jugement attaqué que, pour annuler la décision contestée, le tribunal administratif de Paris a relevé que le local pour lequel la demande d'autorisation de changement d'usage a été présentée étant situé en rez-de-chaussée, cette demande entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article 3 du règlement municipal fixant les conditions de délivrance des changements d'usage de locaux d'habitation et déterminant les compensations en application de la section 2 du chapitre 1er du titre III du livre VI du code de la construction et de l'habitation et que, que ces disposition excluent expressément toute obligation de compensation, le maire de Paris ne pouvait légalement se fonder, pour imposer une telle obligation, sur les dispositions de l'article 1er du même règlement, lesquelles mentionnent, à titre de principes généraux, que les demandes d'autorisation de changement d'usage sont instruites en tenant compte notamment de la nécessité de ne pas aggraver l'insuffisance de logements ; que, si le tribunal a considéré que la société pouvait bénéficier de la dérogation prévue par l'article 3 du règlement municipal, et a ainsi statué sur le second motif opposé par le maire de Paris pour écarter la demande du syndicat des copropriétaires, il ne s'est pas expressément prononcé sur l'autre motif opposé par l'administration et tiré de ce qu'une compensation doit être demandée en raison de la perte définitive du caractère d'habitation du local du fait de son affectation répétée à un usage commercial ; que la Ville de Paris est donc fondée à soutenir que le jugement attaqué ne serait pas suffisamment motivé et à en demander pour ce motif l'annulation ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le syndicat des copropriétaires du 23 rue Richelieu à Paris devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité de la décision du maire de Paris en date du 14 février 2013 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorisation préalable au changement d'usage est délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l'immeuble, après avis, à Paris (...) du maire d'arrondissement concerné. Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. / L'autorisation de changement d'usage est accordée à titre personnel. Elle cesse de produire effet lorsqu'il est mis fin, à titre définitif, pour quelque raison que ce soit, à l'exercice professionnel du bénéficiaire. Toutefois, lorsque l'autorisation est subordonnée à une compensation, le titre est attaché au local et non à la personne. (...) / Pour l'application de l'article L. 631-7, une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements (...) " ;
5. Considérant, d'autre part, que l'article 1er du règlement municipal fixant les conditions de délivrance des changements d'usage de locaux d'habitation et déterminant les compensations, dans sa rédaction issue de la délibération des 7 et 8 février 2011 alors applicable, dispose que : " (...) L'autorisation de changement d'usage est accordée : / - d'une part, en tenant compte des objectifs de mixité sociale, de l'équilibre entre habitat et emploi dans les différents quartiers parisiens et de la nécessité de ne pas aggraver l'insuffisance de logements, précisés par le Programme Local de l'Habitat et le Plan Local d'Urbanisme de Paris en vigueur ; / - d'autre part, au regard des compensations proposées, sous réserve des dispenses à l'obligation de compensation prévues aux articles 3 et 4 " ; que l'article 3 de ce règlement prévoit que : " Lorsque la demande de changement d'usage porte sur des locaux d'habitation situés en rez-de-chaussée ou lorsqu'elle est demandée en vue d'y exercer une mission d'intérêt général, aucune compensation n'est exigée pour les autorisations accordées à titre personnel " ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte clairement des termes mêmes des articles 1er et 3 du règlement municipal précité, sans qu'il soit nécessaire, pour en apprécier la portée, de se référer aux travaux préparatoires de la délibération dont il est issu, que ces dispositions combinées excluent expressément toute obligation de compensation pour une demande d'autorisation de changement d'usage d'un local situé en rez-de-chaussée, dès lors que cette demande est présentée à titre personnel ;
7. Considérant qu'il est constant que la demande d'autorisation de changement d'usage portant sur des locaux situés en rez-de-chaussée présentée par le syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu 75001 Paris au bénéfice de la société " En billet à Paris " l'a été uniquement à titre personnel ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la ville de Paris, cette demande devait bénéficier de la dérogation à l'obligation de compensation prévue à l'article 3 du règlement municipal pour les locaux situés en rez-de-chaussée, sans que le maire de Paris puisse se prévaloir de la pénurie de logements d'habitation dans le secteur dans lequel se trouvent les locaux litigieux pour rejeter la demande du syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu 75001 Paris au motif qu'elle n'était pas assortie d'une offre de compensation ;
8. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation précité qu'une autorisation de changement d'usage ne revêt un caractère réel que lorsqu'elle est assortie d'une compensation ; qu'il ressort des pièces du dossier que la première autorisation de changement d'usage a été accordée à titre personnel à la SARL " B de L " et que la nouvelle demande d'autorisation a été présentée par le syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu 75001 Paris au bénéfice de la société " En billet à Paris " également à titre personnel, sans aucune proposition de compensation ; qu'il s'ensuit que l'autorisation qui aurait pu lui être accordée par le maire de Paris n'aurait pas revêtu un caractère réel et aurait ainsi cessé de produire effet lorsque le bénéficiaire aurait mis fin à son activité professionnelle ; que la Ville de Paris n'est donc pas fondée à soutenir que, compte tenu des affectations successives des locaux litigieux à une activité commerciale, ceux-ci auraient définitivement perdu leur caractère d'habitation, de sorte que l'autorisation de changement d'usage en cause ne pouvait être demandée qu'à titre réel et non personnel ; que le maire de Paris n'a donc pu légalement rejeter la demande du syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu 75001 Paris au motif qu'elle n'était pas assortie d'une obligation de compensation ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande, que le syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu à Paris est fondé à demander l'annulation de la décision du maire de Paris en date du 14 février 2013 ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu à Paris, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la Ville de Paris demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu à Paris pour sa défense en appel ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1305104 du tribunal administratif de Paris du 25 juin 2015 est annulé.
Article 2 : La décision du maire de Paris en date du 14 février 2013 est annulée.
Article 3 : La Ville de Paris versera la somme de 1 500 euros au syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu à Paris en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: La présente décision sera notifiée à la Ville de Paris et au syndicat des copropriétaires du 23 rue de Richelieu à Paris.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de chambre,
- Mme Amat, premier conseiller,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 janvier 2017.
Le rapporteur,
P. NGUYÊN DUY Le président,
S. DIÉMERT Le greffier,
M. B...La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 15PA03320