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24/01/2017 | FRANCE | N°15PA02066

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 24 janvier 2017, 15PA02066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande en date du 18 décembre 2013 tendant à obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle, la communication de son dossier médical et administratif ainsi que l'avis de la commission disciplinaire du 11 septembre 2013 et de l'éventuelle sanction prise par le préfet de police à la suite de cet avis, outre des conclusions à fin d'injonction, des conclusions à fin d'

indemnisation et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande en date du 18 décembre 2013 tendant à obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle, la communication de son dossier médical et administratif ainsi que l'avis de la commission disciplinaire du 11 septembre 2013 et de l'éventuelle sanction prise par le préfet de police à la suite de cet avis, outre des conclusions à fin d'injonction, des conclusions à fin d'indemnisation et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n° 1406401/5-1 du 19 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à sa demande, d'une part, en annulant la décision implicite en tant qu'elle porte refus de communication à Mme B... de son dossier administratif et médical, d'autre part, en faisant injonction au préfet de police de lui communiquer l'intégralité de son dossier administratif dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2015, Mme B..., représentée par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1406401/5-1 du 19 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus de lui accorder la protection fonctionnelle en raison de faits de harcèlement moral ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, d'une part, de procéder à la reconstitution de sa carrière et à sa réhabilitation dans le service, d'autre part, de prendre toutes mesures disciplinaires à l'encontre d'un brigadier de police et de deux commandants de police, principaux auteurs des faits de harcèlement moral dénoncés ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est entaché d'erreur de droit et de fait ;

- il est insuffisamment motivé sur le refus d'octroi de la protection fonctionnelle ;

- la décision refusant de lui communiquer l'avis du conseil de discipline du 11 septembre 2013, alors qu'elle en avait fait la demande, méconnaît le principe du contradictoire d'autant qu'elle a pu constater par le biais d'un mémoire en défense que la composition du conseil était irrégulière ;

- le refus de communication de la sanction disciplinaire dans un délai raisonnable, a méconnu le principe du contradictoire ;

- la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle est entachée d'un défaut de motivation ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit et de fait dès lors que, contrairement à ce que soutient le préfet de police, elle a démontré par de nombreuses pièces avoir été victime de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 et aurait dû de ce fait bénéficier d'une protection fonctionnelle en application des dispositions de l'article 11 de la même loi et de la réparation intégrale de son préjudice ;

- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir.

Une mise en demeure a été adressée le 21 juillet 2016, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, au ministre de l'intérieur, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par ordonnance du 20 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 octobre 2016, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs de la police nationale ;

- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que Mme B...a été titularisée le 1er février 2005 dans le corps d'encadrement et d'application de la police nationale, au grade de gardien de la paix ; qu'elle a d'abord été affectée à la direction de la police aux frontières d'Orly avant d'être affectée, à compter du 2 septembre 2007, au commissariat central du 12ème arrondissement de Paris ; qu'au sein de ce commissariat, elle a d'abord exercé ses fonctions à la brigade des accidents et des délits routiers avant de faire l'objet d'une première mutation d'office, le 3 septembre 2012, à la brigade des délégations et des enquêtes de proximité puis, à compter du 28 janvier 2013, au service des gardes à vue ; qu'elle estime avoir été victime, à compter du début de l'année 2012, d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie ; que, par courrier du 18 décembre 2013, elle a demandé au préfet de police le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison des faits de harcèlement moral dont elle s'estimait victime ; qu'elle lui a également demandé de lui communiquer son dossier médical et administratif, l'avis du conseil de discipline du 11 septembre 2013 et l'éventuelle décision prise par l'administration à l'issue de cet avis ; que le silence gardé par le préfet de police sur sa demande a fait naître une décision implicite de rejet dont elle a demandé l'annulation devant le Tribunal administratif de Paris ; que Mme B...relève régulièrement appel du jugement n° 1406401/5-1 du 19 mars 2015 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite refusant de lui communiquer l'avis du conseil de discipline et de lui accorder la protection fonctionnelle ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que Mme B...soutient que les premiers juges ne pouvaient pas, sans entacher leur jugement d'erreur de droit et de fait, estimer que l'avis du conseil de discipline du 11 septembre 2013 n'avait pas à lui être communiqué, que les faits constitutifs de harcèlement moral n'étaient pas établis et que la procédure de protection fonctionnelle n'avait pas à être mise en oeuvre ; que, toutefois, par ces critiques, portant sur les motifs qui fondent ce jugement, Mme B...remet en cause le bien-fondé du jugement attaqué et non sa régularité ; que ces moyens ne sauraient entraîner l'irrégularité du jugement attaqué ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que les premiers juges ont répondu de façon circonstanciée à l'ensemble des moyens et notamment au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; que le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué ne peut donc qu'être écarté ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision implicite en tant qu'elle refuse de communiquer à Mme B... l'avis du conseil de discipline du 11 septembre 2013 et la sanction disciplinaire afférente :

4. Considérant, en premier lieu, que Mme B...soutient que le refus de communication de l'avis du conseil de discipline qu'elle avait sollicité dans son recours hiérarchique du 18 décembre 2013, méconnait le principe du contradictoire ; que toutefois, ainsi que l'ont dit à bon droit les premiers juges, en l'absence de disposition législative ou réglementaire le prévoyant pour les agents soumis aux dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, le défaut de communication de l'avis du conseil de discipline, préalablement à la mise en oeuvre d'une mesure disciplinaire, est sans incidence sur la régularité de celle-ci ; qu'il ressort en outre du procès verbal du 11 septembre 2013 qu'il précise que " son président, après l'avoir rappelée, a donné connaissance à Mme B...de l'avis rendu par le conseil de discipline qui sera soumis pour décision au ministre de l'intérieur " ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le défaut de communication dudit avis méconnaitrait le principe du contradictoire doit être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, que Mme B...fait valoir que compte tenu du délai entre la date du conseil de discipline du 11 septembre 2013, le prononcé de la sanction le 31 décembre 2013 et la date de sa notification le 12 mai 2014, le principe général du " délai raisonnable " qui s'impose à l'administration n'a pas été respecté en méconnaissance des droits de la défense ; que, toutefois, contrairement aux allégations de MmeB..., aucun texte ni principe général du droit disciplinaire n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire, ni même ne fait obligation à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'engager une telle procédure ; que, par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la tardiveté de la sanction et de sa notification aurait méconnu les droits de la défense ;

En ce qui concerne la décision implicite en tant qu'elle refuse d'accorder à Mme B...le bénéfice de la protection fonctionnelle :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration du délai de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués " ;

7. Considérant que Mme B...fait valoir que la décision implicite lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle est insuffisamment motivée, et que le préfet de police, qu'elle avait saisi en ce sens par courrier en recommandé du 17 avril 2014, aurait dû lui communiquer les motifs de son refus ; que, toutefois, Mme B...ne produit pas l'accusé postal de réception de son courrier du 17 avril 2014 adressé au préfet de police la veille du jour de saisine du Tribunal administratif de Paris ; qu'en outre, dans un mémoire en défense, le préfet de police a expressément indiqué les motifs du refus de protection fonctionnelle à MmeB... ; qu'ainsi, par suite, Mme B...ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 ni de l'article 2-2 de la circulaire B8-2158 relative à la protection fonctionnelle, ce document n'ayant pas valeur réglementaire ; que le moyen tiré de cette méconnaissance doit, par suite, être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi

n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 de cette loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire (...) " ;

9. Considérant que Mme B...fait valoir qu'elle a été victime d'agissements de ses supérieurs hiérarchiques qui ont excédé les limites normales du pouvoir hiérarchique, que l'administration n'a pas démontré que les faits qu'elle invoque ne sont pas constitutifs de harcèlement moral, qu'elle a été mise à l'écart et a fait l'objet d'un dénigrement perpétuel de ses fonctions, que ces faits ont gravement porté atteinte à sa santé et à son intégrité, que le préfet de police a entaché sa décision d'erreur de droit et de fait en refusant implicitement de lui accorder la protection fonctionnelle ; que, toutefois, Mme B...reprend intégralement en appel l'argumentation qu'elle avait développée devant les premiers juges sans y apporter aucun élément de droit ou de fait nouveau ; qu'il y a lieu, par suite et par adoption des motifs suffisamment étayés retenus par les premiers juges aux points 17 à 27 de leur jugement, d'écarter le moyen tiré de ce que les éléments dont se prévaut Mme B...seraient constitutifs de faits de harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques, de nature à lui ouvrir droit au bénéfice de la protection fonctionnelle ;

10. Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le préfet de police en tant qu'elle a refusé de lui communiquer l'avis du conseil de discipline du 11 septembre 2013 et de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle pour faits de harcèlement moral ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les faits invoqués par Mme B...ne sont pas de nature à faire présumer de l'existence d'une situation de harcèlement moral susceptible d'engager la responsabilité pour faute de l'administration ; que, par suite, les conclusions tendant à enjoindre au préfet de police de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle en faveur de MmeB..., de procéder à la reconstitution de sa carrière et à sa réhabilitation dans le service, et de prononcer des sanctions disciplinaires à l'encontre des auteurs des faits de harcèlement moral, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions indemnitaires :

13. Considérant, que la responsabilité pour faute de l'administration n'étant pas établie, les conclusions de Mme B...tendant à la condamnation de l'Etat à prendre en charge l'intégralité des frais de procédure sur présentation des justificatifs au titre de la protection fonctionnelle et à lui verser une somme de 15 000 euros au titre des préjudices subis, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme à Mme B...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller,

Lu en audience publique le 24 janvier 2017.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

J. KRULIC

Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02066
Date de la décision : 24/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-01-24;15pa02066 ?
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