La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/2016 | FRANCE | N°16PA00526

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 30 décembre 2016, 16PA00526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A..., alias A...B..., a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a décidé de le placer en rétention administrative.

Par un jugement n° 1508978/12 du 9 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté préfectoral du 5 novembre 2015 et a enjoint au préfet

de réexaminer la situation de M. A...dans un délai d'un mois à compter de la notification...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A..., alias A...B..., a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a décidé de le placer en rétention administrative.

Par un jugement n° 1508978/12 du 9 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté préfectoral du 5 novembre 2015 et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A...dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2016 et complétée le 13 juillet suivant, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1508978/12 du 9 novembre 2015 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...A...devant le Tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige a été pris au terme d'une procédure conforme aux articles 18 et 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que l'intéressé, qui avait été débouté de sa demande d'asile par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 24 novembre 2006 confirmé par une décision rendue le 8 juin 2009 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), s'est vu opposer une décision du 3 novembre 2010 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé l'admission au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire national ; qu'en vertu de ce règlement, il incombait à la France de reprendre en charge M. A...et d'assurer l'éloignement de ce dernier, remis par les autorités néerlandaises en 2015 ; le procès-verbal établi lors du retour de l'intimé en France ne peut, comme l'a jugé le magistrat désigné, traduire une absence d'examen de la situation de l'intéressé, d'autant que la délivrance d'un laissez-passer en vue du retour vers la France de M. A... n'a pu se faire que dans le respect de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;

- les autres moyens invoqués en première instance, tirés du défaut de motivation, de l'erreur de fait dès lors qu'il serait en possession d'un passeport, de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale de New York, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur de droit dès lors que l'arrêté contesté vise l'article L. 511-1 au lieu de viser l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être écartés.

La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense malgré la mise en demeure qui lui a été faite le 4 octobre 2016.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 24 juin 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Auvray,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public.

1. Considérant que M. B...A..., de nationalité camerounaise, né le 13 septembre 1985 à Bamenda, est entré une première fois en France en juillet 2006 en vue d'y solliciter l'asile ; que sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par décision du 24 novembre 2006, confirmée par décision du 8 juin 2009 rendue par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; que, par un arrêté du 13 novembre 2010, le préfet de la Seine-Maritime a refusé son admission au séjour, qu'il avait sollicitée pour raisons médicales le 17 juillet 2009 ; qu'après avoir été contrôlé en situation irrégulière aux Pays-Bas, M. A...a fait l'objet, de la part des autorités néerlandaises, d'une demande de reprise en charge par la France selon la procédure prévue aux articles 23, 24 et 26 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013, demande à laquelle le ministre de l'Intérieur français a répondu favorablement par une décision du 22 avril 2015 ; que le transfert de l'intéressé a eu lieu le 5 novembre 2015, jour où le préfet de la Seine-Saint-Denis a édicté l'arrêté contesté obligeant l'intéressé à quitter sans délai le territoire national ;

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté contesté du 5 novembre 2015, le magistrat désigné s'est fondé sur la circonstance qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. A... eût été auditionné préalablement à l'édiction de la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français pour en déduire que son audition aurait été de nature à lui permettre de faire valoir des éléments nouveaux sur sa situation et que le requérant était fondé à soutenir que la décision d'éloignement en cause n'avait pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du § d du 1 de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013 susvisé : " L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 susvisé: " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : / a) le demandeur a pris la fuite ; ou / b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) " ;

5. Considérant que le préfet de la Seine-Saint-Denis soutient, d'une part, que la délivrance d'un laissez-passer en vue du retour de l'intimé vers la France n'a pu se faire que dans le respect de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 qui prévoit un entretien individuel avant que ne soit prise une décision de transfert du demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable, d'autre part, que M. A...n'a manifesté ni aux Pays-Bas, ni en France, le souhait de formuler une nouvelle demande d'asile alors qu'il s'est vu notifier ses droits dès son arrivée au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) le 5 novembre 2015 ;

6. Considérant, toutefois, que les circonstances rappelées au point précédent et invoquées par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas de nature à établir que la décision d'éloignement prise à l'encontre de M. A...par les autorités françaises, d'ailleurs marié à une ressortissante néerlandaise en mairie du Havre le 26 janvier 2008 et père de deux enfants, aurait été précédée d'un examen et d'un entretien mettant l'intéressé à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur les motifs qui seraient susceptibles de justifier que ces autorités s'abstiennent de prendre à son égard une mesure de retour, nonobstant la production par le préfet, en cause d'appel, d'un procès-verbal dressé le 5 novembre 2015 à 9h50 eu égard à son objet, limité à la notification d'un arrêté d'obligation à quitter le territoire français ; que si le préfet soutient, sans être contredit, que l'intéressé s'est déjà vu refuser l'admission au séjour et s'il peut en être déduit que M. A...a, à cette occasion, pu être entendu, il ressort des indications données par le préfet que le refus d'admission au séjour pour raisons médicales a été prononcé le 13 novembre 2010, soit près de 5 ans avant la décision d'éloignement contestée ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté notifié le 5 novembre 2015 à 10h30 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A.... Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Krulic, président de chambre,

M. Auvray, président-assesseur,

Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

B. AUVRAY

Le président,

J. KRULIC Le greffier,

C. RENE-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 16PA00526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00526
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. KRULIC
Rapporteur ?: M. Brice AUVRAY
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : RENET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-30;16pa00526 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award